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Take My Wife - Présentation et bilan de la saison 1 de Take My Wife

Take My Wife: Fantastic Hairstyles and Where To Find Them

Par Conundrum, le 12 juillet 2017
Publié le
12 juillet 2017
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Avec la possibilité de regarder la nouvelle série de Kevin Bacon sur le site où on achète des pièces détachées pour son aspirateur, on se retrouve avec une gamme très riche en séries télévisées.

Le problème est que cette richesse se traduit plus en terme quantitatif que qualitatif. L’offre sérielle reste globalement très standardisée dans ses codes côté network et même du câble. On retrouve sur quelques chaînes plus confidentielles des expérimentations à l’identité propre mais qualitativement pas complètement abouties.

Sur ces nouveaux endroits où l’on trouve des séries, l’évolution des codes sériels apporte un renouveau bienvenu mais peut aussi déstabiliser. Déprimé par la dernière comédie 30 minutes qui vient de vous faire pleurer ? Lancez un drama d’une heure qui fait rire ! Ce paysage assez étrange a pour mérite de faire ressortir les séries avec une identité propre, parfaitement maitrisée dans une univers très codifié. Twin Peaks revoie totalement l’idée de reboot et ,malgré la crainte du film en 18 heures, mêle expérimentation dans une cohésion pour le moment impeccable. The Carmichael Show montre que, bien utilisés, les codes de la sitcom traditionnelle restent viable. Downward Dog affirme fièrement qu’une sensibilité plus intime peut toujours être proposée sur des chaines traditionnelles [1].

Si le manque de budget peut se faire ressentir, lorsqu’une série maitrise son thème, elle peut, en très peu de temps, se démarquer dans cette offre sérielle qui a peut être dépassé, sans qu’on s’en rende compte, son point de saturation. Take My Wife en est un excellent exemple.

Qu’est ce que c’est ?

NBC a lancé un service de vidéo à la demande spécialisé dans la comédie, SeeSo. Take My Wife est l’un des programmes originaux de la chaine.

La première saison, mise en ligne l’été dernier, compte six épisodes. Le pilote et un mini épisode de Noël sont disponibles en intégralité et gratuitement sur le compte YouTube de SeeSo.

La série est produite, entre autre, par Scott Auckerman de Comedy Bang Bang.

Et c’est avec qui ?

C’est avec Cameron Esposito et Rhea Butcher, les humoristes animatrices, en autre, du podcast de stand-up, Put Your Hands Together et de She Said, les vidéos de l’initiative Smart Girls d’Amy Poehler.

Un grand nombre d’humoristes de stand-up (Paul F. Tompkins, Maria Bamford, Mary Lynn Rajskub, …) visitent le petit nombre d’épisodes de la série.

De quoi ça parle ?

Il s’agit de l’adaptation en fiction du quotidien du couple formé par Cameron et Rhea. Cameron est une comique qui connait un succès modéré. Dans le pilote, elle convainc sa copine, Rhea, humoriste au début de sa carrière, d’arrêter son métier, se propose de la soutenir financièrement afin qu’elle se concentre intégralement au stand-up.

Il y a un générique ?

Non, mais il y a des coupes de cheveux rigolotes.

Et c’est bien ?

Oui, oui, oui.
Et pas que pour les coupes de cheveux.

Suite au succès de Seinfeld, les années 90 nous ont donné un lot trop important de comédies construites autour du quotidien de stand-up avec globalement deux cas de figures : le mari drôle (comprendre lourd) marié à une femme dont il teste la patience et le comique célibataire et son lot de copines beaucoup plus belles que lui.
Ici, l’intérêt d’un couple d’humoristes est que la vie de couple n’est plus vue sous le prisme du "héros" (uniquement via le ’je’) mais sous celui d’un couple (cette fois via le ’nous’). La compagne de comique devient un personnage bien plus important puisque son point de vue est ancré dans le principe de la série. D’ailleurs Cameron Esposito a écrit le pilote et Rhea Butcher l’épisode de conclusion de la saison.

Take My Wife reprend savamment les caractéristiques du genre et les retravaille. La voisine excentrique est là, Cameron est un peu égocentrique et un peu immature, Rhea a les pieds plus ancrés sur terre, et on retrouve les thèmes standard tel que comme le classique « Oh non ! On s’est enfermé dehors avec un bébé à l’intérieur ! Sera-t-on de bons parents ?!? ». Mais c’est là que la représentation montre un de ses nombreux intérêts. Rhea et Cameron sont des femmes en couple. Il ne faut pas réduire la représentation à la simple revendication, son pouvoir est bien plus fort. Le comique de stand-up se base sur l’observation, Cameron et Rhea arrivent avec un prisme différent, donc un humour différent mais sur un terrain qui parle à un plus grand nombre.

Soutenir son·sa conjoint·e pour l’aider à s’épanouir ou accepter le soutien et du coup perdre une partie de son indépendance ne sont pas des problématiques spécifiques à un couple lesbien. C’est un questionnement et une situation qui peuvent parler à un grand nombre de couple, réflexion, qui plus est, brillamment menée sur toute la saison.
Il y a aussi de petits moments comme celui où Cameron, face à une situation compliquée (pour elle), ne sait pas quoi faire car elle n’a pas discuté de cette éventualité et est dans l’impossibilité de contacter Rhea. On ne parle pas d’une relation de co-dépendance mais du quotidien de personnes (en couple) qui ont besoin de parler pour réfléchir (une Rhea sera plus introvertie dans sa réflexion). Ces scènes du quotidien de couple sonnent vraies et semblent étrangement novatrices malgré leur banalité.

La force de la représentation est tout de suite beaucoup plus forte lorsque la série aborde des thèmes propres aux femmes et la sexualité. La scène d’ouverture du second épisode montre Rhea et Cameron au lit, et elles se demandent, dans un contexte très méta, si, si un jour elles arrivent à avoir leur propre série, elles se montreront au lit. Pour Rhea, partager l’intimité lui pose problème, mais pour Cameron il est primordiale de montrer la banalité d’une vie sexuelle lesbienne active et s’achève sur une critique drôle et piquante du sort des lesbiennes qui couchent dans les séries (elle meurent très souvent). Ce même épisode s’achève sur le rôle plus général des femmes dans la fiction et surtout de l’utilisation du viol. Tout l’épisode tourne autour du quotidien de stand up, mais le fait que la série soit intégralement écrite par des femmes permet d’aborder ces idées qu’on lit dans les critiques de séries mais rarement à l’écran. Il y aussi des thématiques propres aux lesbiennes qui apportent un humour neuf (comme la raison pour laquelle Rhea ne veut pas porter un enfant).

L’équilibre des thèmes est bien géré sur ces six épisodes. Take My Wife ne laisse jamais la vie de couple ou le stand-up étouffer la série. Un épisode totalement centré sur le stand-up va être contrebalancé par un épisode (très drôle) sur Rhea et Cameron qui gardent l’enfant d’une amie.
En six épisodes, le tout est parfaitement maitrisé tant sur le fond que sur la forme. Cette gestion permet de ne pas s’attarder sur les défauts de la série car ces derniers ne s’enregistrent pas au final.
Lorsqu’elle s’achève, on garde juste la pêche et sourire d’avoir vu une comédie, d’apparence originale, mais au final assez classique menée par des voix nouvelles dont nous sommes heureux d’avoir fait la connaissance.
Et l’avantage de découvrir Take My Wife tardivement est qu’on ne devrait pas attendre trop longtemps pour la suite.

Conundrum
Notes

[1Maintenue, c’est autre chose.