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21 Drum Street - Comment les séries télé peuvent parfois permettre d’éduquer leur public

N°42: Une éducation par les séries

Par Conundrum, le 6 juillet 2014
Publié le
6 juillet 2014
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Cet article contient des révélations sur la cinquième saison de Parenthood.

Lors d’une table ronde organisée par l’association A-Suivre en 2008, Barbara Villez, auteur de "Séries Télé : Visions de la Justice", expliquait les séries judiciaires se sont complexifiées avec les années ce qui a permis de graduellement familiariser le public américain avec leur système juridique.

Un Perry Mason toujours gagnant était l’introduction aux subtilités des meilleurs épisodes de Law and Order ou de The Good Wife. D’une certaine manière, on peut constater un évolution similaire du traitement du syndrome d’Asperger à la télévision.

Ces dernières années, ce trouble du spectre autistique est de plus en plus médiatisé dans les séries télévisées. De manière directe, avec un personnage comme Jerry Espenson dans Boston Legal, ou fortement suggérée comme Abed Nadir et Sheldon Cooper dans Community et The Big Bang Theory, les personnages atteints d’Asperger ou d’un trouble marqué deviennent des personnages forts indissociables de leurs séries. Le choix d’en faire des personnages réguliers de séries et non pas des guest-stars ou des personnages récurrents garantissent un suivi sur le long terme.

Ce long terme permet une exploration en douceur et plus poussé du trouble dont ils sont atteints. Mais Asperger n’est pas le sujet principal de ces séries. Le message sous-jacent de ces séries avec un protagoniste autiste est de montrer que la différence de l’autre peut être acceptée au quotidien et que l’isolation sociale n’est pas une fatalité pour ceux atteints du trouble. C’est un beau message qui peut aider et ces comédies (je mets Boston Legal dans le lot) permet au public de se familiariser avec Asperger, ou ces troubles similaires.

Parenthood passe à l’étape suivante. La première saison commence par deux parents qui découvrent que leur fils, un peu difficile, a peut-être un problème plus important. La série suivra alors Adam et Kristina dans l’éducation de Max, leur fils autiste. Jason Katims, dont le fils est aussi atteint du syndrome, et son équipe de scénaristes prendront le soin de montrer au mieux la réalité du quotidien. Éduquer Max n’est pas des plus aisés. Mais la série est bien plus percutante quand elle change son point de vue et passe de celui des parents à celui de Max. La découverte par l’enfant qu’il est atteint du syndrome était un épisode particulièrement touchant, mais avec l’âge, Max réalise les difficultés sociales auxquelles il va être (et est) confronté. C’était d’ailleurs un des moments du mois de pErDUSA, cette saison.

Parenthood, déjà honnête dans son traitement du trouble autistique, est allé encore plus loin. L’année dernière, Ray Romano a rejoint la distribution de la série dans le rôle d’un photographe qui engage Sarah. Hank est montré comme un homme un peu renfermé et étrange, et tout son arc initial se limitera à faire partie d’un triangle amoureux entre lui, son employée et son fiancée plus jeune qu’elle. Hank sera amené à rapidement rencontrer Max lors de cette quatrième saison, et si le courant passera entre eux, c’est lors de la saison suivante qu’une réelle amitié sera créée entre les deux personnages.

Son retour, la saison suivante, n’impliquait pas Sarah dans les premiers temps. Hank était devenu le mentor de Max, à qui il a fait découvrir la photographie. Adam décide de prêter un livre à Hank sur le syndrome d’Asperger pour mieux comprendre le comportement de Max. Et c’est en le lisant que Hank découvre qu’il est lui aussi atteint du syndrome. Si Max était trop jeune pour comprendre de lui même qu’il était autiste, toute l’intrigue de Hank met en avant une vérité que beaucoup de personnes atteintes du syndrome ont connu : le diagnostic à l’âge adulte.

Asperger n’impacte pas le développement intellectuel, mais rend les interactions sociales et la compréhension du monde qui nous entoure plus difficile. Les difficultés que ces hommes et femmes rencontrent peuvent être rationalisées sans qu’ils ne se rendent compte qu’il sont (plus) différents des autres. Voir Hank découvrir tardivement sa condition, le voir remettre toute sa vie en question et essayer de changer pour le mieux a donné les meilleurs moments de cette saison.

Avec ces maladies, la guérison n’est pas possible. Il n’y a pas de médicament qui résout tous les problèmes ou un nombre défini d’heures de thérapie qui va tout résoudre. En revanche, Parenthood a montré de manière très fine à quel point un diagnostic peut aider. C’est un constat difficile à accepter, mais qui permet de donner plus de sens à sa vie, et avec l’aide d’un bon thérapeute, d’aller de l’avant en prenant en compte ce facteur. En refusant d’étiqueter leur personnages, Community et The Big Bang Theory ne veulent pas se limiter avec Abed et Sheldon. Asperger ou pas, ils parlent à tous ceux qui sont différents ou ceux qui les entourent. Mais ils se privent aussi de la force et de l’impact d’un diagnostic.

Le fait qu’Asperger soit le thème central de l’intrigue de Hank n’en a été que d’autant plus fort. Être bipolaire ou autiste est souvent un acquis de base dès le début d’une série. C’est l’affliction d’un personnage, c’est un trait de caractère, mais la gestion de la maladie est rarement l’arc principal. Il est remarquable que Parenthood ait pris le temps de le faire sur toute une saison, le fait que le rôle soit joué par Ray Romano aide sûrement pour beaucoup. En tout cas, c’était une perspective nouvelle qui montre que, malgré la multiplication des personnages de série atteints de troubles similaires, il y a encore toute une éducation à faire sur les troubles mentaux.

Conundrum