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Trial and Error - Retour sur la flamboyante seconde saison de Trial & Error

Trial and Error (Bilan de la Saison 2) : How To Get Away With Murder Board

Par Max, le 10 septembre 2018
Par Max
Publié le
10 septembre 2018
Saison 2
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Peu de publications en ce moment ? On était en vacances à East Peck. Une petite ville de la province américaine, un meurtre. Non, ce n’est pas Twin Peaks. C’est plutôt l’histoire de Leslie Knope si Pawnee était dirigée par Andy Dwyer et April Ludgate. Effrayant, non ? Et pourtant hilarant. Trial & Error, c’est peu ou prou cela.

Mais comme il serait important d’être précis pour être lu et compris, on assiste à un procès pour meurtre, l’accusé de la première saison (Larry Henderson) et celle de la seconde (Lavinia Peck-Foster) étant défendus par Josh Segal, assisté par Dwayne et Anne, deux incapables capables, contre Carol Anne Keane. Oui, dit comme cela, ça paraît simplet mais la force de ce mockumentaire - et surtout de sa 2nde saison - est tout autre.

Deux procès et aucune erreur

Cette seconde saison se construit en deux parties, bouleversant quelque peu le schéma établi dans la première qui suivait un unique procès sur toute sa longueur. Ici, nous assistons dans un premier temps à la tentative (peu utile) de Josh à blanchir Lavinia Peck-Foster (Kristin Chenoweth) du meurtre de son mari, le maire de la ville. Puis, à mi-parcours, après la relaxe de son excentrique cliente (et c’est un euphémisme applicable à toute la série), il doit se retourner contre elle pour prouver qu’elle est une serial-killeuse de talent. En choisissant cette narration en deux temps, Trial & Error a l’intelligence de ne jamais surcharger inutilement sa narration tout en enchaînant ses rebondissements.

La cohérence est une notion qui pourrait sembler étrangère à la série. Pour preuve, le vrai meurtrier de la première saison, alors que toutes les preuves abondaient dans le sens du poète amateur de roller-skate Larry Henderson (John Lithgow), était un hibou. Oui, un hibou. Et ce n’était pas bizarre, c’était une conclusion qui faisait sens. Et bien avec cette seconde affaire pour Josh, qui a décidé de rester en ville à la suite de son succès, on se plonge encore plus dans la douce folie qu’est East Peck. Ici, la vérité est ici mais la folie est d’ailleurs. Il apparaît tôt que Lavinia est coupable et, alors qu’il faut juste attendre en riant que Josh le réalise, le jeu du whodunit, propre à l’intrigue judiciaire, se transforme en “comment est-ce que l’on va pouvoir utiliser la loi de l’absurdité pour arrêter une meurtrière encore plus couillue que Trump avec la vérité”. J’essaie de résumer mais c’est difficile.

La série joue avec des concepts périlleux dans un contexte où elle en rajoute dix couches d’éléments étranges à appréhender par épisodes (lois, maladies, personnages, etc.). En somme, son intrigue principale sert à étoffer l’univers qui lui a permis d’exister et réciproquement. Et c’est assez rare en télévision, surtout de ne pas se perdre dans ce qu’elle veut dire et où elle va. En gardant Lavinia en ligne de mire (sa prétendue innocence à prouver puis sa culpabilité à démontrer), elle a un fil rouge clair et se permet autour de ça de développer un univers grandiloquent qui lui donne sa complexité.

Des bureaux, des parcs et beaucoup beaucoup de récréation

Le plus étonnant avec Trial & Error est qu’elle nous est à la fois familière et surprenante. La première saison le montrait avec plus d’application mais elle est bien la digne descendante de The Office et Parks And Recreation. Par le choix du mockumentaire, elle s’inscrit dans une lignée fortement marquée. Et par son utilisation des caméras pour dénouer la fin de saison et apporter des preuves, elle s’en démarque, ce pas de côté n’étant peut-être qu’un détail pour vous mais pour moi, ça veut dire beaucoup.

Il y a aussi une atmosphère qui s’inspire clairement de Pawnee, Indiana. Mais Trial & Error approfondit son univers avec dextérité et établit une vraie construction des règles qui régissent la communauté East Peckienne. La petite ville répond à des lois bien spécifiques (une femme ne peut conduire une voiture sauf si elle est annoncée en amont avec un grandiloquent “Lady Driver !”), des personnalités particulières (le merveilleux juge compréhensible seulement des East Peckiens) et des rapports sociaux étranges (Lavinia est considérée comme une reine en son village, le samedi est déterminé par un élan dont on doit voir son haleine… oui, vraiment). Au milieu de tout cela, Josh est notre jeune ingénu qui nous aide à comprendre tout cela et à ne pas en faire du sens, il n’y en a pas besoin. La série se permet de rédiger sa charte personnelle, son set de règles qui font que cette folie se contient dans une espèce de boule de neige souvenir. Et à l’intérieur de celle-ci, on y a introduit un élément normal et extérieur (Josh) dans un cirque sans repères.

Ce qui peut se résumer rapidement à une cascade de gags n’est que la façade d’une série très écrite et très intelligente. Un simple indice, une petite réplique, une situation banale dans un épisode peut donner lieu à une blague à faire hurler de rire trois épisodes après. De même, les traits de personnalité qui s’accumulent au fur et à mesure n’épuisent jamais les personnages mais redoublent les rires, à l’image de l’idiotie qui frappe Dwayne. Une rencontre entre les Nuls et Leslie Knope. Pour exemple, Anne souffre d’une pathologie différente et accumulative à chaque épisode. Si la récurrence du procédé pourrait lasser, Trial & Error en fait une force pour nous fournir de la blague visuelle qui ne s’arrête pas à la fin de l’épisode, de la punchline bien sentie et se paie le luxe d’utiliser cela pour faire avancer son intrigue.

Liste non-exhaustive des maladies d’Anne Flatch

  • prosopagnosia : elle ne reconnaît pas les visages (mais bien les pénis).
  • Dyslexie
  • Backward’s Chearleder syndrome : elle marche à reculons quand elle est sous l’effet d’un choc.
  • Parfois, sa main gauche fait ce qu’elle veut.
  • Foreign Accent syndrome : attrapé après une visite chez le dentiste, elle parle avec l’accent anglais.
  • Involontary Emotional Expression disorder : elle rit à chaque fois qu’elle évoque quelque chose de triste.
  • Stendhal’s syndrom : quand elle voit quelque chose de beau, elle s’évanouit.
  • The Jumping Frenchman of Maine condition : elle peut sauter très haut quand effrayée.
  • Elle s’endort les yeux ouverts (donc aussi en conduisant).
  • Spontaneous Human Combustion : dès qu’elle boit du rhum, son bras fume.

#SaveTrialAndError

Deux saisons, c’est bien trop peu et c’est déjà très bien. C’est une série qu’il est difficile de vendre tant elle a un humour débridé mais calibré, un univers tellement attachant mais impossible à décrire précisément.

Il ne faudrait pas sauver Trial & Error parce qu’elle est parfaite ainsi. Les deux intrigues ne font pas redites, ne sont jamais étendues plus qu’elles ne pourraient le supporter dans la narration et la loufoquerie qu’elle apporte et elles nous donnent une vraie satisfaction. Au bout de 2 saisons, chaque personnage a acquis une émotion et une profondeur assez rare en comédie. Par exemple, une des histoires qui irriguent la seconde saison - et se repose sur le jeu de chat et chien de la première - c’est la possible paternité de Josh concernant l’enfant de Carol Anne. Au-delà des situations cocasses que cela apporte, tout le parcours du jeune avocat et sa relation avec la procureure est vraiment touchante et la révélation finale - non, il n’est pas le père - se révèle bien plus puissante qu’on aurait pu le penser. Il faut souligner aussi la réalisation, qui parvient à prendre parti du "mockumentaire" pour renforcer cela. La série est donc en soit plus que satisfaisante et il serait dommage qu’elle aille trop loin pour perdre de son génie.

MAIS (il y a toujours un mais)

Il faut sauver Trial & Error. Vraiment. Parce que Jeff Astroff et Matt Miller ont montré qu’ils pouvaient apprendre des faiblesses qui se glissaient dans leur première mouture (un rythme comique moins soutenu, un peu de redite dans la relation des personnages) pour nous donner une seconde impossible à parfaire. Il faut sauver Trial & Error parce que sa façon de pousser ses différents types de comique, à la Molière, est assez grandiose et est parvenu à ne pas s’épuiser. Il faut sauver Trial & Error parce que c’est probablement une des comédies les plus pensées, surprenantes et drôles (oui, on demande cela à des comédies, n’est-ce pas les Emmys ?) de ces dernières années (décennies ?).

La quintessence de l’absurdité dans un écrin de velours.
Trial & Error est, avec The Good Place [1] avec qui elle partage beaucoup, le renouveau dont les comédies avaient besoin, à la fois d’une positivité folle, un regard jamais consensuel sur l’humanité et à l’inventivité comme rarement elle ne s’était exprimée à la télévision sous ce format. Si elles restent plus confidentielles que certaines de leurs aïeules, ces deux séries sont, à coup sûr, des chefs-d’oeuvre et devoir me passer de Trial & Error me peine bien plus que ce que je n’aurai pu penser.

Max
Notes

[1Sur laquelle j’ai encore beaucoup de mal à écrire tant je l’aime. Mais je le ferai.