Promis, ce qui suit est garanti sans AUCUNE allusion à ce qui se passe dans le troisième livre ou dans les suivants.
Promis, j’ai fait de mon mieux pour dépasser le lourdingue jeu des différences, ou autres listes froides d’éléments adaptés plus ou moins fidèlement, pour aller un peu plus loin et aborder des points plus dignes d’intérêt (comme le rythme de croissance des bébés dragons ou le taux d’absentéisme en hausse des loups garous adultes).
Promis, enfin, je ne vous ferais pas remarquer que « il y a vraiment trop de scènes de sexe inutiles dans Game of Thrones, quand même, hein, c’est vrai » (parce que c’est faux).
Jeu d’adaptation

L’adaptation de « A Clash of Kings », le deuxième livre de la série de romans « A Song of Ice and Fire » (série toujours en cours d’écriture et, soyons honnête, qui ne sera jamais achevée), a présenté des défis bien différents de ceux de la première saison.
Au cours des dix premiers épisodes, David Benioff et D.B. Weiss ont eu la tâche énorme d’établir l’univers de la série (avec son histoire, ses enjeux, ses nombreux personnages, leurs relations), de trouver leur ton (et l’équilibre idéal entre monologues révélateurs et scènes de sexe), de mettre en place leur production (sur plusieurs pays avec plusieurs équipes de tournage, avec des costumes et décors dignes d’une série historique mais sans en être vraiment une), et de résoudre les divers problèmes liés aux débuts de toutes séries télé (trouver des acteurs, des scénaristes, des rôles mineurs à offrir à leurs copines actrices bien foutues).
Tout ça, tout en s’efforçant d’adapter au mieux un bouquin dont les fans sont connus pour être de bons, gros casse-couilles.
Devant une telle liste, et vu la façon très positive dont la première saison de Game of Thrones a été accueillie, on pourrait croire que tout le travail était déjà fait pour la deuxième saison... Sauf que non. En dehors du fait que la création, l’écriture, et la production de la saison 1 se sont faites sur plusieurs années (contre un an pour la saison 2), l’adaptation du deuxième livre a entrainé des difficultés inédites, bien différentes, et directement liées à l’histoire racontée dans « A Clash of Kings ».
Car ce deuxième tome, c’est un monde qui s’agrandit géographiquement (avec Pyke, Dragonstone, Qarth, Harrenhale...) et une flanquée de nouveaux personnages (principalement les Greyjoy et le clan Stannis). Mais c’est aussi une histoire plus longue, remplies d’intrigues moins liées les unes aux autres, et qui tient le rôle ingrat de « partie du milieu » dans la trilogie officieuse démarrant avec « A Game of Thrones » et se concluant avec « A Storm of Sword ».
En bref, un livre qui, de toute façon, ne pouvait pas être adapté en série télé de façon aussi fidèle et précise que la première saison. Benioff et Weiss ont donc dû faire des choix. Et en tant que lecteur, ce sont justement ce puzzle et ce jeu d’adaptation qui m’enthousiasment et me donnent envie de parler de la série, plus que la série en elle-même.
Ça, et les meurtres hebdomadaires de bébés.
Retranscription

Une simplification un peu prétentieuse, ça vous dit ?
Alors j’y vais : adapter, c’est trouver l’équilibre entre retranscrire fidèlement, réinterpréter, inventer, et supprimer. Toute la difficulté est de faire un choix entre ces quatre options de manière à obtenir un résultat cohérent, respectueux de l’œuvre originale, et se suffisant à lui-même. Et ça, pour toutes les intrigues, tous les personnages, toutes les pages de tous les bouquins.
Par exemple, pour les intrigues de Tyrion et Arya.
Je ne suis pas allé vérifier (parce que mon exemplaire du « Trône de Fer – L’Intégrale 2 » est au moins à trois mètres sur ma gauche), mais à vue de nez j’ai envie de dire que Tyrion et Arya monopolisent à eux seuls la moitié des chapitres du livre. Il s’agit sans doute une perspective réjouissante pour les fans des deux personnages (soit à peu près tout le monde), mais c’est aussi une répartition déséquilibrée des rôles, complètement inadaptée au format série.
Ils sont tous biens jolis, les acteurs, mais ce n’est pas une raison pour les payer à rien foutre. Pour la deuxième saison de Game of Thrones, Benioff et Weiss ont donc dû réduire considérablement les longues intrigues de Tyrion et Arya pour laisser plus de place aux autres personnages. Et ce qui est intéressant, c’est que devant deux problèmes identiques, ils ont fait des choix d’adaptation bien différents.
Dans le cas de Tyrion, les scénaristes ont opté pour la retranscription fidèle, la condensation, et la suppression... pour un résultat que j’ai trouvé assez mitigé. De toute la saison 2, l’intrigue de Tyrion est la seule qui m’ait donné l’impression de survoler son sujet, et de ne jamais vraiment réussir à se poser pour raconter une histoire. La plupart des éléments du bouquin sont présents (Tyrion faisant le ménage à la cour, l’émeute après l’envoi de Myrcella à Dorne, le secret autour de Shae, le respect mutuel naissant avec Varys...), certains ont même été réarrangés de façon intelligente (Bronn en capitaine de la garde), mais il s’agit seulement de ça : l’impression d’avoir assisté à la mise en scène d’une liste de passages incontournables du livre, et rien de plus.
A mon sens, toute cette partie de la saison souffre de ce refus de faire des choix et de cette incapacité à se concentrer sur seulement quelques points, pour insister sur leur importance et souligner leurs enjeux. L’histoire en ressort amoindrie, et c’est plutôt regrettable.
Et c’est d’autant plus surprenant par le fait que l’intrigue d’Arya ait été adaptée de façon diamétralement opposée.
Réinterprétation

Avec Arya, on est vraiment dans la réinterprétation de l’œuvre : dans les très grandes lignes c’est la même chose (la mort de Yoren, l’amitié avec Gendry et Hot Pie, l’arrivée à Harrenhale, les trois souhaits de Jaqen H’Ghar), mais dans les détails ça n’a plus grand-chose à voir avec le livre.
La différence la plus notable est aussi la plus explicite : dans « A Clash of Kings », Arya et Tywin ne partagent aucune scène. Tywin est bien présent à Harrenhale pendant quelques temps, mais l’intégralité des rencontres entre les deux personnages ont été inventées et écrites pour la série. Et le moindre que l’on puisse dire c’est que, putain, c’était payant.
L’invention totale de la relation entre Tywin et Arya était une idée géniale, élevée par l’interprétation fantastique de Charles Dance et Maisie Williams, et elle nous a donné quelques-unes des meilleures scènes de la saison. Très simplement, le travail d’adaptation fait sur Harrenhale a complètement éclipsé l’œuvre originale, en plus de prouver qu’il était tout à fait possible de faire mieux en respectant strictement les « contraintes » d’une série télé (ici, il s’agissait sans doute de faire des économies de décors et de donner du travail à Charles Dance). Une succession de scènes très bien écrites, suffisamment différentes les unes des autres pour qu’on ne s’ennuie pas, un seul décor, deux acteurs, une vraie réussite.
...
Mais du coup, j’aimerais qu’on m’explique comment ils ont pu autant se vautrer sur la conclusion de l’intrigue des trois souhaits de Jaqen. C’était un massacre, et la seule fois où la série a réussi à me transformer en fan insupportable, complètement incapable d’apprécier ce que je regardais tant l’adaptation n’était pas à la hauteur du passage le plus jouissif du livre. Toute la tension, tout le côté mystique de la scène du dernier souhait a disparu (comme pour les deux noms précédents, elle a lieu au milieu de la cour). Le discours de Jaqen, survolé. Plus de révolte de prisonniers. Plus de soupe. Plus de Jaqen essuyant son couteau plein de sang sur Arya. Personne n’égorge plus personne. Juste une évasion silencieuse, sans suspense, dans l’épisode le plus faible de la saison.
Quelle merde !
...
Reprenons calmement.
Invention

Ta gueule, Daenerys !
Je ne vous apprendrez rien en vous disant que, cette année, les intrigues de Daenerys étaient quand même un petit peu pourries de chez pourries.
Entre sa capacité à faire du surplace, se faire piquer ses dragons, et son penchant naturel pour les déclarations grandiloquentes à base de « JE SUIS DAENERYS TARGARYEN ! JE SUIS LA MÔMAN DES DRAGONS ! JE SUIS IGNIFUGÉE ! », on va dire que Daenerys a déçu, fatigué, bien gonflé, tous ceux qui l’avait adoré l’an dernier.
C’est la faute du livre.
En partie.
Mais pas que.
L’adaptation de l’intrigue de Daenerys pour cette deuxième saison (et, dans une moindre mesure, celle de Jon Snow) a posé le problème inverse de celles de Tyrion et Arya. Ceux qui étaient des personnages centraux à la saison 1 (et au premier tome) voient leur importance diminuer radicalement dans le second volume (Daenerys y possède deux fois moins de chapitres que dans le précédent, Jon passe le livre à se promener dans la neige), et il a fallu faire un choix entre ne pas faire apparaitre Jon et Daenerys pendant une grosse partie de la saison, ou étirer leurs maigres intrigues en longueur.
Il n’y avait pas vraiment de bonne solution, et ça s’est vu.
De la même façon que donner la moitié des scènes à Tyrion et Arya n’était pas envisageable, la série Game of Thrones ne pouvait pas non plus mettre deux de ses personnages principaux au placard pendant une saison toute entière. Ils étaient bien trop important l’an dernier, et dans le cas de Daenerys la fin de saison 1 était tellement portée par l’apparition de ses dragons, qu’il aurait été étrange de les perdre sur la durée.
À titre d’exemple, Jaime Lannister est, lui aussi, quasiment absent du second livre. Il n’apparait que dans une seule scène, dont la moitié avait déjà été utilisée pour dans la première saison. En toute logique, Jaime a donc disparu pendant presque toute la saison 2, avant d’être finalement un peu remis au cœur de la série avec un début d’adaptation de son intrigue du troisième tome et son duo avec Brienne.
C’était la façon idéale de traiter son personnage. Mais ça a été possible uniquement parce que Jaime n’était pas un des personnages principaux de la première saison. Il avait son importance, mais personne n’a passé l’entre-saison à se demander ce qu’il allait bien arriver au type dont les deux loisirs les plus mémorables sont « se taper sa sœur jumelle » et « apprendre aux enfants à voler ».
Résultat, Daenerys a eu la pire intrigue de la saison. Une intrigue qui puait le remplissage. Une intrigue qui s’est figée sur place avec le vol de ses dragons, est restée au point-mort pendant trois semaines, avant de se conclure de façon molle dans l’indifférence générale. Il ne s’est quasiment rien passé entre le moment où elle mourait de soif dans le désert et ses scènes apparemment enthousiasmantes dans le final (je n’ai pas compris pourquoi, personnellement, mais la musique avait l’air super emballée de voir Daenerys piquer de l’argenterie après sa victoire formidable sur le sorcier surpris de se faire cramer par des dragons).
En fait, la saison toute entière de Daenerys peut se résumer à la répétition ininterrompue de trois scènes identiques, toujours les mêmes : la première c’est ce bon gros Xaro Xaro Kelkechose nous racontant qu’il était très pauvre avant d’être très riche avec tout son or dans son super coffre, la seconde c’est Daenerys piquant des colères en gueulant qu’elle est « LE FEU ET LE SANG » ou qu’elle veut « SES DRAGONS », et la dernière, c’est Jorah Mormont se complaisant dans une histoire vieille comme le Monde.
Pire encore, les scènes de Daenerys comme celles de Jon Snow donnaient l’impression de ne pas appartenir à la même série que tout le reste. C’était hors sujet. C’était une transition peu passionnante tirée en longueur. Et c’était bien trop présent, par petites tranches de cinq minutes agaçantes, sans qu’on n’arrive jamais à nous en justifier l’importance ou nous le rendre intéressant.
En bref, c’était nul.
Suppression

Je ne m’y attendais vraiment pas, mais mon intrigue préférée de toute la saison a été celle de Théon. Et pour le coup, je suis vraiment admiratif de la façon dont elle a été adaptée.
Parce que les Greyjoy, dans le bouquin, ils sont un peu fatigants. Avec leurs traditions à la con décrites sur des pages et des pages, leur religion à la con expliquée en long et en travers, leur patois local, leur caractère de merde, et leur amour pour les rochers, on ne peut pas vraiment dire que les chapitres de Théon sont ceux que j’attendais le plus en lisant le livre.
Mais une fois adaptés pour la télévision ? Une fois tous les détails sans importances mis de côtés et les passages chiants oubliés ? Il reste la seule intrigue de toute la saison possédant un début, un milieu, et une fin. Une excellente intrigue complète et satisfaisante, portée à bout de bras par le boulot remarquable d’Alfie Allen dans le rôle de Théon.
J’ai vraiment adoré, et je n’ai quasiment aucun reproche à faire.
A part deux petites choses.
Déjà, j’avoue avoir eu du mal au départ avec l’actrice qui joue sa sœur, toujours voutée et en train de faire la gueule. Cependant, je l’ai trouvée très juste dans sa dernière scène de la saison, où elle joue un côté plus sobre et sincère du personnage, donc il y a du potentiel.
L’autre truc, c’est que Benioff et Weiss se sont vautrés sur la conclusion de l’intrigue. Encore. C’est un ratage moindre que ce qu’ils ont fait avec Arya, mais c’est suffisamment raté pour que les derniers passages à Winterfell en deviennent presque incompréhensibles... Et c’est d’autant plus dommage que la scène où Luwin tente de convaincre Théon de rejoindre le Mur, suivie de son discours suicidaire face à ses hommes, étaient de belles réussites, dans des genres complètement différents.
Epilogue

Je crois que j’ai préféré la première saison à la deuxième. Mais je ne suis pas sûr. J’en saurais plus quand je l’aurais revue. Et mon envie de la revoir me fait penser que j’ai quand même passé un très bon moment devant Game of Thrones cette année.
Dans l’ensemble, j’ai trouvé que les scénaristes ont fait un très bon boulot d’adaptation de ce deuxième livre. Je n’ai pas forcément était convaincu par tous leurs choix (je peux en comprendre certains... d’autres vraiment pas), mais globalement on a eu le droit à une simplification efficace et parfaitement appropriée au format télévisé, avec une liberté plus grande prise par rapport aux livres et un très grand nombres de scènes inventées pour la série.
J’ai aussi remarqué une grosse différence dans la façon dont l’univers était établi à travers les dialogues par rapport à l’an dernier. Il me semble en effet qu’on a eu une très nette diminution des scènes où deux personnages papotaient pendant des heures en se racontant de vieilles histoires pleines de détails plus ou moins importants... l’un ou l’autre personnage pouvant être nu... ou, de façon totalement naturelle, en train de simuler une scène lesbienne au milieu d’un monologue grandiloquent sur le thème de l’ambition.
Ce qui me refroidit un peu, c’est que la deuxième moitié de la saison m’a semblée bien moins maitrisée que la première. C’est dans les septième et huitième épisodes que les intrigues de Jon Snow et Daenerys ont commencé à faire du surplace, et c’est au même moment que celle d’Arya s’est vautrée. S’il n’y avait pas eu l’excellent Blackwater entre ces deux épisodes et le final (très décevant), on aurait assisté à une fin de saison bien faible.
C’est inquiétant pour la suite, mais seulement dans une certaine mesure. Car si la prochaine saison n’adapte vraiment que la première moitié du troisième livre, j’espère qu’on pourra revenir à un rythme moins frénétique, à une histoire un peu moins décousue qu’en cette fin de saison, et à une narration moins saccadée.
Ça, et à beaucoup moins de « JE SUIS DAENERYS TARGARYEN ! JE SUIS UNE GRANDE FILLE ! JE NE PRENDS PLUS DE BAINS AVEC MON FRERE ! ».
Ta gueule, Daenerys.