Par Emilie Flament.
Non, je ne vais pas vous parler du Festival de Monte-Carlo (il n’a commencé que dimanche !), même si il rassemble un important parterre de vedettes de séries internationales. Non, je ne vais pas vous annoncer la résurrection des 7 d’Or (ils sont très bien au fond de leurs oubliettes !). Je vais revenir sur un sujet qu’on a déjà abordé dans le dernier épisode des Controverses du Village : les BAFTA Television Awards. Ils ont été décernés dimanche 6 juin au Palladium de Londres. Découvrons les grands points du palmarès.
D’abord, il faut savoir que ces récompenses ne s’adressent pas qu’aux fictions, mais plutôt à l’ensemble des programmes télévisés. Le Special Award donne d’ailleurs vite le ton : Simon Cowell, le producteur des franchises « Pop Idol », « X Factor », « Britain’s got Talent »... En résumé, le papa de quasiment tous les “talent shows” existants ! Mais bon, passons au sujet qui nous intéresse : les fictions !
Et, pour commencer, un succès complet et mérité : « The Thick Of It » rafle le prix de la meilleure sitcom, et ses acteurs Peter Capaldi et Rebecca Front, ceux de meilleurs acteur/actrice dans un rôle comique. Certes, ce n’est pas une grande surprise, la série a déjà remporté 2 BAFTAs pour sa première saison, et son passage de BBC4 à BBC2 pour la troisième saison avait confirmé son succès, critique et public. On vous a déjà grandement vanté les performances de Capaldi, toujours aussi excellent quelque soit le rôle, aussi bien en très agressif directeur de la communication du gouvernement dans « The Thick Of It » qu’en marionnette du premier ministre dans « Torchwood : Children of Earth ». Pour ceux qui auraient encore des doutes, il ne vous reste qu’à vite acheter les DVD !
Au niveau des dramas, « Misfits » (vignette d’illustration : l’équipe de « Misfits » avec son award) bat « Spooks », souvent nominé (4 fois) mais récompensé uniquement en 2003 dans la catégorie Série dramatique. « Occupation », centré sur le guerre en Iraq, domine « Red Riding », le triptyque consacré à la région de Yorkshire dans les années 70/80, pour les mini-séries. Enfin, au niveau des téléfilms, on nous arrache une larme avec « The Unloved », et sa jeune héroïne ballotée par l’assistance publique britannique.
Côté Acteurs, Kenneth Branagh remporte sa statuette pour « Wallander » (mouais...sans commentaire…). Notons que Matthew Macfadyen remporte l’award du meilleur second rôle pour sa brève participation à la saison 2 de « Criminal Justice », ce qui est loin d’être son meilleur rôle à la télévision, mais bon on peut se dire que ça compense toutes les fois où il aurait du l’avoir ! Julie Walters, avec 2 nominations cette année (pour « Mo » et « A short stay in Switzerland ») et déjà 3 victoires, pourra continuer sa collection de BAFTA avec cette nouvelle récompense, et Rebecca Hall débuter la sienne avec le meilleur second rôle féminin pour « Red Riding ».
Rien ne vous choque dans cette liste ? Je vous aide : comme c’est souvent le cas aux BAFTA, la quasi-totalité des acteurs nominés et des gagnants concerne des mini-séries ou des unitaires, souvent pour des biographies ou pour des fresques historiques. Les anglais auraient-ils un côté élitiste ? Même si je ne mets pas en doute la qualité de ces fictions, il reste dommage que les séries plus populaires et leurs acteurs doivent souvent se contenter des National Television Awards.
Vous l’aurez compris, si vous voulez remporter un BAFTA Television Awards, misez soit sur la biographie d’un personnage historique à la fin si possible tragique, soit sur un concept d’émission de variété qui brasse de parfaits inconnus... C’est moi ou les anglais aiment faire le grand écart ?
Par Dominique Montay.
« Les Bleus » sur M6 le samedi soir, c’est fini. En même temps, les
séries le samedi soir, il ne faut pas sortir de polytechnique pour
savoir que c’est voué à l’échec. Mais certains responsables de
programmation sont aussi accrocs aux résultats négatifs que des
sélectionneurs français dont le nom commence par un D. Et en urgence,
qu’-a-ton eu à la place ? Du lourd, du très très lourd. Le type
d’émission dont on comprend la diffusion tant elle est vitale. Un best
of de « Surprise sur prises ».
Et l’ai-je vu ce best of ? Vous allez me dire non. Et je vais vous
répondre si. Pas forcement par volonté farouche, plutôt par fieffé
hasard. Je ne vais pas mentir, l’émission des québécois qui font des
blagues aux stars, je l’ai vue étant jeune, et j’en ai plutôt de bons
souvenirs. Le soirées spéciales attablé avec mes parents, les fous
rires que ça déclenchait... je n’ai rien contre. Sauf que je reste
assez circonspect devant l’utilité d’une rediff. Pas les décideurs
d’M6. Soit. Mais chez M6, on ne rediffuse pas un grand succès de la
télé comme ça, sans rien faire.
Non, déjà, on ajoute des présentateurs avachis dans des canapés (en
l’occurrence la très jolie mais pas très captivante Virginie
Guilhaume, et le pas joli et absolument horripilant Laurent Boyer,
l’ami des stars — ce qui ne donne pas envie d’en être une, en
passant. Leur boulot : introduire les sketches en faisant mine d’avoir
classés ces derniers. Donc on nous les a catégorisés avant de nous les
montrer, c’est gentil, ça. Et la petite chaîne qui monte qui monte ne
s’arrête pas là dans la gentillesse. Et ce grâce à « La voix off qui
explique ce que vous êtes en train de voir ».
« La voix off qui explique ce que vous êtes en train de voir »,
appelons-la Gérard, est là pour vous guider durant tout le long de ce
processus extrêmement fatiguant pour les neurones qu’est le visionnage
d’une émission de variété. Gérard, vous l’entendez dans « Un dîner
presque parfait » pour vous dire que Sandra a raté sa quiche quand
Sandra dit “j’ai raté ma quiche” en montrant sa quiche ratée.
Gérard, il est sympa, ouvert, et surtout patient, vu qu’il répète
trois fois les mêmes choses.
Grâce à Gérard, M6 devient la chaîne qui explique tout à tout le
monde, mais comme s’ils avaient 6 ans (le chiffre est choisi à propos,
n’est-ce pas). Est-ce si révoltant en soit ? Pas vraiment, sauf quand
on repense à la façon dont les sketches étaient introduis dans la
première diffusion de « Surprise sur prises » dans les années 80-90.
Deux animateurs, un lancement teaser un peu cryptique, le sketche
balancé tel quel, et enfin, une pseudo-analyse rapide. La rediff sauce
M6, c’est un teasing inutile et sans saveur, une rediff qui multiplie
les ralentis et la répétition des images, le tout avec Gérard qui vous
raconte ce que vous voyez.
M6 nous annonce donc froidement qu’on est plus cons qu’il y a vingt ans.
Et en plus, ils ont arrêté « Les Bleus » [1].
Par Sullivan Le Postec.
Samedi soir pendant que M6 diffusait son « Surprise sur prise » pour idiots, France 3 programmait « Nouvelle Maud » [2], un 6x52’ (encore diffusé en deux soirées. Sans commentaire.) variation autour de la saga d’été terroir.
Elle doit à cela d’avoir remporté un certain succès, passant de 2,4 millions à 2,9 millions au fil de la soirée et totalisant autour de 15% de parts de marché. On ne se fait pas d’illusions sur l’âge moyen du public, qui était clairement exactement celui qui avait fuit « La Commanderie » pour aller se réfugier devant de vieux « Navarro » sur TMC. Et on ne va pas blâmer la série pour ça : les plus de 45 ans ont le droit de regarder la télé aussi. « Nouvelle Maud » s’inscrit dans le genre de la saga un peu terroir, millième histoire d’héroïne revenant dans son village natal après un incident mystérieux, le tout un peu épicé par le passé de ladite héroïne, devenue strip-teaseuse à Pigalle et qui doit donc gérer sa sulfureuse réputation. Rien d’innovant, rien d’original, mais rien qui empêche le tout d’être une bonne petite mini-série susceptible de satisfaire un certain public, d’autant que l’univers et les personnages posés ont définitivement du potentiel et que l’ensemble pourrait être attachant.
Et puis on voit le résultat, et on se demande comment on fait pour en arriver là. Le scénario ressemble à un premier jet, écrit très vite par un dialoguiste vraiment pas doué qui passe son temps à faire dire tout haut *tout* ce qu’ils pensent à des personnages totalement dénués d’intériorité. Quant à l’humour... Le running gag du gendarme qui envoie son adjoint aux archives, ou faire des contrôles sur la Nationale, semble droit sorti d’une ’sitcom’ AB Production – c’est à dire qu’il est un des seuls à devenir drôle tellement il dépasse de loin les limites de l’affligeant. Le duo de scénariste a aussi signé « Clem », et on retrouve exactement le même défaut d’écriture : ils sont incapables de proposer un travail un peu subtil sur les personnages, malgré quelques bonnes idées. Ça saute aux yeux avec le personnage de Ben, donc le concept est très intéressant : il rejette totalement sa tante strip-teaseuse, parce qu’elle le renvoie à sa propre “anormalité”, lui qui est en train de se découvrir gay. Mais le traitement est d’une telle maladresse que ça en devient embarrassant. Pour compenser, on accumule rebondissement improbable sur rebondissement improbable (la tentative de suicide de Lola, etc.) ce qui ne fait que souligner la superficialité de l’ensemble.
Il n’y a aucun effort de crédibilité ou de vérité (franchement, faire quelque chose qui ressemble un minimum à une page web avec une vidéo en streaming incrustée qui évite de la passer un plein écran top qualité, ça prend quoi, deux heures si on est pas doué ?). La réalisation est à la limite de l’amateurisme, impersonnelle et sans intérêt, mais ce n’est rien à coté de l’absence absolue de direction d’acteur. Il faut évoquer aussi l’incroyable laideur de la photographie. Sérieusement, on est en 2010, l’invention de l’étalonnage numérique commence presque à dater, c’est plus possible de mettre à l’antenne une série à l’image aussi terne, au rendu vidéo, et qui semble intégralement éclairée au néon de supermarché.
Bref, en un mot comme en cent : comment est-ce possible qu’arrive à l’antenne quelque chose d’aussi mal produit, un programme qui n’a visiblement bénéficié d’aucune attention et d’aucune implication de personne ?
Totale incompétence ? A la limite, on aimerait bien y croire. Sauf que comme le co-scénariste et le producteur sont aussi derrière « Un Amour à Taire », on sait qu’ils sont capables. Du coup, on penche plutôt pour le même manque absolu de respect pour le public, et de respect pour soit-même, qui a mis la fiction française au fond du trou pendant quinze ans. Un manque de respect raccord avec la vision hyper condescendante et arriérée de la ruralité française.
J’avais lu quelques critiques (Yagg et Spin-off) avant de voir les trois épisodes et je les avais jugées sur le coup vraiment sévères et j’avais soupçonné un parti-pris résolument anti-soap/saga primaire d’être à l’oeuvre. Maintenant, je comprends : c’est qu’au bout d’un moment, on se sent vraiment insulté.
Et des bons petits soaps un peu terroirs, un peu vieillots, mais non dénués d’ambition et de travail, la BBC en programme tout le temps. L’alternative existe donc, elle demande juste un minimum d’exigence et d’intégrité.
Dernière mise à jour
le 29 mai 2012 à 03h20
[1] Source de satisfaction : l’émission n’a rassemblé que 1,2 millions de téléspectateurs et 7,% de parts de marché. C’est plus de 800 000 spectateurs de moins que « Les Bleus »...
[2] « Nouvelle Maud »
Réalisé par Bernard Malterre
Scénario : Emmanuelle Rey-Magnan, Pascal Fontanille
Produit par François Aramburu, Pascal Fontanille pour Merlin Productions, avec la participation de France Télévisions
Série créée par Pascal Fontanille, Emmanuelle Rey-Magnan, Marc Kressman, Carine Hazan