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Breaking Bad - Critique de l'épisode 3 de la saison 3

I. F. T.: I Facebookfriended Tuco (but he was dead)

Par Iris, le 11 avril 2010
Par Iris
Publié le
11 avril 2010
Saison 3
Episode 3
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Parfois, quand quelqu’un me fait des reproches par rapport à mon comportement, je lui fais remarquer qu’il ose essayer de me faire culpabiliser sur un point qui ne le gêne pourtant pas dans une série TV.

Trop de cigarettes ? S’il te plait, j’en consomme beaucoup moins que les personnages de Mad Men, et qui es-tu pour me juger ? J’aurais engagé un life coach si je voulais changer, pas un cancérologue.

Et c’est exactement pareil pour la nourriture, le vin, les rumeurs, les meurtres occasionnels de criminels pour rétablir l’équilibre cosmique et pour quand même assouvir des besoins en restant politiquement correct, et les pactes avec les démons. Dès qu’on s’y essaie en vrai, les gens en font tout un plat.

La leçon de la semaine qui n’a rien à faire en introduction, ni nulle part sur Internet, vraiment, et que je devrais vous épargner, c’est ça. Que même s’ils ont des personnages au comportement un peu extrême que vous désapprouveriez au quotidien, quand vous êtes devant Breaking Bad, plus encore que devant n’importe quelle série, vous avez envie de voir des personnages préparer des méthamphétamines, couper des têtes, faire exploser des gens, ou voler sa voiture à une handicapée [1] .

Et aussi que j’arriverai toujours, toujours, à trouver un moyen de parler de moi, même quand un épisode est tellement excellent que mon humour médiocre et mon égocentrisme doivent s’effacer. Un peu.

Time to nut up or shut up

Après deux saisons à n’avoir de l’intérêt [2] qu’au travers de son mari, Skyler prends de l’importance dans ces derniers épisodes, brillant particulièrement cette semaine.

En suite directe de Caballo Sin Nombre, on découvre son retour chez elle où elle retrouve Walt qui s’est introduit chez eux, et avec des policiers qu’elle fait venir, on pose à plat plutôt clairement les différents points de vue que pourraient avoir les spectateurs.

Tout ce à quoi les officiers assistent, c’est au comportement de père exemplaire de Walt, et ils ne manquent donc pas de faire remarquer à Skyler que si elle n’a aucune motivation claire pour le jeter dehors (pas de violence conjugale, pas d’activités illégales d’après sa déclaration), elle n’avait aucun droit de le faire, ou de changer les serrures pendant son absence (action connue sous l’appellation officielle de "Bitch Move").

Une scène devant laquelle on ressent à la fois une certaine crainte pour Walter, mais aussi beaucoup de compassion pour Skyler.
Elle est prisonnière d’un mariage dont elle ne peut s’échapper, comme retenue en otage dans sa propre demeure par un époux que tout le monde (son fils, sa sœur, son beau-frère, et même les autorités) voit comme quelqu’un de respectable, un survivant du cancer courageux et présent pour sa famille.
Heureusement, son entretien avec son avocate nous dévoile un autre visage que celui, un peu faible et lent à la détente, qu’on avait pu deviner jusqu’à maintenant. Celui d’une femme forte, d’une mère dont l’instinct lui souffle qu’il vaut mieux pour ses enfants qu’elle ne dénonce pas Walt, et que si elle veut pouvoir l’atteindre, ce ne sera pas par la voie juridique qu’elle y arrivera.
Pour moi, c’est le moment charnière, et la scène qui suit, où Walt se montre pourtant convaincant et attendrissant en énumérant toutes les raisons qui l’ont poussé à la fabrication de drogues, est celle qui fera culminer sa résignation.
Je ne vois pas encore le fait qu’elle ait couché avec Ted comme une affirmation de prise de pouvoir, contrairement à ce que j’ai pu lire sur le forum notamment, mais plutôt comme un abandon désespéré. Une tentative pour blesser son mari autant qu’il l’a fait, pour lui faire ressentir ce que c’est que de ne plus pouvoir avoir confiance en l’autre.

Quoiqu’il en soit, Anna Gunn prouve cette fois-ci dans chacune de ses scènes qu’elle mérite amplement sa place dans la série, et ne nous fait absolument pas regretter que les lumières s’éloignent de Bryan Cranston [3] .

Are you a Mexican, or a Mexican’t ?

On continue également à suivre la progression des Cousins, accessoirement cousins de Tuco, qui sont plutôt occupés. Entre le flashback du meurtre par décapitation du légendaire Tortuga, et les meetings autour de crudités avec Gustavo (que j’appellerai à partir de maintenant, et ce pour ma propre santé mentale, SickSteve Urkel. [4]) .
SickSteve Urkel discute donc avec le boss d’un important cartel mexicain, protégeant pour le coup Walter White, mais annonçant au moins la couleur [5] : il n’est intéressé par sa survie que tant qu’il sera en affaire avec lui.

Sup Dawg ! I don’t care ’bout the White boy’s life, yo.
Also, I want moar chickenz.

Après le mystérieux texto Pollos-ien de la semaine passée, on est contents d’avoir des réponses rapidement. Voilà pourquoi la mort de Walt avait pu être évitée dans l’épisode précédent, et voilà pourquoi on peut espérer qu’il ne survivra plus très longtemps, et qu’il sera tué avant que l’intérêt de la série, pour le moment très haut, ne s’étiole trop. Qu’elle soit le résultat de son cancer, évoqué par Skyler au cours de son rendez-vous avec son avocate, ou de mexicains en quête de revanche, Walter est baigné dans la mort.
Surtout que la date d’expiration de la protection de SickSteve pourrait être plus proche qu’on ne le croit : Walt n’est pas le seul à savoir fabriquer sa drogue.

I no longer know who I am and I feel like the ghost of a total stranger

Si je revoyais la première saison maintenant, je pense que le personnage dont l’évolution me choquerait le plus ne serait pas celui de Bryan Cranston, mais Jesse.
Qu’il est loin, l’adolescent tardif qu’on a connu. Il a été complètement brisé, et les scènes qui lui sont offertes cette semaine ne le prouvent que beaucoup trop.
Ré écoutant en boucle le message d’accueil de Jane, seul chez lui, fuyant tout contact, le jeu d’Aaron Paul est maintenant d’une sobriété et d’une justesse qui donnent des frissons.
Les plans dans lesquels il apparaît sont froids, et vides. Une maison qu’il ne s’est pas donné la peine de meubler, où les seuls sons sont l’écho de ses propres pas, et ceux produits par son téléphone portable.
Mais la répétition et la lenteur de ces scènes n’enlève rien à leur qualité et, et on ne s’ennuie pas une seconde. Le talent qui y est déployé fait filer le temps à une vitesse folle, comme Jesse on se complait dans cette monotonie douloureuse où la peine devient plus sourde, et on regretterait presque qu’il y soit mis un terme quand une voix mécanique annonce que le numéro de Jane n’est plus attribué, le forçant à réagir.
On a du coup droit à un retour sublime sur ce désert qu’on connaît si bien, et sur Le camping-car. Les gestes de Pinkman sont lents et mesurés, tout ce que le personnage n’était pas avant.

Ce que je regretterais serait qu’il sombre à nouveau dans la drogue ; c’est une partie de sa vie qui est derrière lui. Je ne voudrais aucune rechute. Il a grandi, il n’est plus celui qui fuyait la réalité. La réalité l’a rattrapé, et l’a beaucoup trop marqué pour qu’il puisse s’en remettre, et retourner à ses vieux travers comme si de rien n’était.
Fabriquer, oui, parce qu’il n’a plus d’autre raison d’être, plus d’autre perspective pour gagner d’argent, et qu’il n’est bon qu’à ça.
Mais recommencer à consommer ? J’espère de tout cœur que les scénaristes ne lui feront pas ça. Et pas seulement parce que j’aime ce personnage et que ça me ferait de la peine, mais parce que ça ne correspondrait plus à l’image qu’il renvoie en ce début de saison.

I promise, that one day, everything’s going to be better for you

Les passages que j’ai le moins apprécié restent quand même ceux de Hank. S’il a aussi beaucoup gagné en profondeur, et qu’on ne peut rien reprocher à celui qui l’incarne, tout ce qui l’entourait ne m’a pas passionnée.
On sait qu’il ne doit pas retourner à El Paso, qu’il n’a pas les nerfs pour ça. Et pourtant on prend clairement cette direction, et les résultats sont exactement ceux auxquels on pouvait s’attendre. Hank craque à nouveau, comme dans la saison précédente, et il prend de gros risques. Reste à déterminer s’il a fait ça pour tenter de se faire renvoyer, ou simplement pour essayer de se prouver quelque chose à lui-même, de se persuader qu’il a ce qu’il faut pour y arriver.

Watcha say ?

Cet épisode marquait donc un bond au premier plan très efficace des personnages secondaires ; si la semaine dernière nous avait offert une véritable perle de tension brute dans sa dernière scène, cette fois c’est une angoisse beaucoup plus lente qui est distillée tout au long de ces 45 minutes.

Pendant ce temps-ci, Walter renie ses responsabilités et essaie de faire culpabiliser sa femme, contribue à la future crise cardiaque de son fils en lui faisant manger des sandwichs de graisse pure, et urine dans des lavabos.
Mais c’est toujours un type cool, au fond. N’est-ce pas ?

Iris
P.S. Au prochain épisode, on comprendra que ce sont les antibiotiques donnés aux poulets qui ont provoqué le handicap de Walter Junior, son père voudra sa vengeance, et Tom analysera longuement le bleu du ciel en continuant d’une manière quasi-freudienne à rechercher l’approbation de Ju.
Notes

[1Non bon d’accord, ça, c’est drôle quel que soit le contexte

[2ou pas d’intérêt du tout, si vous faites aussi partie du Club Des Gens Qui Auraient Voulu Qu’Elle Meurt Assommée Par Une Basket Tombée D’Un Avion (Mais Qui Auraient Quand Même Trouvé Ca Trop Facile Pour La Série)

[3Mais après tout, quand comme moi vous avez la chance de vous faire une partie de billard et une petite bière hebdomadaire avec lui, est-ce vraiment nécessaire de le voir sur un écran ? Oui. Quand même un peu

[4Sisi, la ressemblance est frappante

[5Oui, la couleur, parce que Walter White. Get it ? Get it ?