Critique des meilleures nouvelles séries télé (et des autres)
Regarde critique sur les séries TV actuelles

Ma Semaine à Nous - Critique de l'épisode Semaine de la saison Semaine

N°101: Semaine du 13 au 19 avril 2009

Par la Rédaction, le 20 avril 2009
Publié le
20 avril 2009
Saison Semaine
Episode Semaine
Facebook Twitter
Cette semaine, ça réfléchit dur à pErDUSA. Enfin, ce sont surtout les petits nouveaux qui se prennent la tête. Jéjé et Joma, eux, reviennent sur des séries dont on ne parle pas beaucoup, Kings, Rules of Engagement, Harper’s Island, Party Down, Better off Ted... Et parce qu’on ne risque pas de remettre quelqu’un de Kings en page d’accueil avant longtemps, on laisse la place au choupinet Chris Egan, le David de cette série trop tôt mise au placard.

Deuxième chance
Jéjé persiste

L’année dernière, dans le cadre d’un échange de bons procédés, j’avais tenté de faire découvrir Rules of Engagement à Feyrtys, avec un bonheur qui a déjà été évoqué dans ces colonnes.
Je reconnais maintenant mon erreur, j’ai été impatient. J’aurais dû attendre cette saison qui marque une véritable amélioration générale de la série. Les scénaristes semblent avoir identifié certains de ses défauts et les ont rectifiés. Le tout, sans recourir au désormais classique et un peu trop facile bond de quelques années dans le temps…

Petit rappel. Rules suit les aventures quotidiennes de deux couples à deux stades différents de la relation (juste après les fiançailles et après douze ans de mariage) et d’un célibataire forcené. Avec des rires enregistrés.

Si Feyrtys n’a pas été conquise d’emblée, c’est sûrement parce que le couple de jeunes a toujours (souvent) eu des intrigues aussi insipides que le jeu de ceux qui les incarnent.
En saison 3, ils sont devenus de simples faire-valoir (et ont perdu une grande part de leur temps d’antenne) du couple réussi de la série, celui des « vieux », au sein duquel les acteurs au timing comique impeccable ont une complicité crédible. Comme ils ne peuvent pas se contenter d’amis transparents, on leur a rajouté un gay dans leur entourage. C’est toujours efficace quand on a besoin de gagner en sophistication et en drôlerie. (Et si c’est de ça dont manquent vos soirées, vous pouvez me contacter par l’intermédiaire de la boîte mail du site).
Russel, le célibataire de service, a pu poser également problème à Feyrtys. L’aspect monomaniaque et un peu lourdingue de sa personnalité (« homme vouloir femme pour aventure sans lendemain ») trouve un contrepoids parfait avec les réflexions acerbes de son nouvel assistant surdiplômé (Raja de Aliens in America).

Vraiment mieux en 2009

C’est le moment ou jamais de vous mettre à une chouette sitcom ! (Ou de lui redonner sa chance… Feyrtys, il y a des références à Wicked dans le season premiere.) Et ça donnera une excuse pour ne pas regarder Park & Recreation.


Semaine 101
Joma n’a pas de sous-titre

Et voilà c’est mon tour de MasaN et je me retrouve à ne pas savoir quoi écrire. Une combinaison de flemme et de manque d’idée flagrante.
Je sais bien qu’à pErDUSA on a une éthique et que vous attendez un texte drôle ou pertinent, mais là, il faut plus compter sur Tomemoria pour ça, et je vous laisse juge du comique ou du pertinent. Je vais donc faire dans le light cette semaine.
Comme Iris j’aime bien les slashers, et une adaptation au format série semblait une bonne idée. Mais au vu des deux premiers épisodes ennuyeux de Harper’s Island je me demande si ça l’est toujours.
Ce qui fonctionne sur 1h30 ne le fait pas forcément sur la longueur. En fait on a eu, pour l’instant, le premier quart d’heure d’un film d’horreur étiré sur deux épisodes de 40 minutes, autant dire qu’il ne se passe pas grand chose.
Les clichés en veux-tu en voilà, autant du côté des personnages et de leurs actions que dans la forme même de la narration. Ca commence à devenir pénible. Encore une fois, si je m’accommode des stéréotypes dans un film, ils m’horripilent très rapidement quand je les vois chaque semaine répétés à l’infini.
D’ailleurs la production, ou la chaîne, a bien du sentir qu’il fallait rassurer le chaland en pondant une longue "preview" à la fin du dernier épisode sur ce qui allait être montré. Bon j’avoue que ça a marché sur moi, j’allais abandonner la série avant ces images. Je me donne encore 1 ou 2 épisodes avant de jeter à la poubelle Harper’s Island.

L’idée de réunir une inspiration shakespearienne et la bible dans Kings semblait bizarre. Entre le comique léger de type Rosencrantz and Guildenstern incarné par les deux gardes du palais (dont je ne me rappelle pas le nom) et les références continuelles à la religion, cela donne un drôle de mélange. J’avais eu du mal à entrer dans le pilote, mais aussi ridicule que cela semble, c’est lorsque David fais son discours sur la paix devant le char Goliath que la série m’a conquis.
Même si elle n’évite pas certains clichés (mais moins que Harper’s Island quand même) elle a au moins la chance d’être plutôt bien écrite et surtout, surtout excellemment interprétée, avec un Ian McShane royal (oui facile, je sais), mais suivi de prêt par Susana Thompson et Eamonn Walker. De plus ça me fait encore plus plaisir de voir régulièrement Wes Studi qui m’avait profondément marqué en Magua dans The Last Mohican de Michael Mann. Il y a toujours de bons guests dans la série, même si dans le dernier épisode il faut se farcir cette tête à claque de Macaulay Culkin, mais on a Brian Cox pour contrebalancer au niveau du talent.
Même si NBC ne garde pas la série, qu’elle diffuse au moins les épisodes tournés, ça serait bien.

Je me démarque encore de Gizz ou Conundrum mais je rigole vraiment bien devant Better of Ted et Party Down.
Better of Ted a un côté folie légère qui fonctionne parfaitement sur moi, que ce soit le patch énergie de cette semaine et les dialogues décalés qu’il donne à Linda, ou les détecteur qui ne détectent pas les personnes de couleur de l’épisode précédent.
Quand à Party Down, outre le fait que Lizzy Caplan y a un rôle et que Ken Marino abat un boulot de malade, j’aime l’humour en dessous de la ceinture, ainsi que ce gros nase élitiste de Roman qui aurait sans doute sa place dans cette rédaction.

Ah oui ! Une dernière chose, regardez la saison 2 d’In Treatment et adoptez une tortue !


Arkham Asylum
Iris perd ce qui lui reste de tête

Dans l’allée sombre, des volutes de fumée s’élèvent des plaques d’égouts, et la lune baigne tout ce qui m’entoure dans une pâleur maladive. Ce que je m’apprête à faire n’est pas facile. Mais je n’ai plus le choix. MadTV résonne dans mes oreilles, me rappelant à ma triste réalité.

This seems like a joke to me
that this soap crap’s still on the screen
can’t we get something better to see
instead of this shit thats on TV

Je monte les marche à présent, longe un couloir éclairé aux néons, et pénètre dans une pièce à l’atmosphère étouffante. L’odeur de sueur me prend immédiatement à la gorge, alors que les gens assis sur les chaises disposées en cercle se tournent vers moi, et m’adressent des grimaces se voulant probablement sourires rassurants. Je les rejoins, et m’assieds à la seule place vacante. Ça y est, je ne peux plus rebrousser chemin. Chaque semaine, c’est le même refrain, je m’enfuis juste après avoir passé la porte. Mais je sais que cette fois-ci, je n’y couperai pas. Gorge sèche, je me lance.

B..Bonjour, soir, je...

Reprends-toi.

Je m’appelle Iris, et j’ai un problème de séries.

Celui qui dirige les réunions, et qui sous cette lumière semble avoir des faux airs de Gabriel Byrne, se penche en avant, fronce légèrement les sourcils, et fait une petite moue avec sa bouche, pour m’inviter à continuer. Et là, un flot de paroles que je n’arrive pas à contrôler jaillit.

Je n’ai toujours pas regardé la saison 3 de Friday Night Lights. J’en ai vu deux épisodes, et j’ai arrêté. Ils sont là, ils m’attendent, et pourtant je suis incapable de les regarder. Pourtant, je sais, on me l’a dit qu’elle était bien, mais j’y arrive pas, j’ai... peur de ne pas être dedans, de rater quelque chose. Pire encore, je me suis arrêtée à l’épisode 3 de Breaking Bad, et pour les mêmes raisons. Sans parler d’In Treatment, que j’avais adoré la saison passée mais que je n’ai pas reprise. Comme si je redoutais de ne pas être à la hauteur. J’en repousse toujours le visionnage, d’un "quand je serais dans un état d’esprit plus adapté à la série" mais, mais, et si ce moment n’arrivait jamais ?! Et si je... si j’étais condamnée à continuer d’être la téléspectatrice que j’ai été ces dernières semaines.

Les hochements de tête approbateurs que les autres participants avaient pris soin d’imprimer à leurs têtes durant tout mon laïus s’arrêtent. Sauf pour le plus lent d’entre eux, qui continue, et c’est en remontant les deux fils partant de sa poche et allant se nicher dans ses oreilles que je comprend que le rythme et les bribes de mélodie que j’ai dans la tête depuis tout à l’heure ne sont pas une pure invention de mon esprit, mais des relents de l’horreur qu’il écoute. C’est toujours ça de pris. Le... psy, me demande quel genre de téléspectatrice j’ai été dernièrement.

J’ai regardé... Des vieilles séries. Des séries que j’avais déjà vues. Comme The Inside, qui est une pure merveille, sûrement un des rares séries policières qui m’ait passionnée, ou des épisodes de Veronica Mars, un peu au hasard, juste parce que Neptune et ses personnages me manquaient. Et des Buffy, et Angel. Et des séries plus récentes, mais pas très bonnes. Mis à part The Office, le Saturday Night Live, The big Bang Theory, quelques Scrubs, et encore je me demande s’ils méritent le terme, rien n’étais particulièrement brillant dans ce que j’ai regardé. Et pourtant... Et pourtant, j’ai... aimé ce que j’ai vu.
Harper’s Island a contenté la fan de slashers que je suis, et dont la flamme avait été ravivée il y a quelques semaines par la découverte de All the boys love Mandy Lane.
Vous pensez, des gens réunis sur une île, ancien théâtre de meurtres bien glauques, pour célébrer un mariage. Des clichés délicieux parsemés de-ci de-là... Et cette première exécution qui m’a fait rire, au moins autant que les 3 derniers épisodes de How I Met Your Mother réunis, parce qu’il était un petit bijou de perversité, et qu’il promet un tueur assez barré.
Bien sûr, le second meurtre m’a laissée un peu sur ma faim, et m’a fait me demander si on verrait vraiment quoi que ce soit de violent pendant la série, mais j’ai... fais avec. Je l’ai accepté. Je me suis dis, après tout pourquoi pas. Et je m’amuse déjà à tenter de trouver qui est le tueur. Rah, je regarde une série avec Jake 2.0 dedans ! Et j’aime ça !
Et vous savez quoi ? Il y a pire. J’ai regardé Nip/Tuck. J’ai trouvé ça consternant, mais j’étais devant, et quelque part, j’accueillais cette absence de qualité avec joie. Oui, je crois que, quelque part, j’aime Nip/Tuck...

Les "patients" me regardent, interdits. Le type aux écouteurs éteint son baladeur, et plonge son regard dans le mien. Il éclate de rire. Oh non, quelqu’un qui écoutait du Cindy Sanders est en train de se moquer de moi. Des balbutiements s’extirpent de mes lèvres.

Mais... On est tous dans le même bateau non ? Pourquoi vous êtes là vous ?

Et de toutes parts, me vrillant les oreilles parce que me rappelant toutes les fois où j’ai moi-même fauté, fusent des Heroes, des Prison Break, des Grey’s Anatomy et des CSI : NY.
Évidemment.
Après tout, ces gens sont ceux que je vois au quotidien, ceux qui regardent TF1 et de la Version Française. Les larmes me montent aux yeux, je me sens sale. Plus sale encore qu’à l’époque où je lisais des spoilers, et le blog de Cerise.
Je me relève d’un seul coup, et me met à courir pour m’enfuir de cette salle, pour échapper aux regards puant le jugement. Une fois à l’extérieur, je m’écroule sur les pavés. Traversée de frissons, la vérité me frappe.
Oh, Ciel, s’autocensurent mes pensées, je regarde de mauvaises séries ! Et le pire, c’est que ce ne sont même pas les plus populaires.



Artiste ou artisan ?
Tomemoria a les neurones qui surchauffent

Du fait de l’amusante indisponibilité Blakienne, Jéjé et moi avons commis un podcast à deux dans lequel nous avons parlé de Dollhouse, Damages, Lost et autres United States Of Tara. Au delà d’un podcast probablement plus raté que le lifting de Glenn Close, le problème est que notre conversation qui l’a suivi était bien plus intéressante que ce que nous venions d’enregistrer.

J’avais proposé d’orienter le podcast autour de l’éternel thème « les séries, est-ce de l’art ? » mais Jéjé a jugé que c’était un débat qu’il aurait fallu préparer avec des arguments et que la majorité du podcast se résumerait à des « euuuh » interminables qui n’alimenteraient guère le débat. Aussi me suis-je dit qu’une telle réflexion méritait sa place dans la chronique hebdomadaire.

Pour aborder cette amusante question, il convient de faire un minimum de philosophie. Pas d’inquiétude, je ne compte pas faire des tournures de phrase tarabiscotées dans le but de noyer mon propos, simplement d’essayer de réfléchir sur un problème et d’y apporter des réponses. D’emblée avec Jéjé, nous est apparu un problème qui risquait de paralyser le podcast : avant d’expliquer pourquoi les séries télé sont ou non de l’art, il faut essayer de définir ce qu’est l’art. Dans la conversation que j’ai eu avec lui après le podcast, j’ai adopté un angle d’attaque du problème possible, bien que selon moi simpliste : l’art, c’est la beauté.

Ce serait l’idée plausible selon laquelle l’art sublimerait la réalité, la transcenderait pour donner lieu à quelque chose de poétique, d’abstrait, de pur. Le tableau d’un massacre peut être sublime. Un massacre réel, qui se jouerait sous nos yeux, en est incapable. Dans ce cas précis, on saluerait le talent de l’artiste pour savoir retranscrire l’horreur d’un massacre tout en conservant un esthétisme agréable. On attend pas d’un tableau d’être aussi insoutenable que la scène qu’il représente.

Selon les critères de Hughes Hefner, ceci est de l’art. Mais en est-ce vraiment ?

Pourtant, l’argument de la beauté, bien que pertinent, était insuffisant pour saisir ce qu’est l’art. Après tout, l’artisan aussi peut réaliser de bien belles pièces : un vêtement, un verre, un superbe Mac blanc avec la petite pomme dessus... L’esthétisme ne peut donc être ce qui sépare l’art de l’artisanale.
La singularité, elle, semble plus appropriée. Pour autant, elle semble se limiter à certains types d’art. Exemple bateau : la Joconde. Il en existe plusieurs copies. Mais seule celle au Louvre est réellement respectable. Celle-ci est unique, irremplaçable, sacrée. Peu de gens s’offusqueraient que je joue aux fléchettes avec une copie de la Joconde. Mais on crierait au scandale si je faisais de même avec l’originale.
Malgré tout, comme je l’ai dit, la singularité pose un problème à partir du moment où l’oeuvre peut-être décuplée sans que sa nature en soit travestie : littérature, photographie, cinéma, télévision...

Ces arts usent de la technique pour produire des oeuvres. Ainsi, le mérite de leur réussite ne revient plus seulement à l’artiste, mais aussi à tous les artisans qui ont contribués à leur création. De plus, peut-on parler d’art quand plusieurs personnes se cachent derrière « l’artiste » ? On peut facilement écarter la littérature, puisqu’en général, il s’agit de la vision d’une seule personne, que nous évaluons en fonction de son style et de la richesse intellectuelle qui se dégagent de son oeuvre.

On se rapproche doucement des séries. En effet, on peut dire de séries (oublions le cinéma car les deux posent un problème quasi identique) qu’elles ont un style unique et qu’il s’en dégage une richesse intellectuelle. C’est le cas de The Wire, que l’on n’hésite pas à qualifier de Grand Roman.

Mais The Wire est une série bien à part. Reprenons les séries que Jéjé et moi avons abordé dans ce podcast : Dollhouse, Damages, Lost et United States of Tara, pour ne citer que celles-là. Pouvons-nous les qualifier d’oeuvres d’art. Sont-elles belles ? C’est très discutable. Sont-elles singulières ? Oui, mais comme pourraient l’être deux objets différents. Tels des objets, les séries auraient des qualités esthétique certaines.
Pourtant, on peut facilement dire que les objets ont une fonction mais que les séries ont un sens. Elles veulent dire quelque chose : raconter l’histoire de personnages imaginaires, délivrer un message, faire réfléchir, provoquer des réactions comme le rire. Un objet est dépourvu de ces qualités.

Il faut néanmoins faire attention : dire « les séries sont un art car elles ont du sens », reviendrait à dire que l’art doit en avoir, or rien n’est moins sûr. Pour écourter la réflexion qui mériterait sans doute plus de développement, je me permets d’écarter de la réflexion les réalisateurs de séries. Il arrive bien sûr, dans des cas exceptionnels, que certains soient inspirés et parviennent à créer des oeuvres d’art visuelles. Mais en majorité, il s’agit de techniciens experts qui se conforment à un modèle qu’il sont censés reproduire. Ainsi, si le style de Pushing Daisies peut s’inscrire dans un argumentaire pour prouver son côté artistique, ça n’aurait pas de sens d’en féliciter les réalisateurs qui se sont contentés d’appliquer une méthode de fabrication définie par d’autres. Le style d’une série incombe en principe à ses scénaristes et plus précisément à ses créateurs.

Les créateurs de séries doivent respecter un certain nombre d’impératifs : durée d’un épisode, budget délimité, délais à tenir... Des contraintes qui se rapprochent de celles qu’imposaient les mécènes aux peintres, les éditeurs aux écrivains. En plus de ces différentes limites, le scénariste doit être doté d’un savoir-faire, comme l’artisan, qu’on lui aura appris. On apprend donc à devenir artiste comme à devenir artisan. La différence pourrait être la capacité d’un artiste à s’affranchir des règles quand l’artisan les respecte à la lettre. Là où le problème se brouille, c’est qu’il existe des artisans parmi les scénaristes de séries. Et il n’est pas honteux de désirer consommer un tel produit de l’industrie télévisuel, précisément parce qu’il répond à mes attentes. Une comédie romantique hollywoodienne doit, pour fonctionner, être composée de tous les ingrédients à la bonne proportion : du rire, de l’émotion, du sexe, du drame...

Mais je n’attends pas la même chose d’un scénariste artiste. De lui, j’attends deux éléments contradictoires : qu’il ait connaissance des règles de l’art, qu’il les maîtrise mais aussi qu’il soit capable de les transgresser, de se les réapproprier de façon unique, voir qu’il les redéfinisse par de nouvelles règles.

La différence entre la création et la fabrication, qu’on soit dans l’art ou la technique, tient à l’expression d’un style. Un artiste qui a du style fait porter à chacune de ses oeuvres la marque de son absolue originalité. Le style se repère étrangement dans la répétition et la différence. L’oeuvre est à chaque fois différente tout en exprimant toujours un même rapport au monde et à la création en elle-même. Les séries télé sont des créations.

Une création n’est pas une production comme dans la technique (l’idée de l’objet fabriqué préexiste dans l’esprit de l’artisan). Une création est une invention continue d’idées nouvelles qui transforment de façon imprévisible la matière. Un scénariste ne peut jamais savoir à quoi ressemblera exactement sa série une fois qu’elle sera achevée. L’artisan, lui, sait exactement ce qu’il est en train de fabriquer. La série partira dans des directions innatendues quand la baguette de pain ressemblera exactement à ce qui était prévu.

Quand on est artiste, scénariste, il y a un va et vient incessant entre l’idée et la matière, et non un allez simple, comme dans la technique. C’est ce qui fait que des séries télés peuvent être considérées comme des oeuvres d’arts.

On peut les critiquer. Dire que certaines règles sont transgressées au profit du n’importe quoi dans Damages. Se plaindre de certains parti pris de narration dans Lost. Féliciter l’interprétation (qui elle aussi opère cet incessant va et vient entre l’idée et le rendu) de United States Of Tara.
Et à partir du moment où l’on reconnaît la patte de Whedon dans Dollhouse, quels que soient ses qualités et ses défauts, on peut également l’identifier comme une oeuvre de l’artiste Joss.

la Rédaction