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The Mary Tyler Moore Show - Critique de la cinquième saison de la comédie préférée de Tina Fey

Bilan de la Saison 5: Not The Mary Richards Show

Par Jéjé, le 22 août 2013
Par Jéjé
Publié le
22 août 2013
Saison 5
Episode 24
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Mince. Cette saison 5 vient de refroidir l’enthousiasme qui avait jusque là marqué ma découverte du Mary Tyler Moore Show. Il est probable que l’avoir suivie en parallèle de la première saison (formidable) de Rhoda, [1] n’a pas arrangé les choses.

J’avais bien senti qu’en saison 4 les scénaristes avaient eu du mal à intégrer Rhoda aux intrigues quand ils avaient décidé de privilégier les histoires dans la newsroom. Je m’étais dit que son départ pour sa propre série leur permettrait de réussir l’évolution vers une comédie en milieu professionnel. Malheureusement, cette saison 5 est encore plus que la précédente une saison de transition hésitante, qui semble ne pas assumer, ni de se donner les moyens de réussir le changement décidé.

C’est terriblement frustrant parce que l’on trouve les épisodes les plus drôles et les plus réussis dans la nouvelle version du Mary Tyler Moore Show.

The (News) Office

Cette nouvelle version est différente du Mary At Work Show des épisodes des premières saisons centrés sur la newsroom, c’est une comédie basée dans les locaux de WJM-TV qui suit les membres d’une petite équipe de télévision locale (Mary, Lou, Ted, Murray et Sue Ann) et qui tire son humour des réactions des personnages aux situations professionnelles variées auxquels ils sont confrontés.
La saison commence ainsi pour la première fois, non pas par une histoire centrée sur les relations amoureuses de Mary (ou de Phyllis en saison 4), mais par un épisode qui voit Mary arriver en prison pour ne avoir voulu dévoiler la source d’un de ses sujets (5.01 - Will Mary Richards go to jail ?).
Je me suis dit que l’heure du changement radical venait de sonner, avec d’autant plus de satisfaction que les scénaristes parviennent dans cet épisode à poursuivre les allusions hilarantes à la sexualité (une des marques de fabrique de la série) et à explorer la relation Lou-Mary (qui voit Mary demander l’opinion professionnel de Lou non pour suivre son conseil mais pour confirmer l’avis qu’elle s’est déjà formé).

L’épisode où l’ambiance se dégrade gravement dans la newsroom pour ue histoire d’inversion de mots dans la phrase d’intro du journal (5.09 - Not A Christmas Story) et celui où Lou reprend sa casquette de reporter d’investigation (5.19 - The Shame Of The Cities) sont les deux autres grandes réussites de la saison.
Dans cette configuration où les intrigues sont dirigées par le professionnel, tous les personnages ont leur moment, les interactions sont multiples, les digressions faciles, l’humour est vif et enlevé. Tout fonctionne.

Un seul épisode de ce type n’est pas vraiment réussi (5.05 - The Outsider).
Mais, malheureusement, il n’y en a que trois autres dans cette veine (5.07 - A New Sue Ann Nivens, 5.14 - A Girl Like Mary et 5.16 - Mary Richards Producer).

Le retour du problème Ted Baxter

Le reste de la saison à WJM est hélas plombé par des épisodes centrés sur les vies de Ted ou Murray, personnages secondaires qui n’ont pas l’épaisseur nécessaire pour porter des intrigues personnelles satisfaisantes.

Les scénaristes avaient fait un joli travail pour humaniser Ted en saison 3, mais cette saison fait revenir le bouffon égoïste stéréotypé qui m’agaçait aux débuts de la série et construit, avec cette écriture paresseuse du personnage, sept épisodes (quasiment un tiers de la saison !) sur ses seules pitreries. Et il n’y a pas de grandes surprises comiques dans des épisodes où Ted apprend que sa mère va se marier (5.11 - A Boy’s Best Friend) ou bien qu’il est approché pour créer une école de journalisme (5.23 - Ted Baxter’s Famous Broadcasters School).

Les scénaristes ne s’en sortent pas mieux avec Murray dont les états d’âme sont, après un essai pourtant réussi en saison 2 (2.17 - The Slaughter Affair), au coeur de deux épisodes très pénibles.
Murray est essentiellement une machine à one-liners sarcastiques en direction de Ted, le plus souvent très drôles, mais on ne le connait vraiment que comme le collègue compatissant de Mary, inoffensif et sans problème.
En tentant de le développer plus avant, Treva Silverman (la scénariste phare de la série) et Ed Weinberger & Stan Daniels (mon duo de scénaristes favori de la saison) manquent l’occasion de lui donner une personnalité plus complexe. Ils explorent certaines de ses sombres aspirations, son envie d’avoir une aventure (5.06 - I love a piano), son désir d’avoir un fils alors que sa femme ne veut plus avoir d’enfants (5.12 - A Son For Murray), mais d’une façon tellement stéréotypée qu’au lieu de créer des situations tragiques ou touchantes rend le personnage simplement un peu plus mesquin qu’attendu.

Sue Ann n’échappe pas non plus à une écriture un peu grossière dans le seul épisode où sa vie personnelle prend le devant de la scène quand elle se retrouve à seule avec Mary à Chicago à l’occasion d’un colloque (5.10 - What Are Friends For).
L’épisode se termine par exemple avec une scène artificielle et d’un didactisme assez rare dans le Mary Tyler Moore Show qui explique bien clairement que sa méchanceté envers les femmes et ses flirts agressifs avec les hommes de son entourage professionnel sont des réactions de défense face à sa peur du rejet et sa solitude.
C’est un épisode vraiment étrange surtout que trois semaines auparavant (5.07 - A New Sue Ann Nivens), le même scénariste, David Lloyd, suggérait les mêmes insécurités pour le personnage dans une version d’All About Eve à WJM, avec beaucoup plus d’humour et de subtilité.

A ce sujet, je ne cache pas que je suis un peu inquiet de la place grandissante que prend David Lloyd dans le pool des scénaristes. Arrivé en saison 4 dont il avait écrit trois épisodes, il en signe 7 pour cette saison et en signera 10 en saison 6 (dont l’épisode le plus célébré de la série : 6.07 - Chuckles Bites The Dust) et 11 en saison 7.
Au vu de ses épisodes cette saison, il me fait penser à David Kelley ou Aaron Sorkin : incroyablement prolifique, capable de l’écriture la plus fine, il peut se planter dans des largeurs assez impressionnantes.

Un seul être vous manque

La vie sentimentale et personnelle de Mary est quasiment reléguée aux trois seuls épisodes où apparait Phyllis [2] et au season finale (quand Mary fréquente un homme avec un fils de douze ans).
Dans ces quatre épisodes, on retrouve les questions de la place des femmes dans une relation et de leur évolution. Mary évoque par exemple pour la première fois un sentiment grandissant de solitude dans sa vie de célibataire dynamique (5.18 - Phyllis Whips Inflation).
Mais malgré toute la réussite de ces épisodes drôles et touchants, ils sont loin d’être du niveau de ceux des premières saisons.
Ils me sont apparus comme des anachronismes, comme des passages obligés pour les producteurs qui ne savent pas s’ils doivent fermer définitivement la porte sur cette facette de leur série ou l’intégrer dans une nouvelle configuration.

Sur les sept premiers épisodes, seul le deuxième s’intéresse à la vie de Mary. Et pas une fois la série n’évoque l’absence de Rhoda, pas même son nom. J’ai eu l’impression que les scénaristes ne savaient vraiment pas quoi faire des aspects personnels de la vie de Mary, parce qu’ils avaient toujours été fortement liés au personnage de Rhoda et qu’au lieu de faire face au problème, ils l’ont tout bonnement ignoré.
C’était assez perturbant, d’autant que la "continuité narrative" a vraiment pris de l’importance dans la série depuis la saison dernière et les références aux événements passés se sont multipliés.

Il faut attendre l’épisode qui suit le mariage de Rhoda dans son spin-off (5.08 - Menage A Phyllis), qui est, chose importante, le dernier épisode de Treva Silverman, la voix originelle de Rhoda, pour que les choses changent.
Mary a des interrogations sur sa relation du moment et se fait réprimander par Lou pour un coup de téléphone personnel.

Mary : "Sometimes things happen in my life and I need to talk to Rhoda, I need her advice".
(Parfois, il se passe des choses dans ma vie et j’ai besoin d’en parler à Rhoda. J’ai besoin de ses conseils.)

Pour la première fois, la série verbalise ce changement fondamental : Mary n’a plus sa complice. Silverman enchaîne avec une scène très belle où Lou, Ted et Murray lui offrent leur écoute et leurs conseils, avant qu’ils ne se rendent compte qu’ils ne peuvent remplacer Rhoda.
Dès lors, il y aura en deuxième partie de saison quelques autres allusions à Rhoda, un épisode où Lou envisagera d’habiter dans son appartement (5.13 - Neighbors), un moment touchant où Georgette essaiera de jouer son rôle sans succès (5.16 - Mary Richards Producer).
Ces petites touches sont une jolie façon de reconnaître l’importance du personnage et de son départ, mais je reste frustré par le fait que les scénaristes n’aient pas examiné un peu plus en profondeur ce que peut signifier la perte d’une amitié forte dans une vie de célibataire. Ou qu’ils n’aient pas développé un peu plus la relation entre Mary et la nouvelle amie de Lou, une pianiste de bar qui a connu de très nombreuses aventures.

Ainsi, malgré quelques excellents épisodes, cette saison décevante fait du Mary Tyler Moore Show à ce moment de son existence une série qui semble ne plus trop savoir ce qu’elle est (ce n’est plus une série sur Mary Richards, ce n’est pas encore une série chorale en milieu professionnel), ce qu’elle veut raconter et de quelle façon et qui au lieu d’assumer une direction ou bien de tenter de nouvelles pistes, s’est trop souvent retournée vers l’humour facile.

Des femmes et des hommes écrits par très peu de femmes

Avec une grande majorité des scénaristes femmes parties sur Rhoda, le Mary Tyler Moore Show s’est retrouvé cette saison avec seulement quatre épisodes écrits par des femmes.

— 5.06 - I love a piano (Treva Silverman)
Murray envisage d’avoir une affaire.

Un épisode plat et franchement pénible (ce qui est très rare pour la série) et plat sur les états d’un personnage qui n’a pas vraiment envie de connaître plus avant.

— 5.08 - Menage A Phyllis (Treva Silverman)
Mary fréquente un ami de Phyllis.

Dernier épisode de Treva Silverman qui rattrape largement le précédent et qui se moque allègrement des discours stéréotypés sur les différences entre les hommes et les femmes. .
Il aurait pu très bien faire la transition entre The Mary Tyler Moore Show et The WJM Newsroom.

— 5.14 - A Girl Like Mary (Ann Gibbs & Joel Kimmel)
Mary auditionne pour un poste de présentatrice.

Episode très drôle au travail porté par le duo Lou/Mary.

— 5.20 - Marriage Minnolis Style (Pamela Russel)
Ted regrette d’avoir demandé Georgette en mariage.

Un Ted centric assez raté.

Mes épisodes favoris

— 5.01 - Will Mary Richards go to jail ? (Ed Weinberger et Stan Daniels)

— 5.02 - Not Just Another Pretty Face (Ed Weinberger et Stan Daniels)
Tout le monde a un avis sur le fait que Mary ne semble fréquenter son date du moment que pour son physique.

Intervention bienvenue de Beth, la fille de Phyllis, sur le double standard qui fait qu’il est admis qu’un homme puisse sortir avec une femme jusque par attraction physique et pas le contraire.
Très chouette fin où Mary ne fait pas la "bonne" chose et ne rompt pas avec Paul parce qu’ils n’ont pas grand chose en commun.

— 5.04 - Lou and That Woman (David Lloyd)
Lou sort avec une pianste de bar.

Très chouette épisode autour de la notion de "that kind of woman" ("ces femmes expérimentées").
Formidable scène où Mary est tellement offusquée par les idées de Lou qu’elle entre et sort de son bureau quatre ou cinq fois.

— 5.08 - Menage A Phyllis (Treva Silverman)

— 5.09 - Not A Christmas Story (Ed Weinberger et Stan Daniels)
L’ambiance se dégrade dans la newsroom pour une raison futile.

Le meilleur épisode de la série dans la newsroom. Et sûrement le plus drôle. Sans aucun autre acteur que les six de la distribution principale.
Et peut-être l’un des meilleurs épisodes de (pas) Noël.

— 5.19 - The Shame Of The Cities (Michael Elias)
Lou reprend sa casquette de journaliste d’investigation.

Comme souvent, les épisodes Lou/Mary sont les meilleurs. Et les plus drôles.
Mary Tyler Moore joue excellement Mary saoûle.

— 5.21 - You Try To Be A Nice Guy (Michael Leeson)
Mary retrouve sa co-détenue du season premiere.

Un épisode hilarant, avec une Mary tellement sure d’elle qu’elle n’hésite pas à se moquer ouvertement de Lou.
Meilleure réplique de la saison.

Mary : "For a good time, call Mary. 30 millions frenchmen can’t be wrong".

Jéjé
P.S. C’est pourtant avec cette saison que le Mary Tyler Moore Show décroche pour la première fois l’Emmy de la meilleure comédie.
Notes

[1C’est le premier spin-off de la série, lancé en 1974 au moment de la saison 5 du Mary Tyler Moore Show, construit autour du personnage de Rhoda Morgenstern, et dont le bilan devrait arriver dans les jours prochains.

[2Pour la dernière fois dans la série avant le serie finale.