Ceci n’est peut-être qu’un incident isolé, une providence dans un tunnel sans fin, mais le dernier épisode de The Handmaid’s Tale en date est un chef-d’œuvre.
Oui, je l’ai dit, je le regretterais probablement l’épisode suivant, c’est un chef-d’œuvre.
Pourtant, point d’Yvonne Strahovski.
Evil Elisabeth Moss is the best.
Juste Elisabeth Moss en Evil Queen et l’humanisation de Aunt Lydia. Ce n’est pas un épisode dans une réalité alternative (enfin si mais pas celle-là, enfin vous m’avez compris), nous ne quittons pas Gilead, nous entrons simplement dans la prise de pouvoir des femmes et les conséquences que cela peut avoir sur notre perception des personnages.
S’il en fallait plus, 3.08 - Unfit visite les zones grises, voire très grises, de deux des femmes au centre de la série. Suite à l’épisode précédent où Ofmatthew faisait exécuter une Martha, June voit rouge (oui, c’était une facile) et l’ostracise sans même se cacher. Outre ce qui est dit sur le harcèlement des femmes sur une femme, ce qui est intéressant, c’est le portrait que cela brosse de June et de son rapport au pouvoir. Si ses intentions sont bonnes (sauver les femmes de Gilead), ses actions sont moralement répréhensibles et accompagne tout un système d’oppression mis en place par les hommes. À la vue des sourires qu’elle arbore plusieurs fois dans l’épisode, elle semble même y prendre un malin plaisir.
Cela pose alors la question du prix de la revanche qui prend soudainement le pas sur son but premier et ce pourquoi elle s’est engagée dans la bataille. Doit-elle y perdre une part d’elle-même pour atteindre ses objectifs ? Est-ce qu’user des mêmes moyens que l’ennemi est utile à la cause ? Est-elle toujours utile à cette cause ?
Par le système d’oppression à la tête duquel elle se trouve, June s’engage dans une voie qui n’est pas sans rappeler (un peu trop) celle de Walter White. Mais c’est bien plus intéressant parce que cela vient au terme d’un parcours où elle tentait de prendre du pouvoir mais n’y parvenait pas parce qu’elle s’interdisait des choses. Là, elle tourne mal parce que désormais, elle l’a et ne s’en sert plus pour les mêmes causes. Elle prend le chemin de la vengeance, peu importe si ce n’est plus au service du plus grand bien.
C’est là où l’épisode touche au génie, dans sa manière de l’intégrer dans le cercle des dominants, de faire de sa révolte inoffensive depuis le début de la saison, de la série même et d’à peine remettre le pouvoir en place en question. Son parcours semble totalement logique alors que l’on attendait qu’elle se tourne vers plus de lumière. Il y a une vraie satisfaction à être surpris dans une ligne qui semblait toute droite. Plus que la surprise et sa satisfaction immédiate, c’est la promesse que cela fait au long terme sur la suite des événements.
Better Call Lydia
Mais The Handmaid’s Tale peut décevoir. Ou épouser pleinement un nouveau parcours. Pourtant, elle ne se repose pas ici que sur cette image de la femme qui doit devenir méchante (coucou Daenerys !). Grâce à son passif, June peut changer, c’est encore une possibilité. Mais 3.08 - Unfit vient contrebalancer ça avec Lydia.
Le personnage a toujours été dans l’ombre, au sens propre comme au figuré. Elle incarne une figure tutélaire qui tient son pouvoir et ses convictions d’un endroit que l’on ne connaît pas, a ses propres motivations qui ne nous sont jamais données même si on les doute solidement ancrées. Elle aime les filles dont elle a la charge mais est d’une intransigeance face aux principes qu’elle porte qu’elle participe à la domination qu’elles subissent. L’épisode va alors nous montrer pour la première fois ce qu’elle était avant Gilead, à savoir une professeure des écoles attentionnée, un peu trop impliquée mais également une éternelle déçue des relations humaines.
Il n’est aucunement question d’excuser la monstruosité de ses actes mais de montrer que ce n’est pas un monstre, juste une femme qui a réagi en fonction des événements et dont le caractère et les obsessions se sont exacerbés sous le régime de Gilead. Elle était une institutrice respectée, qui savait s’occuper des enfants et gérer les problèmes qu’ils pouvaient rencontrer avec les adultes. L’histoire avec cette mère larguée montre qu’elle peut avoir du coeur, s’ouvrir aux autres mais que c’est la vie, tout comme June, tout comme Serena, qui a forcé sa radicalisation vers le côté obscur.
En soi, elle n’apparaît plus avec cet épisode comme le négatif de June mais comme l’autre chemin des possibles qu’elle aurait pu emprunter. Elles ont toutes deux un but louable - Lydia voudrait uniquement le bien de la société, sa perpétuité - mais ont dû, à un moment ou à un autre, usés d’armes qui les ont corrompu. 3.08 - Unfit n’est pas là pour lui donner une quelconque rédemption mais pour expliquer pourquoi on en est là. Cette Origin Story arrive au moment opportun, exposant au spectateur le chemin que prend June, possible succession dans ce système d’une Lydia qui se trouve en bout de course, fatiguée, perdant du pouvoir. La jeune femme ne fait qu’apprendre des leçons enseignées par Aunt Lydia, réutilisant sans distance les punitions mises en place, pensant que cela lui permet de gagner du terrain et du respect alors qu’elle se met à inspirer la même chose que sa maîtresse : de la crainte.
Ofrage, ofdésespoir, offéminité ennemie
Cet épisode de The Handmaid’s Tale n’est pas le plus sensationnel en termes de contenus narratifs, ne faisant que peu avancer le schmilblick de la résistance à Gilead. Pourtant, il est probablement le plus solide créativement parce qu’il apporte enfin de l’aspérité à ses personnages dans une saison qui les lissait dangereusement. S’il faut se débarrasser d’Emily et le Canada ainsi que des Waterford pour avoir des épisodes de qualité, soit.
Donnez-nous l’affrontement de David (June) contre Goliath (Lydia) pour le pouvoir des femmes.