Vite vu en février
On a vu. On a aimé. Ou pas. On vous dit tout. En bref !
Par Sullivan Le Postec • 28 février 2007
Un flic, un cross-over, les questions soulevées par les réussites d’Alain Tasma, et notre rubrique-dans-la-rubrique : "si je regarde PBLV c’est, bien sûr, uniquement pour le boulot".

Ambiance

« Un Flic » [1]
Le 90 minutes bouge encore ! Hugues Pagan (la première saison de « Mafiosa », « Police District ») est l’auteur de ce singulier téléfilm, potentiel pilote d’une collection à héros récurrent. Pagan est lui-même un ancien flic, dont l’intérêt pour l’écriture de polar penche du coté de la transcription de la réalité, moins de la sublimation glamour du métier de policier. Mais, au delà de cette volonté là, ce qui marque le plus à la vision de « Un Flic » c’est un travail sur l’ambiance, notamment sonore, rarissime à la télé française. Atmosphère crépusculaire, sirènes qui résonnent dans la nuit, violence de la rue. Et, au milieu de cela, un flic, Schneider, traque Dragan, un tueur — fils spirituel de ce cauchemar post-moderne. Étrangeté : Schneider ne jure pas comme un charretier, au contraire du premier flic post-« NYPD Blue » venu, mais s’exprime au contraire par des dialogues très travaillés. Ce petit paradoxe, adossé au travail sur l’ambiance, nous ramène un peu plus dans l’univers d’un polar noir des fifties dont le héros se verrait soudain confronté à un monde devenu ultra-sanglant. Comme toujours avec les fictions ’’à ambiance’’, certains y verront des lenteurs, et il est certain que l’enquête de ce premier épisode n’est pas son meilleur atout, mais pour un pilote, le résultat n’en reste pas moins alléchant.
Le succès de « Un Flic » à l’échelle de l’audimat nous permettra de retrouver Schneider prochainement.

Si je regarde PBLV, c’est, bien sûr, uniquement pour le boulot

« Plus belle la vie »
 [2]
Dans mon décryptage publié au début du mois de février, je pointais le fait que la répétitivité des arches A de « Plus belle la vie » pouvait parfois être un peu handicapante. On se lassait du format ’’introduction de deux guest / mort du premier / un personnage de « PBLV » est injustement accusé / les autres cherchent à le sortir de ce mauvais pas en débusquant le vrai coupable / qui est l’autre guest".
Reste qu’après une story A de novembre-décembre certes plus originale, certes très intéressante sur le papier, mais aussi très poussive à l’écran, et un mois de janvier identique, on a finalement salué avec une certaine satisfaction le retour à un bon vieux classique. Le frère de Nicolas, débarqué un mois plus tôt, a été assassiné. Trois Mistraliens innocents sont suspects, l’un d’eux est en prison...
Blague à part, le fait que la série devienne aussi poussive et n’arrive pas à trouver de ligne de développement claire qui donne au téléspectateur l’impression de regarder quelque chose de construit, aussitôt qu’elle s’éloigne d’un canevas aussi classique est un peu inquiétant — et, rétrospectivement, s’était déjà vu au moment de l’intrigue des Mercoeurs l’été dernier. Néanmoins, la confrontation de Nicolas avec sa famille homophobe a fourni a cette intrigue un certain nombre de jolis moments.
Parrallèlement, la série a confirmé qu’elle gérait excellemment bien les intrigues B et C. Même si, autre sujet de râlerie un peu pointilleux, les intrigues C semblent vouloir de plus en plus souvent devenir des B-bis au détriment d’une certaine légèreté de ton et d’une certaine profondeur des personnages. L’inscription de la série dans le cadre d’une fiction sociale qui se veut le miroir des réalités de l’autre coté de l’écran s’est vue confirmée. On note sur ce plan deux intrigues principales :
- ’’Les papiers de Lili’’, où les personnages se sont engagés pour obtenir des papiers à une famille d’origine sub-saharienne, quitte à être très culottés. Quitte, aussi, à ce que la Mairie de Marseille soit prise d’assaut par des demandes de parrainages républicains. (Voir le forum)
- Et puis il y a eu Fabien.
Le jeune frère de Mélanie vient d’arriver à Marseille pour passer des sélections au centre de recrutement de l’OM. Il se lie vite avec Samia (c’est un des biais pénible de « Plus belle la vie » que de voir ses personnages tomber dans le ’’total love’’ en deux jours). Sauf qu’une ombre plane : l’attente de résultat, alors que son ex avec laquelle il ne se protégeait pas vient de lui annoncer qu’elle était séropositive. Quand Fabien découvre ses propres résultats, positifs eux-aussi, il est face à un double dilemme. Comment annoncer cette nouvelle à Samia ? Comment accepter que sa séropositivité le condamne à renoncer à ses rêves de sport professionnel de haut niveau ?
Pour conclure sur « PBLV », un élément qui tient de l’anecdote. Comme on le sait, la série s’attache avec attention à respecter la temporalité du spectateur. Chaque épisode se passe le jour même où il est diffusé. Mais voilà, en février, la retransmission par France 3 de compétitions de Ski, non prévue au moment du tournage, a perturbé la diffusion, repoussant deux épisodes au week-end. Pas de chance, c’est tombé pile la semaine de la St Valentin, ou deux épisodes faisaient explicitement référence à la date « du jour » qui s’est donc trouvée être à l’écran celle de la veille ou de l’avant-veille...

Passage obligé

« PJ » et « Avocats & Associés »
 [3]
On sait, vous voulez qu’on vous parle de l’événement de février. France 2 a diffusé le « premier cross-over français ». Et l’épisode de Noël où les Girard de « Premiers Baisers » invitaient toute la famille, c’est-à-dire les oncles de « Salut les musclés », la cousine de Justine, Lola du « Miel et les abeilles », et sa soeur Hélène de « Hélène et les garçons » (on choisit vraiment pas sa famille !) c’était du pipi de chat alors ? Aucune culture télévisuelle à France 2 !
Bref. Les flics de « PJ » ont croisé les « Avocats et Associés », et vous voulez qu’on en parle. D’accord, mais on n’a pas grand-chose à en dire. C’était globalement sympa, voilà. On comprend pas très bien pourquoi ça a mis dix ans, mais on se dit que mieux vaut tard...
Et on comprend toujours pas très bien non plus comment autant de gens peuvent regarder « PJ » (et aimer ça) mais on apprécie toujours les « Avocats », même si la série s’use un peu.
Voilà, voilà, quoi. En même temps, la rubrique s’appelle Vite Vu, hein.

Festival Alain Tasma

C’est un événement régulier, mais février nous a offert un festival Alain Tasma, peut-être le réalisateur de télévision français le plus intéressant à l’heure actuelle. D’abord, TV5 et 13ème Rue ont toutes deux rediffusé « A Cran », l’exceptionnelle mini-série policière originellement programmée sur France 2.
Puis, deux jours avant un inédit du réalisateur sur France 2, « La surprise », qui a bénéficié d’une presse dithyrambique, France 3 rediffusait « Procès de Famille », un très joli unitaire.
On s’interroge toutefois sur cette constante dans le succès. C’est à dire que le talent de Tasma ne fait pas l’ombre d’un doute, mais qu’il est amusant de constater qu’il réalise à peu près tous les bons scénarios qui passent entre les mains des directions de la fiction de France Télévision. On se prend à imaginer la procédure de base dans le comité de lecture du groupe. On imagine...
Une grande pièce sombre dans un sous-sol, deux douzaines de jeunes futurs auteurs (il l’espèrent) s’injectent du café par intra-veineuse pour résister à la lecture des piles de scripts qui prennent la poussière le long des murs. Il en arrive par palettes chaque jour, qui attendront quelques semaines, au moins, pour un avis. Mais ici, personne ne songerait à se plaindre. C’est sûr, la plupart des scénarios rendraient David Tennant neurasténique, mais, à la machine à cocaïne (parce que le café par intraveineuse ne suffit pas à tenir éveillé longtemps) on s’échange parfois dans un murmure des histoires sur les suicides qui surviendraient au comité de lecture du Fond d’Innovation... Et puis, de temps en temps, un lecteur s’agite. Des gouttes de sueur perlent sur son front alors qu’il tourne de plus en plus fébrilement les pages du scénario grossièrement relié qu’il tient entre ses main. Alors qu’il arrive à quelques pages de la fin, sa main se rapproche inexorablement d’un gros téléphone avec un seul bouton, posé au beau milieu de son bureau. A la lecture du mot « fin », il décroche, appuie sur le bouton. Quelques mots suffisent : « j’en tiens un ». Une sirène retentit, les portes blindées de la salle se referment automatiquement, tandis que des girophares rouges balaient la pièce. De toute part, les têtes se tournent, les cous se tendent, on cherche à apercevoir le visage de l’Elu. Elles se tournent toutes vers la double porte blindée quand elle s’ouvre à nouveau, dans un silence de mort, au moment où la sirène s’est enfin tue. Les battants découvrent Perrine Fontaine, directrice éditoriale de la fiction de France Télévision, entourée de deux gardes du corps. Elle ne fait qu’un pas dans la pièce. Son visage grave est marqué par la solennité de l’instant. L’Elu se lève et d’un pas militaire, s’approche lentement de la directrice, le scénario posé sur les paumes de ses mains, tendu comme une offrande. Dès que Perrine Fontaine s’en saisit, il s’écroule au sol sous le poids conjugué de la fatigue, de l’émotion et de la sensation du devoir accompli. (Certains continuent d’affirmer que c’est parce qu’il vient de gagner le droit de pitcher des idées d’épisodes au directeur de collection de « Louis la brocante », mais on n’y croit pas trop.) Les yeux Perrine brillent maintenant d’émotion. Elle porte la main à son oreillette et lutte pour que la boule dans sa gorge n’influe pas sur le son de sa voix.
« Patrick, je viens d’avoir un bon scénario. »
« Perrine, » répond de Carolis, « on vient de programmer « L’Etat de Grâce » et « Tombé du Ciel » en un seul trismestre, même à M6 ils se foutent de notre gueule. On peut pas se rater. »
« Je comprends. Si on a pas le droit à l’erreur, j’ai l’homme de la situation. J’envoi la team en hélico chercher Alain Tasma. »
Cette scène se produirait une fois par an. Deux les bonnes années.
Remarquez, peut-être que notre imagination nous entraîne un peu, là. Bref, tout ça pour dire qu’on se joint à Perrine et Patrick et qu’on dit « merci Alain ».

Post Scriptum

« Merci Alain ». Et au mois prochain.

Dernière mise à jour
le 28 février 2007 à 10h36

Notes

[1Scénario Hugues Pagan, réalisation Frédéric Tellier

[2Direction d’écriture : Olivier Szulzynger

[3Episodes « Crime » (1/2, « PJ ») et « Désordre » (2/2, « A&A »)
Scénario : Marc Eisenchteter pour « Crime » et Laurent Burtin pour « Désordre »
Réalisation : Claire de la Rochefoucauld