Si Peter Firth reste le gardien du temple, son nouvel homme de main s’apelle Adam Carter. Enfin débarassé de l’imposant souvenir de Tom Quinn, et de ceux qui l’accompagnaient, il est enfin libre d’être la tête d’affiche du MI-5. « Spooks », opus 4 [1] va tenter de bénéficier de l’année de transition précédente pour enfin développer de nouvelles intrigues.
D’autres changements sont à noter, surtout visuellement. « Spooks » est un grand succès, et qui dit succès, dit encore plus de budget. La tentation est grande de faire de « Spooks » plus qu’une cousine des séries d’espionnages US, mais une vraie concurrente, qui joue dans la même cour. Au risque d’y perdre son âme.
Peu de changements dans l’équipe créative. Ben Richards signe seul les trois premiers épisodes, alors qu’Howard Brenton en signe aussi trois, mais distillés dans la saison. C’est la dernière saison pour le dernier nommé, qui fut un de ses piliers. David Wolstencroft, créateur de la série, ne signe aucun épisode, et si l’équipe des réalisateur change encore à 50%, c’est aussi pour faire de la place à la réalisatrice de cinéma Antonia Bird (« Priest », « Face » et le fabuleux mais trop méconnu « Ravenous (Vorace) »)
On ne peut pas dire à proprement parler que la saison forme un tout, regroupé sous un thème, même si différents axes sont abordés (le deuil, la perte des repères et des idéaux, la vengeance).
La saison s’ouvre sur un double épisode « 4x01-02 The Special », qui est donc dirigé par Antonia Bird. Les premiers changements se font sentir. Le rythme semble plus soutenu, plus "à la mode" cinématographiquement, empruntant aux blockbusters quelques tics d’images tantôt bien sentis, tantôt agaçants. Mais toujours avec assez de finesse pour que ça ne soit pas bien gênant. Le postulat de ce double épisode d’ouverture est assez simple : alors que le MI-5 assiste aux osbèques de Danny Hunter, un groupe terroriste fait exploser des bombes dans Londres. L’histoire est très classique. En effet, on se rapproche beaucoup d’un « Die Hard 3 », voir de « 24 ». Adam Carter va en effet se coltiner pendant la moitié du premier et la totalité du second un side-kick féminin issu du monde réel, tout en étalant ses talents d’agents secrets (ainsi que ses pectoraux, pour les amatrices(teurs)). Au delà d’une trame plutôt bien menée, l’épisode vaut surtout pour la performance de Nicola Walker, qui dans un premier temps s’en prend à Harry Pearce pour avoir failli à sa promesse de laisser le temps au MI-5 de faire le deuil de Danny. Et dans un second temps pour son face à face avec le professeur Curtis, lien supposé avce l’organisation derrière les attentats. L’action domine quand même le propos dans cet épisode et ce qu’on pense être une opération coup de poing pour lancer la saison.
« 4x03 Divided They Fall » se concentre sur la montée de l’extrème droite en Grande Bretagne. Un ministre ayant le vent en poupe annonce vouloir être le leader d’un parti nationaliste autrefois dirigé par un homme dont les méthodes ne sont guères compatibles avec celle d’un politicien, Keith Moran. Le MI-5 s’inquiète de voir ce parti gagner en popularité grâce à leur nouvel étandard. Adam s’inflitre donc dans le groupe pour le dissoudre de l’intérieur en mettant à profit le dicton "diviser pour mieux régner". Un épisode de la vieille école. Une infiltration à l’ancienne, un ennemi charismatique qui n’est pas un terroriste, un thème d’actualité. Keith Moran (David Thrlefal), l’ancien leader, et William Sampson (Rupert Graves), le ministre qui se rallie à lui, vivent un duel à distance qui est éclairé de façon savoureuse. Moran a des idées abjectes, mais Sampson est au final moins respectable que lui, vu qu’il se rallie à son parti plus par carrièrisme que par réelle conviction.
« 4x04 Road Trip » aurait pu offrir au personnage de Zafar Younis un bon éclairage, le renforcer, lui donner du corps. Un terroriste connu essaie d’entrer en Grande Bretagne par des moyens illégaux. Il faut donc infiltrer le camion qui l’achemine de l’Orient vers l’Occident. Qui de mieux que Zafar ? Et bien Adam Carter. Oui, le grand blond au type scandinave, qui va donc se faire passer pour un oriental (venant d’une région où oui, il y a des blonds à la peau blanche). Passé cette déception, l’épisode offre un beau duel entre les deux hommes, qui nous permet d’en apprendre encore plus sur Adam. Pour Zafar, on repassera.
Le bon « 4x05 The Book » introduit un nouveau personnage régulier, Jo Portman (Miranda Raison), jeune journaliste en herbe. Un politicien se fait tuer pour s’apprêter à sortir un livre qui risque de faire tomber des têtes. Un journaliste, ami de Ruth, découvre le corps et se réfugie chez elle, lui demandant de l’aide. Alors qu’on pense qu’elle est liée à l’histoire, Jo est surveillée par le MI-5, qui finit par comprendre qu’elle n’a rien à voir dans tout ça. Elle se retrouve cependant embringuée dans l’enquête, faisant preuve d’intelligence et de débrouillardise, au point de surprendre Adam. Et ça tombe bien, le MI-5 embaûche, en ce moment. Le personnage est plutôt agréable, et semble être un caractère encore peu exploité dans la série, quelqu’un d’extirpé du monde réél pour être intégré dans celui de l’espionnage.
« 4x06 The Innocent », nous conte l’histoire de Nazim Malik, un algérien ayant été emprisonné pendant des années sur suspicion de terrorisme, mais sans jamais qu’aucune preuve ne vienne corroborer les doutes. Nazim est aujourd’hui mis en liberté, la rumeur courant qu’il tire les ficelles de la prison pour préparer une attaque. Nazim nous est présenté comme une victime du système. Il a été emprisonné à tort et son passage en prison l’a tourné vers le terrorisme. Une très bonne relecture des évènements actuels, pointant, sans juger, un doigt sur le principe de donner toute liberté d’action à la justice face à une personne suspectée de terrorisme.
Fiona Carter a juste eu le temps de fréquenter le MI-5 une saison complète. « 4x07 Syria », sera son chant du cygne. Durant toute la saison, l’évènement a été préparé. Fiona reproche souvent à Adam leur situation professionnelle, très risquée. Elle avance même qu’avoir un enfant, pour eux, est un acte d’un extrème égoïsme. Le final ne pouvait être différent. Dans cet épisode tournant autour de la vengeance, Fiona va trouver la mort, dans les bras de son époux, qui se retrouve seul face à sa vie de père et d’agent secret. Un épisode plutôt bien maîtrisé, mais qui à tendance à tomber dans le pathos. La disparition de Fiona se veut plus émouvante que les précèdentes, mais manque un peu de force (peut-être parce que le personnage n’avait pas eu le temps de s’installer) et d’émotion.
C’est le temps d’arriver au « 4x08 The Russian », épisode atypique, centré sur un ancien activiste communiste, agent double pendant la guerre froide, Hugo Ross. Ce dinosaure issu d’une époque qui n’existe plus est surveillé par le MI-5, à la demande d’Harry, qui connaît très bien le bonhomme. Assez pour le craindre. Adam est sur cette affaire, qu’il considère secondaire, alors qu’une mission bien plus importante, l’opération songbird, monopolise le reste de l’équipe. Songbird raconte comment un milliardaire russe douteux, Oleg Korsakov, avec l’accord du ministère, veut racheter tout le système de santé de Grande Bretagne. Harry souhaite qu’Adam prenne du recul ainsi que de passer du temps au service psychiatrie du MI-5. L’épisode est un petit bijou. Les trois intrigues (songbird, Ross et les psys) s’entrecoupent très intelligemment et offrent de belles scènes. Adam est enfermé dans une large maison entouré d’agents secrets brisés, pour certains présents depuis des années, et il prend peur à l’idée de devenir comme eux. Songbird et Ross nous offrent deux visions de la Russie. Ross en représentant de l’ancien régime, communiste idéaliste et anti-capitaliste, Oleg Korsakov en vision de ces nouveaux riches russes dont la fortune s’est montée grâce à la vente d’arme et autres activités de types mafieuses. Ross va au final aider son ennemi juré, le MI-5, pour faire tomber Korsakov, qu’il juge comme étant une injure à tout ce pourquoi il s’est battu. Ross se rend alors compte qu’il se battait pour un idéal aujourd’hui défunt, et pas pour un pays qui ne lui ressemble plus. Riche, passionnant, et drôle, l’épisode le plus réussi de la saison.
Le suivant, « 4x09 The Sting », laisse un souvenir beaucoup moins impérissable. Il s’agit d’une histoire assez confuse de fichiers, de CIA, de MI-6, d’extradition, de faux semblants... Une histoire très bateau dans le domaine de l’espionnage et qui n’a pas grand intérêt.
« 4x10 Diana ». Le dernier épisode à ce jour digné de la plume de Howard Brenton, et le dernier d’une époque visuelle et formelle de « Spooks ». La saison 5 sera tellement différente des précèdentes que ce « Diana » apparaît comme le dernier vestige d’une époque révolue. Bien sûr, la série ne va pas devenir du jour au lendemain un actioner débilitant, mais le fait est de constater que les histoires du type « Diana », « The Russian » ou « The Book » ne seront plus forcemment mises en avant. « Diana » raconte l’histoire d’un ancien agent du MI-5, Angela Wells, qui veut connaître la vérité sur la mort de la princesse Diana. En effet, le mari d’Angela (et accessoirement demi-frère de Ruth) faisait partie de la garde rapprochée de la famille Royale, et à la suite de la mort de Diana, il fut renvoyé, provoquant son suicide. Angela revient d’abord pour connaître la vérité, inivitée gracieusement par Harry, qui ne voit pas ce qui se trame sous ses yeux. Angela a truffé son sac à main d’explosifs et menace de tout faire sauter si la vérité n’éclate pas. S’imaginant plus intelligents qu’elle, les membres du MI-5 se disent qu’à défaut de trouver la vérité, il fallait lui en construire une qui lui plairait, lui faire croire à une sortie dans les journaux, et terminé, l’affaire est faite. Angela, au terme de plusieurs péripéties, craque nerveusement. D’après le code des agents, et comme pour Tom Quinn, tout agent qui perd pied doit être protégé, eu égards à ses états de services. Angela part donc libre... et avec des documents top secrets concernant la famille Royale. Le MI-5 fait alors évacuer la famille dans un bunker... qui a été truffé d’explosifs par Angela. Qu’il est jouissif de voir ce MI-5, arrogant et supérieur se faire mener en bateau par une de ses ex-membre. L’épisode est haletant, un excellent huis clos sans effets qui se termine sur un suspense assez prenant même si un peu convenu.
Le changement abordé au début de la saison s’affine, se précise. Si la saison 4 offre encore ces épisodes qui ont fait le charme de la série à ses débuts, d’autres prennent le pas, traitant très souvent de la menace terroriste. La saison 5 appuiera le propos avec poids. Explosion budgétaire, volonté de la part de Kudos de faire concurrence à la ficition d’espionnage Over-ze-top américaine, la série ne va cependant pas perdre la totalité de ses qualités, ni complètement son âme.
Dans l’univers « Spooks », plusieurs nouvelles en ce mois. Le sympathique « Death at a funeral / Joyeuses Funérailles », regroupe dans le même casting Matthew MacFayden, Keeley Hawes et Rupert Graves (guest dans cette saison 4) ainsi qu’un ancien de « Firefly », Alan Tudyk.
A noter aussi que Kudos vient d’être racheté, par Rupert Murdoch, ainsi que d’annoncer qu’arrivant au terme de son contrat avec l’équipe créative de « Spooks », ne semble pas pressée de poursuivre l’aventure. A suivre, donc...
PS : Si vous voulez un site français traitant exclusivement de la série, allez faire un tour sur http://spooksfrance.free.fr/
Dernière mise à jour
le 10 octobre 2007 à 15h01
[1] Crédits :
Scénario
Ben Richards (4x01 The Special (1) ; 4x02 The Special (2) ; 4x03 Divided They Fall)
Howard Brenton (4x04 Road Trip ; 4x08 The Russian ; 4x10 Diana)
Raymond Khoury (4x05 The Book ; 4x07 Syria)
David Farr (4x06 The Innocent)
Robert Walters (4x09 The Sting)
Réalisation
Antonia Bird (4x01 The Special (1) ; 4x02 The Special (2) )
Alrick Riley (4x03 Divided They Fall ; 4x04 Road Trip)
Jeremy Lovering (4x05 The Book ; 4x06 The Innocent)
Omar Madha (4x07 Syria ; 4x08 The Russian)
Julian Simpson (4x09 The Sting ; 4x10 Diana)