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Crazy Ex-Girlfriend - Rebecca Bunch et le jour d’après

Josh is Irrelevant: Glad You’re Home

Par Nico, le 19 novembre 2017
Par Nico
Publié le
19 novembre 2017
Saison 3
Episode 6
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Décrit par Rachel Bloom comme la dernière partie d’une quadrilogie centrale dans le récit de Crazy Ex-Girlfriend, Josh is Irrelevant marque la fin d’une bouleversante fuite en avant et le début d’un nouveau cycle.

La semaine dernière, après la diffusion de I Never Want to See Josh Again, je vous avouerai avoir été plutôt soulagé que ce soit au tour de Drum de revenir dessus. Le 36ème épisode de Crazy Ex-Girlfriend m’a mis en pièces comme peu de séries l’avaient fait jusque-là [1]. Le processus d’identification à l’héroïne était d’une puissance rare : je ne crois jamais avoir vu passer aussi lentement, aussi intensément 42 minutes. Jusqu’à l’ultime séquence et au générique de fin.

Difficile, dans ces conditions, d’écrire quelque chose de pertinent et de mesuré après une telle expérience. Donc, oui : j’étais soulagé.

Et puis Josh is Irrelevant est arrivé. Et là, j’ai pensé fort, fort, fort au kharma.

L’heure de l’après

I never want to see Josh again, authentique climax d’un projet pensé sur quatre saisons, a emmené la série à son plus haut point dramatique. L’épisode de cette semaine commence logiquement à dénouer des cordes narratives serrées comme jamais. Lentement. Mais si la tension retombe un peu, l’émotion reste omniprésente.

Pour la première fois depuis la confrontation sur laquelle s’ouvrait Josh’s Ex-Girlfriend is Crazy (et la première fois depuis l’épisode d’ouverture de la saison), Paula, Heather et Valencia retrouvent Rebecca et font bloc autour d’elle. Pour empêcher Josh d’approcher de sa chambre mais aussi et surtout pour que l’héroïne sache qu’elle n’est pas seule face à l’après.

L’après. Tout, autour de cet épisode, tourne autour de cette notion. Rebecca est rongée par la culpabilité après son acte dans l’avion. Ses amies et Nathaniel s’interrogent sur la façon de la soutenir après l’intervention avortée. Par petites touches, avec beaucoup de justesse, la série montre que rien ne sera comme avant. Pour autant, si l’avenir est plus incertain que jamais, l’horizon n’est pas bouché.

Du soulagement à l’angoisse

Cette semaine, Rebecca a fini de fuir. Le chemin fut très long, éprouvant. Surtout lorsque l’on pense à la trajectoire de l’héroïne depuis la fin de saison 2, au moment où Josh l’a demandée en mariage en pleine séance de thérapie [2].

Cette semaine, l’héroïne s’inscrit à nouveau dans une relation de soins mais une donnée vient rebattre les cartes : un médecin vient d’établir un nouveau diagnostic susceptible d’expliquer son mal-être.

Depuis le début, Rebecca cherche à être acceptée, aimée. Mais elle ne peut pas vraiment le faire si elle ne parvient pas à savoir qui elle est. Or, dans une vie, lorsque l’on cherche à se définir, on peut s’épuiser en rebondissant sur tout ce que l’on n’est pas (ou pas complètement). C’est un peu ce qui arrive à l’avocate depuis de longs mois. Jusqu’à cette semaine.

Être et mal-être

Avec la chanson A Diagnosis, la série s’exprime très intelligemment sur le soulagement et l’espoir que suscite la perspective de savoir un peu plus précisément ce qui hante l’héroïne. Juste avant que ne surgisse l’angoisse de savoir ce qu’il faut faire d’une telle information. Cette nouvelle accompagne une prise de conscience douloureuse, lorsque Rebecca énonce, au sujet de sa situation, « ce n’est pas quelque chose que j’ai, c’est quelque chose que je suis  ».

Pour la deuxième fois cette année, une série télé explore la notion de maladie comme un élément qui participe à la définition d’une personne tout en rappelant que cet état ne résume pas toute cette personne. En début d’année, Legion avait abordé cette question avec beaucoup d’à propos. Crazy Ex-Girlfriend remet ça… dans un cadre très réaliste.

En découvrant qu’elle est atteinte de BPD (Borderline Personality Disorder), Rebecca troque en fait un cortège d’interrogations contre un autre. Une foule de réponses reste à trouver. Le diagnostic, en soi, ne résout rien. Il indique un chemin, pas l’issue. Narrativement, il s’échappe de ce constat une impression de vertige qui colore l’épisode sans pour autant que cela n’engloutisse le propos. Et c’est ce qui donne ce nouveau segment une dimension très particulière.-

Nathaniel et l’effet miroir

Non content de décliner les étapes de l’après qui attendent Rebecca, Josh Is Irrelevant ménage aussi une véritable place à l’entourage. A ses actions, à ses réactions comme à ses émotions. Pour Nathaniel et pour les amies de Rebecca. Mais aussi, au second plan, pour Josh.

Cette semaine encore, l’intrigue de Nathaniel est très bien construite. La façon dont le parcours de Rebecca vient trouver un écho dans le sien est bien pensée. En évoquant un secret très pesant au sein de la famille Plimpton, Rachel Bloom, Aline Brosh McKenna et Illana Pena, les autrices de l’épisode, réalisent un coup de billard à plusieurs bandes.

Lorsque Nathaniel met enfin des mots sur ce qui ressemble à une tentative de suicide de sa mère alors qu’il était enfant, la série montre, là aussi, tout ce qui définit le personnage et tout ce qu’il est au-delà de cette définition.

D’un côté, il y a son caractère rigide, son besoin de maîtriser ses émotions comme on le lui a inculqué (« Ce n’est pas comme ça qu’on t’a élevé », balance Plimpton Sr. à son fils, lorsque ce dernier demande des comptes). De l’autre, on retrouve la profonde empathie qu’il a pour Rebecca.

Au contact de sa collaboratrice, Nathaniel a découvert un petit quelque chose qui l’invite à assumer pleinement ses émotions et à aller au plus près de ce qu’il est. Même si c’est incertain, inconfortable. C’est précisément ce qui rend le personnage attachant. C’est ce qui nourrit aussi une intrigue dont les séquences s’enchainent souplement… avant de s’achever sur une très jolie scène finale entre l’avocat et sa maman.

Bouleversante Valencia

Du côté des filles, c’est cette fois Valencia qui a droit à une place un peu particulière. Chargée par Paula de donner des nouvelles de Rebecca à ses amies, l’ex de Josh se lance dans une série de vidéos dans lesquelles elle se met en scène.

Comme Drum me l’a fait remarquer, c’est cohérent avec ce que l’on sait du personnage : le public a d’abord appris à connaître la jeune femme comme quelqu’un qui est très soucieux des questions d’images (notamment de la sienne) avant de se tourner vers les autres. C’est sur cette trajectoire que s’appuie son intrigue.

Si la chanson My Movement fait plus sourire qu’autre chose, la fin de l’épisode lui offre le pic émotionnel de la semaine. Lorsqu’elle craque tandis que tout le monde s’est inquiété de ce que Rebecca faisait seule dans la salle de bains, elle exprime le désarroi du téléspectateur mais pas seulement. Ses larmes, son émotion sont celles du proche d’une personne habitée par des pensées suicidaires. Cette fois encore, le processus d’identification est total : l’amour, la peur, l’impression d’être totalement désarmé… tout y est. Et c’est très déstabilisant.

Josh face à la réalité

La séquence ouvre la voie à un discours très lucide (et très émouvant) de Rebecca. Elle ne peut promettre qu’elle ne tentera pas de commettre à nouveau l’irréparable. C’est impossible. Mais désormais elle a conscience de qui elle est. S’il n’est pas certain que la douleur qui l’a engloutie, la sensation étouffante qui l’a écrasée dans l’avion, ne refera jamais surface, elle est prête à être aidée. Prête à essayer. Et donc oui : elle ne peut dire ce que sera l’issue mais elle entrevoit un chemin.

Cette séquence est peut-être la plus belle de toute la série [3].

La prise de conscience est, quoi qu’il en soit, double. Rebecca se rend compte désormais que dans son parcours, ce que Josh représente et ce que sa relation avec Josh est réellement, sont deux choses différentes. Là encore, la série fait preuve de beaucoup d’intelligence en amenant l’ex-futur monsieur Bunch à en prendre conscience indirectement.

S’il se ment à lui-même pendant les trois quarts de l’épisode, l’ex-objet de l’affection de Rebecca prend la réalité en pleine tête à la fin du récit et préfère s’effacer. Pour un temps, sûrement. Car il va être intéressant de voir comment il va réagir. Vis-à-vis de Rebecca… et vis-à-vis de lui-même.

Un mot sur la fin

Ce (long) debrief nous amène à l’ultime scène, et à la dernière réplique piquée à Nathaniel pour titrer le texte. Les retrouvailles des deux personnages, très pudiques, avec des fleurs, une vanne et une carte (sans oublier Ruth Gator Ginzburg !) lancent véritablement un nouveau chapitre de Crazy Ex-Girlfriend.

A la fin de l’épisode précédent, Rebecca est perdue, sans attaches et sans horizon. Cette fois, elle est à la maison. Pour la première fois. Enfin.

Nico
P.S. Les émotions, c’est bien mais c’est fatigant à gérer. Vous retrouverez donc Drum le week-end du 8 décembre pour un retour sur le 7ème épisode de cette saison 3. Et oui : la série fait une pause de trois semaines.
Notes

[1À part devant On the Beach d’Urgences et Echotone de Six Feet Under, je ne pense pas avoir été autant secoué.

[2Quel symbole, quand on y repense...

[3Et le fait que tout cela se termine avec une blague filée sur du caca n’est pas étranger à cette remarque très subjective.