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Daredevil - Critique complète de la meilleure série Marvel (en attendant la saison 2)

Daredevil: Ça se prononce "Dère-dèvôle" !

Par Blackie, le 21 avril 2015
Publié le
21 avril 2015
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Daredevil est un héros qui a une place spéciale dans mon coeur. C’est avec lui que j’ai commencé à vraiment m’investir dans la lecture de comics, et à travers ses pages que je découvris la formidable espionne russe dont j’emprunterai le pseudo jusqu’à ma mort.

Alors j’attendais vraiment que cette série ne me déçoive pas, et qu’enfin remise entre les mains du bon studio, elle efface le goût amer laissé par l’abomination cinématographique avec Ben Affleck.

Qui faisait des couiiiiic à chaque mouvement.

...

J’en pleure encore. Un résultat médiocre m’aurait déjà satisfaite. Mais avec les noms attachés au projet, et aucun membre de la famille de Joss Whedon n’ayant eu le droit d’y toucher, je ne pouvais que m’y plonger avec de l’espoir.

Qu’est-ce que c’est ?

Daredevil est la première série de Marvel Studios produite et diffusée sur Netflix. Et si leur omniprésence vous gave déjà, sachez qu’elle enclenche plusieurs autres séries sur ce type d’héros urbains, avec bientôt des saisons pour Jessica Jones, Luke Cage, et Iron Fist, qui s’uniront tous par la suite dans une mini-série intitulée The Defenders. Ka-ching !

Cette saison 1 n’a que treize épisodes, et si saison 2 il y a, ce ne sera probablement qu’après la diffusion de la mini-série. Parce que nous faire poireauter des années, c’est la méthode Marvel.

Daredevil est développée par Drew Goddard (Buffy, Cabin In The Woods), auto-proclamé "Plus Grand Fan du Monde de Daredevil", qui en a écrit les deux premiers épisodes. Et qui se barre à la seconde où Sony lui fait un énorme chèque pour réaliser sur sa franchise de Spider-Man. On l’aime bien Drew, mais c’est un gros vendu.

Whedon n’ayant aucun pouvoir sur ce type de décision, Steven DeKnight (Angel, Spartacus) fut assigné comme showrunner remplaçant. C’est une pure coïncidence, on vous dit !

De quoi ça parle ?

Matt Murdock est un avocat idéaliste de Hell’s Kitchen, le quartier de Manhattan qui sent bon les égouts chauds, qui démarre sa propre agence (sans sous et sans clients) avec son meilleur ami Foggy Nelson. Plus qu’un autre mâle blanc hétéro, Matt a la décence d’être au moins handicapé : un accident d’enfance lui a fait perdre la vue, mais aussi crée des super-sens. Histoire de ne pas être juste un aveugle qui se fait taper dans des ruelles, sinon ce serait déprimant.

Après avoir sorti du pétrin Karen Page, qu’ils recrutent comme assistante, tous les trois se retrouvent mêlés à la montée au pouvoir de Wilson Fisk et son entreprise mafieuse. Ajoutez un parent assassiné, des nonnes, et un vieux maître ninja, et personne ne s’étonnera que Matt commence à jouer les justiciers masqués quand la nuit tombe.
Et que personne ne voit rien.
Parce que lui s’en fout, il ne voit JAMAIS rien !

C’est avec qui ?

Des gens un peu laids, comme d’habitude, mais on les pardonne parce qu’ils sont vraiment doués.

Charlie Cox de Boardwalk Empire porte la série sur ses épaules nouvellement gonflées, avec un accent parfois approximatif, et un t-shirt très très moulant. Je l’aimais déjà beaucoup, mais j’apprécie encore plus que son Matt Murdock / Daredevil évite soigneusement les lentilles de contact blanches et les expressions de Derp. Parce que ce n’est pas si facile pour un acteur ayant la vue d’être un aveugle convaincant. En fait il est tellement formidable qu’il a atteint la liste hautement sélective des hommes blancs que Drum aime bien !

Elden Henson, qui a marqué les films de mon adolescence sans que je ne m’en rende compte, est Foggy, le meilleur pote attachant/drôle de service
Karen Page prend les traits de l’universellement adorée Deborah Ann Woll, qui arrive à montrer plus de poitrine dans le pilote qu’en sept saisons de True Blood.
Cette info m’a parue importante à mentionner.

Dans des rôles plus secondaires, parce qu’ils sont pas blancs, Rosario Dawson (Sin City) est l’infirmière Claire Temple, et Vondie Curtis-Hall (ER) est le journaliste du PasDailyBugle, Ben Urich.

Quant au terrifiant chauve Wilson Fisk, il est joué par le tout aussi flippant (avec ou sans cheveux) Vincent D’Onofrio (Law&Order).

Il y a un générique ?

Oui, enfin ! J’aime beaucoup le fait qu’il apparaisse après une scène d’introduction, nous plongeant ainsi bien dans l’histoire, comme s’il y avait une coupure pub.

Certes il n’est pas très original, dans la lignée des jolis graphismes adoptés sur le câble. La symbolique est un peu lourde (les images se construisent dans le sang, ah ah), et le thème musical n’est pas très mémorable (je le siffle maintenant, mais plus d’ici une semaine).

Par contre l’imagerie ne pourrait pas être plus parfaite. Avec la cape de boxeur, la Justice, Hell’s Kitchen, l’église et l’ange, pour finir sur ce superbe Daredevil costumé : absolument tout crie “mais si, on sait ce qu’on fait !".

Y’a intérêt, Steven.

Sans spoiler, après quelques épisodes, c’est bien ?

C’est. Trop. Bien.
Je suis évidemment un peu biaisée, parce que j’aimais déjà le personnage et son univers, et qu’on trouve pas mal de fan service dans cette saison. Ceci étant dit, je pense sincèrement que la série peut plaire à un grand nombre de gens, y compris ceux qui ne se s’intéressent pas forcément au genre.

La série Daredevil se démarque pas mal des autres par les efforts qui y ont été mis, niveau budget, casting, et nombre d’épisodes. J’aime beaucoup Agent Carter et The Flash, mais les clichés comparatifs entre grand network et “câble” sont assez appropriés sur ce coup.
Quant à sa place au sein de Marvel, la série s’éloigne totalement des grandes batailles cosmiques pour un univers criminel plus intime, plus sombre, et aux combats restants dans les tréfonds des rues de New York. L’aspect “super” est également bien plus terre-à-terre, les sens de Matt restant assez sobrement illustrés par le son.

Donc globalement, on se trouve devant une histoire judiciaire et mafieuse, mêlée d’enquêtes journalistiques, dans laquelle un vigilante évolue. Ce qui n’est pas redondant avec quoi que ce soit d’autre dans leur univers ou à la télé. Et non, ce n’est pas un mélange d’Arrow et les Batman de Nolan (commencez pas, oh !).

Le héros a pour une fois une vraie vie en dehors de ses batailles nocturnes. Matt ne prétend pas être quoi que ce soit d’autre, il est d’abord un avocat, et son entourage a des objectifs qui sont liés mais pas dépendants des actions du justicier.
On ne se trouve pas non plus devant une histoire "d’origines", mais une période transitoire dans la création d’un alter-ego qui met des années à se construire. L’origine purement surnaturelle, elle, est expédiée dans l’intro du Pilote lorsque le petit Matt décide d’imiter Alex Mack et récolte des pouvoirs moins cools.

Le pilote met bien en place l’entreprise mafieuse d’un vilain énigmatique, qui est liée au premier dossier de Nelson & Murdock et pousse Karen sur leur chemin. Tout s’emboîte comme un bon feuilleton, bien que les premiers épisodes donnent l’impression d’introduire des “clients de la semaine”, dont les cas semblent se boucler.

Elle prend donc son temps à raconter le parcours physique et moral de Matt, un homme à peine plus fort que les autres, handicapé de surcroit, qui se bat seul face à un crime organisé qui le dépasse. Elle le développe à travers l’histoire en cours, ainsi que des flashbacks.
Ouiiii, j’entends déjà les cris d’agacements... Mais leur présence n’est pas systématique et ils apportent des informations essentielles pour comprendre le développement du personnage qui s’ensuit. Il y a un bon équilibre entre son passé et l’établissement de sa légende. E-ssen-tiel, je vous dis. En plus le mioche n’est pas énervant.

Par contre son opposé Wilson Fisk met trois épisodes à apparaitre. En toute fin, présenté de dos, dans une scène d’une telle douceur qu’elle apporte un excellent contraste avec la brutalité qui suivra. Les parallèles entre celui ne voit pas et celui qui refuse d’être vu ne sont pas toujours des plus subtils, mais ça fonctionne.

J’aime aussi beaucoup la façon dont on nous présente Hell’s Kitchen comme un lieu familier à Matt et Foggy, au travers de leurs habitants. Ce coté communauté rend les conflits liés au quartier plus personnels que lorsqu’un justicier clame sauver SA ville de quatre millions d’habitants.
Sérieusement, si j’entends encore un pauvre type avec un complexe de supériorité grogner "my cityyyyy", j’étrangle un chat.

Il y a évidemment quelques soucis. La série essaie de se donner un cachet visuel, et se cherche au tout début en abusant des filtres multicolores durant les scènes de nuit, qui atténuent encore plus la luminosité. D’accord pour l’ambiance sombre, mais ça frise le ridicule quand on ne voit quasiment pas ce qui se passe. On n’est pas aveugles, NOUS.
Quant au plan-séquence du second épisode, très discuté sur le net, c’est une idée chouette mais la moitié du combat se passe derrière des portes. Qui ne sont pas transparentes. La blague commence à devenir lourde, là.

Mais sinon les combats sont très sympas, mélangeant boxe et arts martiaux, et jouent vraiment avec les sens du personnage. La doublure de Cox lui donne une chouette légèreté dans ses acrobaties, et lui-même joue la carte du réalisme en semblant souffrir face aux coups reçus ou en finissant par s’essouffler. Matt reste un aveugle qui a ses limites, et non une seconde vue magique et des faiblesses physiques ignorées.

La cruauté atypique du héros m’a par contre gênée, ainsi que les clichés des russes aux accents atroces, et les rares personnages féminins se réduisant (à ce stade) à la blonde fragile qu’il faut sauver et l’infirmière servant à penser les blessures du héros.

En plus le tout manque d’images gothiques à mon goût. Mais ça, c’est ma geignerie de fan.

Et à la fin, avec de gros spoilers, c’est toujours bien ?

C’est encore mieux.

Malgré un creux au milieu de la saison, beaucoup de choses s’améliorent et l’histoire devient de plus en plus captivante. Les scènes de nuit deviennent notamment bien plus visibles et marquées principalement par des filtres jaunes en arrière-plans (un choix de couleur pas du tout anodin). Les flashbacks, plutôt clairsemés, font des bons dans le temps pour aller à l’essentiel et se concentrer sur les rapports de Matt avec certaines personnes clés.

Les scènes ingénieuses continuent, comme celle en 360 degrés à l’intérieur d’une voiture, et les combats sont de mieux en mieux chorégraphiés (celui contre Nobu est une merveille). Bien que rares, il y a également des plans assez gores, qui choquent d’autant plus que c’est la première fois que Marvel destine un projet uniquement au public adulte.

Oubliez les plushs et les sacs à dos Daredevil, on en aura pas.

Des cannes, peut-être...

Ugh, ces gens tellement laids.

J’aime aussi beaucoup le parti-pris d’avoir de longs dialogues dans différentes langues étrangères. Même si on sentait que certains acteurs n’étaient pas à l’aise, en particulier D’Onofrio avec le chinois. Nos yeux fonctionnent, hey, on va pas se plaindre de devoir lire des sous-titres !

Surtout, les seconds personnages prennent de l’ampleur et on obtient un excellent ensemble. En particulier avec les femmes, enfin, qui ne servent pas une seule seconde à créer des tensions sexuelles ou amoureuses de pacotille. Karen démarre en petit oiseau fragile, mais démontre vite qu’elle a toujours été maîtresse de sa propre intrigue. Son alliance avec Ben Urich est instaurée par sa propre volonté, et elle finit par se sauver toute seule d’une situation dangereuse. Avec ses conséquences dramatiques, évidemment.
Claire s’efface malheureusement petit à petit, mais pas après avoir apporté la perspective nécessaire de l’alliée dans le secret. Rosario Dawson a juste une présence formidable. Que Ju ne s’inquiète pas, elle servira surement de lien dans les séries suivantes.

Le rôle de Vanessa m’a particulièrement étonnée, puisqu’elle avait tout pour devenir la "femme dans le frigo" qui pousserait Fisk dans une rage le faisant commettre une erreur. Un rôle qui bifurque tout à coup sur l’assistant mâle de Fisk, dont la relation amicale et professionnelle était un miroir déformé à celle de Matt et Foggy. Bravo sur ce coup, Steven.

La seconde partie de saison offre le meilleur, avec beaucoup de surprises. Le sang froid de Karen face à Wesley est un beau moment choc, et le départ de Ben parait surtout rapide pour les fans, tant il est une figure emblématique de l’univers de Daredevil. Mais c’est surtout la découverte de Foggy, développée sur un épisode entier dédié à sa relation avec Matt, qui ne manque pas d’émotion. Parce que nous préoccuper de l’état de leur amitié est tout aussi important que de savoir quel prochain ninja va se prendre une taulé !

Par contre le dernier épisode est nul.
Trop rapide. Trop cliché. Des conclusions un peu grossières. De là à gâcher tout le reste ? Non.

Et ouais, le costume est tout naze.
On dirait un Batman steampunk plus qu’un diable, d’ailleurs plus bordeaux que rouge. Et après douze épisodes, le surnom de Daredevil arrive quand même à tomber maladroitement. Mais il y a un sens pratique à la fabrication de ce costume, qu’on voit à peine, alors je vais arrêter de pleurnicher.

Le plus embêtant, c’est vraiment de devoir attendre au moins deux ans pour la suite. Alors qu’avant, on risque de se taper un spin-off de SHIELD qu’on n’a pas demandé. Mais c’est peut-être ça la leçon de Daredevil : des fois, vaudrait mieux être bigleux.

Blackie
P.S.

Ne vous en faites pas, fans de Batman qui avez peur qu’Affleck vous pourrisse aussi votre héros. Vous avez toujours Gotham

Qui veut un mouchoir ?