Diffusée en décembre, la mini-série de Canal+ « Rien dans les poches », réalisé par Marion Vernoux, et co-écrit par la réalisatrice et Laëtitia Trapet, s’attache à un objectif ambitieux : suivre le parcours d’une jeune femme entre showbiz et monde de la nuit de 1978 jusqu’au début des années 2000.
25 ans de la vie d’une femme façon sexe, amour, drogue et mauvaise pop des années 80. Après « Sa raison d’être » sur France 2 au printemps, et « New Wave » puis « Nés en 68 » diffusés sur Arte récemment, les eighties sont de toute évidence la tendance du moment. Et aussi la démonstration qu’une nouvelle génération est aujourd’hui en mesure de proposer des sujets dont elle est proche...
Reste que « Rien dans les poches » déborde largement des années 80, et que c’est sans doute son premier défaut : la minisérie aurait gagné à se centrer sur une période, un univers, un sujet, plutôt que de tout brasser et de se perdre dans un zapping permanent qui caractérise aussi le traitement de la plupart des personnages secondaires, auxquels on a du mal à s’attacher à force de traitement elliptique.
La reconstitution des années 80 a visiblement été très travaillée, quitte parfois à ce que cela se voit trop, à force de démonstrativité. D’autant plus que quelques anachronismes viennent souvent renforcer l’artificialité. Pas de chance : la minisérie s’ouvre sur des images d’archive d’un match de tennis de 1978... où on ne voit que le logo bleu et rouge de TF1 qui date de 1990 ! Ledit logo revient plusieurs fois à l’image, y compris dans un cas pour recouvrir le logo réel de l’époque, on doit donc probablement sa présence à une contrainte de production. A peine quelques minutes plus tard, la foule du Palace est montrée dansant en 1980 sur “Ride On Time” de Black Box, sorti neuf ans plus tard et très typé années 90 dans sa sonorité (l’anachronisme m’a sauté aux oreilles alors que je suis très loin d’être une encyclopédie musicale)...
Plus embêtant, l’imprécision historique n’est pas non plus absente du cœur du scénario. Ainsi, la représentation médiatique du Sida, telle que donnée à voir dans la minisérie, a systématiquement dix ans d’avance sur la réalité. « Rien dans les poches » donne à voir en les plaçant dans les années 80 des images qui rappellent le décès de Cyril Collard et le baiser de Clémentine Célarié à un séropositif, deux évènements s’étant produits alors que les années 90 étaient bien entamées (ils se situent en 1993 et 1994 respectivement).
Ce ci dit, tout n’est pas à jeter dans « Rien dans les poches ». En premier lieu, on se souviendra de la performance d’Emma de Caunes, exceptionnelle et crédible du début à la fin. Alors même qu’on remarque que tous les autres acteurs ne vieillissent pas, elle arrive à nous faire croire à son personnage de 17 à 40 ans. Par ailleurs, à défaut d’un sentiment de cohérence, d’une véritable histoire qui aurait un début, un milieu et une fin, la minisérie n’est pas avare de jolis moments, de scènes très réussies, d’instants d’émotion sincère. Ils font presque avaler les ratés et les lieux communs...
Depuis fin septembre, « Plus belle la vie » a eu le temps de boucler une intrigue A, d’en conduire une deuxième, d’en ouvrir une troisième, mais aussi de diffuser quatre épisodes en prime-time. C’est épuisant, un rythme de quotidienne !
Si sa conclusion n’aura pas été ce qu’elle a offert de mieux, l’intrigue sur le retour de Charlotte reste à mon sens l’une des meilleure de la série, notamment parce qu’elle sortait totalement de la routine de la série (ce qui était déjà le cas de l’intrigue de son départ l’année dernière). Mention spéciale à Hélène Médigue, l’actrice qui interprète Charlotte et qui, visiblement motivée par son retour, a réalisé un vrai travail pour se transformer et transformer son jeu afin de véritablement devenir un autre personnage.
L’intrigue suivante porte la mention ‘‘ripped from the headlines’’ puisque centrée sur la disparition d’un enfant dix ans plus tôt, dont on découvrait au bout du compte qu’il avait passé ces dix années enfermées dans une pièce. Cette histoire a surtout eu le mérite de montrer que « PBLV », par le biais de Sybille ayant des visions de l’enfant disparu maintenant adolescent, peut tout à fait flirter avec le fantastique à condition d’y injecter à l’écriture la délicatesse et la subtilité qu’il n’est pas possible d’y mettre au moment du tournage en terme de jeu comme de réalisation.
Mais l’évènement de ces trois derniers mois a forcément été la diffusion en novembre du troisième prime-time de la série. En s’affranchissant autant que France 3 l’a rendu possible du canevas habituel d’un épisode de la série, il s’est révélé sans aucun doute le meilleur des trois.
Pour s’inscrire sans problème dans la continuité de la série, les deux primes précédents s’étaient conformés à une unité de temps : se dérouler en une soirée afin de s’intercaler entre les deux épisodes habituels diffusés juste avant et le lendemain. La première soirée avait même repris à la lettre la structure habituelle en trois histoires des épisodes quotidiens, tandis que le prime de l’année dernière avait déjà tenté de s’affranchir du cadre de la série en proposant un huis-clos dans une maison à la campagne qui avait malheureusement vite viré au slasher molasson.
Cette année, le prime marquait le retour du personnage de Nicolas, ‘‘tué’’ dans la série 18 mois plus tôt. L’épisode racontait en flash-back ces 18 mois, et plus particulièrement les dernières semaines, alors que l’ex de Nicolas, Thomas, avait découvert que Nicolas avait simulé sa mort. On comprenait alors pourquoi Thomas, depuis des semaines, apparaissait taciturne et absent dans les épisodes quotidiens.
On notera tout de même l’évidente limite de l’histoire : elle ne tient que si on a oublié, ou si on voulait bien faire semblant d’avoir oublié, les circonstances précises de la mort Nicolas, d’ailleurs consciencieusement éludées par le prime.
Reste que, libéré de la contrainte de devoir raconter une seule journée, Olivier Szulzynger, le scénariste du prime, a pu proposer une intrigue au rythme totalement différent des épisodes quotidiens et qui, pour la première fois, donnait le sentiment d’être tout à fait ‘‘légitime’’ à cette heure. Le projet original aurait été de donner à la mise en image la même ambition que celle appliquée à l’écriture, c’est-à-dire de filmer cette histoire en épisodes de 52’ filmés sur pellicule plutôt qu’en vidéo. France 3 n’a pas consenti à cet investissement. On comprend que les questions budgétaires soient particulièrement sensibles ces temps-ci sur le Service Public, mais il serait toutefois dommage que la chaîne se contente de voir en « Plus belle la vie » une simple vache à lait.
Dernière mise à jour
le 28 décembre 2008 à 02h57