Pas de sous, mais des idées
JANVIER-FEVRIER 2010
Par Sullivan Le Postec • 24 janvier 2010
Bienvenue au Village, le magazine en ligne de la fiction européenne et francophone.

Les chaînes du câble et de la TNT qui investissent le terrain de la création de séries, en théorie, ça doit permettre d’en diversifier le style et de servir de laboratoire. Avec « Hero Corp », en plus, c’est vrai !

Pendant longtemps, pour remplir leurs obligations de productions d’œuvres françaises, qui étaient proportionnelles à leurs audiences finalement confidentielles et leurs budgets limités, les chaînes du câble se contentaient d’investir en co-production dans des fictions des “grandes” chaînes, en échange de rediffusions et sans vrai droit de regard sur le contenu.

Aujourd’hui, ces chaînes sont en train d’atteindre la masse critique suffisante pour se permettre de créer leurs propres séries. Ce qui, en donnant à ces chaînes de vrais spécificités y compris dans le domaine de la fiction, participera en retour au développement de leur audience et renforcera cette politique. Bref : avec un peu de chance, un cercle vertueux est actuellement en train de s’amorcer.

Toutes les théories optimistes sur une fiction de chaînes du câble et de la TNT qui se révèlerait indépendante et plus audacieuse ont l’avantage de se vérifier avec « Hero Corp », produite pour Comédie ! et France 4. Une vraie identité, un point de vue, des capacités d’addiction et beaucoup d’humour : la série de Simon Astier a de beaux arguments à faire valoir. C’est aussi le projet le plus ambitieux à ce jour : 26 minutes plutôt que shortcom, choix du feuilletonnant... « Hero Corp » est le prototype de ce que M6 aurait du faire en matière de fiction il y a dix ans. Mais une gestion centrée sur le profit rapide et sans ambition éditoriale a fait qu’aujourd’hui, la 6 n’est jamais qu’une grosse chaîne de la TNT, en train de se faire rattraper à vitesse grand V par les “petites”.

Le sujet de « Hero Corp » pouvait laisser craindre une certaine “confusion culturelle”, il n’en est en fait rien dans l’exécution. Nous sommes loin de « RIS » ou d’autres séries qui donnent dans le copier/coller de références culturelles américaines sans recul, ni réflexion, ce qui les condamne à l’échec. Avec « Hero Corp », nous sommes plutôt dans la réappropriation intelligente, celle-là même que les américains, qui aspirent à tour de bras des éléments culturels du monde entier, maîtrisent instinctivement et à la perfection. Alors si des super-héros se promènent dans la campagne française, c’est parce que celle-ci est en fait un peu la maison de retraite mondiale des héros aux pouvoirs décrépis !

La première saison, très sympathique, souffrait tout de même de défauts conséquents, et principalement d’un manque de budget visible de façon parfois embarrassante à l’écran. La deuxième, actuellement en cours de diffusion sur Comédie, avant une arrivée prochaine sur France 4, est montée de plusieurs crans. L’image, l’écriture, l’habillage de la série : tout est plus maîtrisé. Simon Astier avance dans la fondation de sa propre mythologie, de plus en plus ample et ambitieuse. De quoi se demander jusqu’où il peut aller. Comme il a indiqué avoir encore 4 saisons en tête, on devrait avoir de quoi profiter.

Et, qui sait ? D’ici là quelqu’un chez Comédie aura peut-être une révélation et réalisera qu’en enchaînant non même plus trois, mais carrément quatre épisodes à la suite, ils se tirent une balle dans le pied...


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