10 septembre 2013
Episode Chronique
A good script really helps, of course. But even if it isn’t so good, we can move in and save the baby. In this brave new world, we’re making little movies.
Sur son blog, Javier Grillo-Marxuach a parfaitement commenté la condescendance d’un homme qui nous a, malgré tout, fourni des belles heures de télévision à la grande époque de NYPD Blue.
Non, ce qui agace, c’est d’entendre cette phrase « on a l’impression de faire un film de 45 minutes » dans trop de conférences de presse et pas uniquement de la bouche de réalisateurs imbus d’eux mêmes. Cette phrase bénie par les services de relations publiques est sortie régulièrement par des acteurs vantant les mérites de leur produits. « Faire des mini-films » est autant un cliché qu’un mensonge.
Par là, on ne cherche pas à nous dire qu’ils proposent des histoires finies en 45 minutes avec des valeurs ajoutées similaires à celle proposées par des productions hollywoodiennes. Ils cherche à nous dire que, avec leurs programmes, on vous propose autre chose qu’une simple série. Cette analogie, censée vanter les mérites d’une série, dénigre le genre tout entier dans lequel ils s’expriment.
C’est un peu comme tous ces auteurs et acteurs qui, en faisant la promotion de leurs formidables et révolutionnaires séries, affirment fièrement qu’ils ne regardent pas la télévision. Vendre une œuvre en crachant sur le genre est une méthode ahurissante mais qui semble marcher tant elle choque peu.
En soi, c’est idiot. Mais ne vous méprenez pas, c’est aussi idiot et débile que de dire que « Hmmm, on vit dans un vrai âge d’or où la télévision est telllllllllement meilleure que le cinéma ».
Je ne comprends pas la comparaison/rivalité entre les deux genres. Ils sont similaires, ils s’influencent l’un l’autre, s’échangent leurs acteurs, scénaristes et réalisateurs, mais il s’agit de manières de raconter une histoire totalement différentes. Personne ne compare les journaux et les livres, pourtant, eux aussi sont du support écrit, ils proposent de la fiction et du journalisme, et les auteurs peuvent être les mêmes. La comparaison n’a pas lieue d’être, alors pourquoi est-elle faite entre la télévision et le cinéma ? Et surtout, pourquoi est-elle faite par des professionnels qui travaillent dans ces milieux et sont les plus aptes à voir les différences ?
Le cinéma et la télévision ont souffert de l’émergence d’Internet et de la multiplication des supports. Et les deux ont dû s’adapter. Dans les années 2000, je me rappelle être sorti d’un cinéma, et après avoir vu un film que j’ai vraiment apprécié, ai commandé le soir même le DVD en zone 1 qui était déjà sorti aux États-Unis avant même la sortie du film en France. En une semaine, je pouvais revoir le film à la maison, alors qu’il était encore dans les salles. Les sorties sont devenues mondiales et le délai d’édition en DVD a été réduit. Mais avec des télévisions de plus en plus performantes, des home cinema au prix abordable, et la proposition de films via plusieurs plateformes (légales ou non), l’alternative à la sortie cinéma est bien plus présente qu’elle ne l’était il y 10 ans. Pour faire venir le public dans les salles, il faut alors que le cinéma redevienne un lieu privilégié de découverte de films. Et la 3D, domaine où la télévision n’a pas encore rattrapé le cinéma sur ce point, est devenu l’appât de téléspectateur.
Mais la 3D ne tue pas le film d’auteur, il est peut-être plus facile de trouver une salle de cinéma qui diffuse Transformers en 3D, mais le film d’auteur peut être plus aisément vu à la maison. Il est présent, il y a un public pour lui, mais cela ne se traduit pas nécessairement par des performances exceptionnelles au Box Office.
Ces gens qui comparent télévision et cinéma, semble simplement comparer Mad Men à Transformers. Mais Mad Men est loin des premières places des meilleures audiences de la télévision américaines. Une comparaison plus proche de la réalité voudrait que l’on compare Two and Half Men, qui a une audience beaucoup plus significative, à Transformers, et si on me donne le choix, je ne suis pas sûr de choisir la télévision.
Définir l’état d’un genre semble se faire uniquement par l’exposition de leurs œuvres les pertinentes au grand public. Et si ce n’est pas parce que Mad Men ou Breaking Bad sont le sujet d’énormément d’articles dans les journaux et sur le web que cela se traduit par une audience impressionnante.
Et pour être totalement honnête, j’aime lorsque la télévision s’inspire des films dans un cadre bien précis : le pilote. Quand je dis films, je ne parle pas de cinéma, mais d’une histoire contée en 1h30 avec un début, un milieu et une fin, et, ô sacrilège, je sais, sans générique. Sliders, Urgences, Alias ou Lost avaient tous des téléfilms pilotes. On pouvait simplement les regarder pour passer une excellente heure et demie, parce qu’il n’y a pas besoin de 17 saisons pour raconter une bonne histoire.
Quelque fois, une heure et demie suffit amplement. A chacune de ces instances, je suis revenu voir la suite. Mon enthousiasme des débuts n’est jamais resté intact jusqu’au dernier épisode de la série, mais je garde d’excellents souvenirs de ces films faits pour la télévision.

Parce qu’au fond, la différence fondamentale entre films et séries télévisées ne vient pas de la taille de l’écran sur lequel il est diffusé, ni des stars qu’ils impliquent, ni même de la durée sur laquelle on raconte son histoire que ce soit 2 ou 60 heures divisées sur 5 ans. Lorsque l’on regarde un film, on sait que nous allons avoir une vision unique d’une histoire avec un début, un milieu et une fin, et avec les mêmes personnes impliquées lors de ces trois étapes. Le film ne va pas s’arrêter si les gens se lèvent de la salle et quittent le cinéma. Si l’audience n’est plus au rendez-vous, la série, peu importe où elle en est de sa vie, s’arrête. L’acteur principal ne va pas quitter le film au milieu de l’intrigue parce qu’il n’a pas envie de renouveler son contrat. Si Mark Greene est le héros du pilote d’Urgences, celle fait belle lurette qu’il est mort lors de la diffusion du dernier épisode. Il peut y avoir des conflits entre scénaristes, studios et réalisateurs, mais un film est en général un tout cohérent thématiquement. Le Sliders en fin de vie n’a rien à voir avec ses débuts enthousiasmants.
La série télévisée est un genre difficile à appréhender. On commence à nous raconter une histoire mais le narrateur peut être remplacé et nous ne sommes pas sûr d’en avoir la fin. Sauf au moment du pilote, où nous avons droit à une histoire finie dont le dénouement est un nouveau départ pour notre héros qui aura peut-être une belle vie devant lui. Si rétroactivement, la chute qualitative d’une série ternie son image globale, le téléfilm pilote est toujours exempté de cette revue à la baisse. J’apprécie toujours autant de revoir le pilote de Lost malgré son horrible conclusion.
De nos jours, le pilote n’est juste qu’un simple premier épisode. La télévision a perdu la structure empruntée au film pour son premier opus. Pourtant, cette structure a du sens. Sur la centaine de pilotes tournés, seuls un tiers arrive à l’antenne. Pour amortir ces coûts de production, les chaines commandaient des pilotes d’une heure et demie, soit pour tester le public ou, s’ils n’étaient pas commandés en séries, pour être diffusés en téléfilm unitaire. Lorsque Steve McPherson a repris les rennes de ABC, il n’était pas convaincu du potentiel de Lost commandé par son prédécesseur et avait sérieusement exploré la piste d’une diffusion du pilote en simple téléfilm. Récemment, NBC a testé les eaux avec la diffusion du pilote de The Munsters pour tester les eaux avant une commande (qui n’a pas eu lieue).
C’est bien dommage que ce ne soit plus à la mode. J’aime ce caractère uniquement au pilote. Et s’il fallait comparer les deux genres, c’est uniquement sur la capacité à raconter une histoire finie que cela pourrait se faire. Et,entre regarder Transformers ou revoir le moins bon de ces pilotes, celui de Sliders, là je choisis 1000 fois la télévision au cinéma.