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Lost - Critique de l'épisode 6 de la saison 3

I Do: Shut up, Damon

Par Ju, le 16 novembre 2006
Par Ju
Publié le
16 novembre 2006
Saison 3
Episode 6
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Une semaine de passée depuis la diffusion du dernier épisode de la « mini-saison évênement » de Lost. Et pas une ligne d’écrite sur l’épisode en question. La page blanche. Pas une idée. Pas une connerie. L’épisode en lui-même est plutôt efficace, Nathan « Captain Tight Pants » Fillion fait une visite surprise, la musique de Michael Giacchino est toujours fantastique... et c’est tout.
Heureusement, alors que tout semblait perdu, Paolo et Nikki ont montré, une fois de plus, toute leur utilité. Merci, Paolo et Nikki.

Rassurez vous, je ne vais pas vous refaire le coup des dialogues candides entre ces deux personnages profonds et pas du tout superflus. C’est bien connu, il ne faut jamais abuser des bonnes choses.
Par contre, c’est au détour d’une question à leur propos, dans le 100ème « Ask Ausiello » sur TVGuide.com, que j’ai eu l’idée du sujet de la review d’aujourd’hui.

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La Question qui Tue

Voici donc la question posée par Ausiello à Damon Lindelof, responsable de ce beau bordel qu’on appelle Lost.

Ausiello : “ One frustration I’m hearing is that viewers don’t understand why you would bring in new characters like Paolo (Rodrigo Santoro) and Nikki (Kiele Sanchez) when it seems like you’re already having trouble servicing the original characters.

Pour mes lecteurs qui ne comprennent pas l’anglais, voici la traduction de la question : « Dis donc, Damon, tu te fouterais pas un peu de la gueule de tout le monde en introduisant des nouveaux personnages comme Paolo (joué par un mec) et Nikki (cette bonnasse de Kiele Sanchez) alors que ça se voit grave que tu ne sais pas quoi foutre de tous tes autres personnages ? »

Et la réponse (énervante) de Damon, qui a motivé cette petite review :

Damon : “ That’s a legitimate concern, and I wouldn’t say that we have difficulty servicing the initial cast. I do think that we acknowledge that the franchise of Lost [...] is the introduction of new characters.

Traduction : “ Quoi ? Nous ? Des difficultés à utiliser nos personnages déjà existants ? Mais ce n’est pas la raison de leur présence ! Non, nous on adore introduire de nouveaux personnages !

Et il continue comme ça...

Damon : “ We basically get two criticisms : One is that we’re not with our main people enough, and the other is [that people are] sick and tired of seeing redundant flashback stories. You can’t have your cake and eat it, too.

Traduction : “ Je peux vous assurer que, malgré le boulot formidable d’écriture qu’on fait avec Carlton, on nous adresse quand même deux critiques. Deux, et c’est tout. A savoir qu’on ne passe pas assez de temps avec nos vrais personnages, c’est-à-dire ceux qu’on ne tue pas pendant les sweeps, et l’autre étant que les gens en ont vraiment ras le... les gens en ont vraiment marre de ces putains de flash-backs répétitifs qui ne parlent de rien et ressassent sans cesse la même chose. Faudrait peut-être savoir ce que vous voulez, les gens !

C’est à peu près à ce moment là que j’ai craqué.
Et si on parlait un peu des flash-backs et de ce super argument de Lindelof pour les justifier ?

Mais avant ça, rien que pour le « plaisir », la fin de la réponse.

Damon : “ And another criticism we’ve been getting since the very beginning of the show is, "How come we never hear from, or incorporate into the story, the other passengers, the ones who are sort of carrying logs around in the background ?" Obviously we knew it’d be tricky starting to fold Rodrigo and Kiele into the show as if they’d been there all along. But it was an effort on our part to sort of deal with two out of those three criticisms. Although the inevitable, “Why aren’t we spending more time with Claire instead of spending time with people we don’t know yet ?" was going to come up.

Il y a vraiment des gens qui veulent plus de scènes avec Claire ???

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L’Argument qui Tue

Revenons en donc à la partie de la réponse qui m’a un peu agacé.
Quand on demande à Monsieur Lindelof pourquoi il introduit de nouveaux personnages, le bonhomme ne trouve rien de mieux à répondre que c’est pour offrir aux gentils téléspectateurs des flash-backs plus variés, et moins redondants.
Je répète, si Lindelof a créé les personnages de Paolo et Nikki, c’est pour que ses... flash-backs... soient... moins... répétitifs. La meilleure façon qu’il ait trouvé pour « combattre le système », le meilleur moyen qu’il ait trouvé pour déjouer les plans néfastes des gens qui l’obligent à mettre, semaine après semaine après semaine après semaine, des flash-backs dans tous ses épisodes, c’est de donner vie à Paolo et Nikki.
Chouette pirouette, Damon.

Non seulement c’est une réponse débile, mais en plus c’est limite insultant pour la pauvre Kiele Sanchez et l’autre gars. Mais au moins, ça a le mérite d’être clair : leurs personnages n’ont aucun intérêt dans l’intrigue de la série, puisqu’ils ne servent à rien d’autre qu’à créer de nouveaux flash-backs, et à ... quoi faire, déjà ?
Ah, oui, à satisfaire les gens qui se plaignent de ne jamais voir les vacanciers de la plage. Ces personnages qui, après que toute l’île ait tremblé et que le ciel soit devenu violet, rangent tranquillement les boites de conserve qui sont tombées de leurs étagères.
Kiele et le type sont là pour jouer dans des flash-backs, et être les porte-paroles de toute une catégorie de personnages qui, par définition, ne servent strictement à rien, puisqu’on ne les voit jamais. D’ailleurs, c’est un peu con ce qui arrive à Damon. Il est obligé de créer de nouveaux personnages pour représenter des gens qu’il n’avait aucune raison de faire survivre au crash, puisqu’il ne comptait pas les utiliser.

Puisqu’on parle de la connerie de Lindelof, autant en venir au point principal.
Damon, mon pote, si tu as du mal à faire des flash-backs intéressants toutes les semaines, et que du coup tu dois créer Paolo et Nikki... qu’est ce qui t’oblige à faire des flash-backs TOUTES les semaines ?
Certes, Lindelof a déjà expliqué dans une interview précédente, que les flash-backs sont nécessaires à la série. Il a expliqué que, d’un point de vue narratif, s’il veut pouvoir raconter l’histoire qu’il souhaite raconter, il ne peut pas se passer des flash-backs. Et le pire, c’est que je suis plutôt enclin à le croire. S’il dit en avoir besoin pour raconter quelque chose d’important à travers le passé des personnages, pourquoi pas ? On ne se rendra peut-être compte de leur intérêt qu’une fois la série terminée. En 2047.
Mais de la à dire qu’ils sont tous nécessaire... Est-ce qu’il a besoin d’un flash-back toutes les semaines pour raconter l’histoire principale de la série, pour qu’on puisse comprendre la vraie nature de Lildelost ?
Bien sûr que non.

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Les Catégories qui Tuent

Que ce soit bien clair. Mon but dans cette review n’est pas de dire que les flash-backs ne servent à rien. Je le pense peut-être, mais ce n’est pas ce que je veux dire, là, tout de suite. Peut-être plus tard.
Le fait est que certains flash-backs présentent de l’intérêt. Et même si ce n’est pas une science exacte, on peut quasiment tous les classer dans trois catégories distinctes, chacune étant plus ou moins nécessaire.

La première catégorie, la plus représentée dans la première saison, est celle des flash-backs de type introductifs. Leur principale utilité est de présenter le passé des personnages aux téléspectateurs, de nous en dire plus sur la vie de ces personnages qui, à l’époque, possédaient tous potentiellement une histoire à la fois passionnante et surprenante qui justifiait totalement leur présence sur Lildelost.
Douce naïveté.
Cela fait maintenant plus de deux ans que la série a commencé, et entre temps on a eu le droit à un beau paquet de ces flash-backs introductifs, chacun d’entre eux étant plus ou moins réussi, ou dans le pire des cas détruisant plus ou moins les personnages. Celui de Locke est parfait, ceux de Sun et Jin remplissent très bien leur rôle. Celui de Sawyer, par contre, l’a rendu moins intéressant, tandis que celui de Charlie l’a transformé à tout jamais en caricature geignarde. Il y a eu quelques ratés.
Le problème de ce système d’introduction par flash-back interposé, c’est qu’il résume, en très peu de temps, tous les traits importants de personnages trop peu complexes. Voyez vous, dans une vraie sér... Voyez vous, habituellement, dans les séries, on apprend à découvrir les personnages à travers leurs actions, et si parfois leur passé nous est révélé, c’est au détour d’une conversation. Normalement, les personnages interagissent, ils discutent, et au fur et à mesure que leurs relations se forment, ils se confient les uns aux autres, et en dévoilent un peu plus sur leur histoire. Ca peut prendre du temps, des gens qui apprennent à se connaître, mais ça a l’avantage certain de... vous savez... créer des relations un peu moins artificielles que, par exemple, un triangle amoureux.

La deuxième catégorie est un peu bâtarde, puisque c’est celle des flash-backs mythologiques. Ici, l’histoire racontée n’est qu’un prétexte, puisque la seule et unique raison pour laquelle ils existent est de nous montrer que Jack et Desmond se sont croisés, ou que Hurley était poursuivi par des chiffres môôôôdits. Si la catégorie est bâtarde, c’est bien parce qu’ils appartiennent souvent à une des deux autres catégories, mais l’histoire racontée n’est vraiment ici qu’un prétexte pour faire avancer l’intrigue générale de la série. Un tout petit peu.
A noter que l’histoire de Desmond, à moitié introductive, à moitié mythologique, est une vraie réussite. Tout comme celui de Locke, qui en plus de nous offrir un personnage solide (au départ...), se termine sur un beau mystère.
J’ose espérer, naïf que je suis, que les flash-backs appartiendront de plus en plus à cette catégorie. Même si je sais pertinemment qu’il y a de grandes qu’ils soient du type qui suit...

J’ai donné au dernier type de flash-backs la douce appellation de « Flash-Beurk ». C’est la catégorie Sac Poubelle. Ils représentent la bonne moitié des flash-backs à ce jour, et l’idée principale est ici de gagner du temps en mettant en scène les personnages dans des histoires inutiles, débiles, voire révoltantes, qui n’apportent strictement rien et ne sont liées à ce qui se passe sur l’île que de très loin.
Des fois, genre une fois sur 10, ils sont réussis. Mais j’aurais tord de m’arrêter aux exceptions. Parce que la plupart du temps, un Flash-Beurk, c’est ça : Jack est marié, c’est cool (4 épisodes). Et Charlie vendait des photocopieuses (1 épisode de 12h30 à peu près). Locke avait un méchant Papa (trois épisodes, résumés en 5 mots). Tout le monde prend l’avion. Michael passe devant le juge parce que SHE TOOK HIS SON !!! La vie de millionnaire, c’est dur. Et Kate vole un avion en plastique (un épisode pour le vol, un épisode pour expliquer pourquoi il est super important pour elle, ce bout de plastoc, et une scène dans le final de la saison pour faire le lien entre les deux épisodes parce qu’ils n’avaient pas eu le temps de le faire jusque là). Sayid a des potes terroristes. En Corée, il y a des types chauves qui parlent anglais. Et Eko enquêtait sur des miracles, quand il n’était pas occupé à jouer Père la Machette.
Et j’en oublie.

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Les Vraies Raisons qui Tuent

Leçon à retenir, quand on est le showrunner d’une série à succès :
« Quand la bonne moitié de vos flash-backs ne sert à rien, qu’ils cassent le rythme de tous vos épisodes, et les bonbons des téléspectateurs, évitez de tomber dans l’introduction facile, et complètement paradoxale quand on y réfléchit, de nouveaux personnages qui ne servent qu’à créer de nouveaux flash-backs qui n’auront aucune chance d’être intéressants ou utiles puisque leurs sujets n’existent dans le cadre dela série que pour justifier ces flash-backs.
Non, c’est plutôt le moment de se dire que les flash-backs, c’est bien d’en faire, mais uniquement quand on en a vraiment besoin. Des flash-backs, oui, mais pas nécessairement toutes les semaines. »

Damon, tu me recopieras 500 fois cette phrase (qui a sûrement un sens... j’en suis presque convaincu) pour le mois de Février.

A vrai dire, c’est presque le manque d’honnêteté de Lindelof qui m’énerve le plus. Bien sûr que les flash-backs servent à quelque chose : ils font économiser de l’argent à la série, et rendent la production des épisodes cent fois plus facile !
Mais c’est nettement moins cool à dire que « ils sont indispensables à l’histoire que je veux raconter », évidemment.

Les flash-backs servent donc à gagner de l’argent, en passant moins de temps sur la plage, dans la nature, sur l’île, et plus en studio, et sûrement par d’autres moyens qui m’échappent. Mais servent-ils aussi à gagner du temps ?
C’est un argument sur lequel je tombe assez souvent. Les scénaristes font du « remplissage », ils « gagnent du temps » et évitent, par l’intermédiaire des flash-backs, d’avoir à donner « de vraies réponses », dans le sens où ils n’ont pas à avancer dans leur mythologie pendant qu’ils nous racontent que Kate était mariée à Malcolm Reynolds.
En vérité, je ne suis même pas sûr que ce soit ce qui motivait les scénaristes, du moins pas au début de la série. En effet, il y a bien d’autres façons de ralentir la progression de l’intrigue, de faire du remplissage sur l’île même. Par exemple, en écrivant des scènes où les personnages parleraient entre eux (pourquoi pas de leur vie avant le crash ?), des scènes où ils prendraient un peu plus de profondeur, et deviendraient forcément plus attachants. Ou alors, autre solution, on pourrait en voir plus sur la façon dont ils vivent sur l’île, pourquoi pas en introduisant une paire de ces fameux rescapés figurants qui réapparaîtraient de temps en temps, et qui ne posséderaient pas de passé tordu et sombre. Une façon comme une autre de rendre leur vie sur l’île un peu plus crédible.

Mais revenir 4, 5, ou 6 fois sur un flash-back pendant un épisode, histoire de bien énerver tout le monde, c’est cool aussi.

Ju
P.S. Run Forrest, RUN !