SPOOKS [MI-5] - Saisons 6 et 7
"Lovers leave, friends annoy us and families mess with your head." Ros Myers
Par Dominique Montay • 20 juin 2009
La meilleure des séries peut avoir un coup de moins bien. Un coup de pompe. Parfois on ne se l’explique pas trop. Pour les séries "à la mode", on en déduit vite qu’elle ne le sont plus. Pour les séries à cast élargi, ça peut venir de modifications trop fréquentes. Dans le cas de « Spooks », en dehors d’intrigues de plus en plus complexes, on peut aussi pointer du doigt un personnage : Adam Carter.

OVER-THE-TOP

Adam Carter avait fini par ressembler un quasi-clone de Jack Bauer. Beau, torturé, brisé, courageux, volontaire, parfois téméraire. Le héros avec un grand H. Et du coup, cette série qui avait monté ses bases sur une pointe de réalisme et une psychologie fouillée, se trouvait menée par un personnage qui n’avait pas grand chose à y faire, comme transposé d’ailleurs, sans élégance. Ruppert Penry-Jones n’a pas spécialement grand chose à se reprocher. Mieux vaudrait pointer du doigt les responsables, les créateurs, lorsqu’ils décidèrent après un personnage aussi complexe et riche que Tom Quinn de passer à quelqu’un d’aussi "Chevalier Blanc" que Carter.

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Quatrième, cinquième et sixième saison. Toutes tournaient autour de Carter, en faisant la figure de proue trop présente de la série. A donner 60% des intrigues à Adam, 30 à Harry (encore heureux), et les 10 qui restent aux autres membres (réduits à 0 avec l’insertion en saison 5 du très bon personnage de Roz), « Spooks » devint "The Adam Carter Show featuring Harry Pearce". Donc perte de richesse, perte d’intérêt peut-être aussi parfois. La saison 6 arrivant, sans diagnostiquer le coeur du problème, les auteurs de la série décident de faire une seule arche narrative sur la saison, finissant le travail de clonage de 24. Des terroristes, un héros overzetop et du feuilletonnage pur et dur.

n°6

Ainsi s’avance la saison 6, qui possède quand même des qualités et empile de bonnes idées. Par exemple le premier épisode qui annonce par un écran noir et un chiffre blanc le nombre de contaminés par une attaque biochimique terroriste. Le personnage d’Ana Bashki, femme du consul d’Iran, travaillant comme taupe pour les services secrets britanniques et surtout devenue l’amante d’Adam, en est une autre. Le reste de la saison, entre rebondissements trop nombreux et les scènes explicatives qui embrouillent l’esprit, passe assez difficilement, comme si tout avait été fait pour la rendre peu compréhensible.

Et au milieu de ça, Adam Carter agace souvent, ennuie parfois. On en vient à souhaiter son départ, et que le show soit maintenu sur les épaules bien solides d’Harry, ou celles encore fraîches mais résistantes de Ros. Ces souhaits ne seront pas exaucés en saison 6, cette dernière se terminant sur un climax assez dérangeant, et ,malgré une saison inégale, très réussi. Le spoiler arrive dans le paragraphe suivant. Cachez vous les yeux (ou fermez votre explorateur, vous aurez l’air moins bêtes).

Bye bye, Carter

La saison 7 démarre sur une attaque terroriste. Une de plus diront certains. Mais elle est plus perverse qu’à l’accoutumée. Les revendications : si l’Angleterre décide de fêter comme elle le fait chaque année le dimanche du souvenir (Remembrance Sunday), un soldat anglais sera assassiné sur internet. L’épisode voit aussi l’insertion d’un nouveau personnage en la personne de Lucas North, retenu prisonnier depuis 8 ans par le FSB (ex-KGB). Un personnage de plus qui sera phagocyté par l’ami Carter ? Pas si comme les auteurs, on suit le théorème des volcans d’Auvergne (un volcan s’éteint... vous connaissez la suite). Car Adam Carter va mourir d’une façon aussi tragique que, soyons mauvais esprit, ridicule. C’est à cause de son attitude super-héros que Carter péri, dans un élan de témérité qui semble être analysé par les autres personnages comme inutile. Et contrairement au départ de Tom Quinn, qui avait vu son personnage être remplacé tel quel par Carter, la saison 7 offre une redistribution des cartes. Harry garde son poste, mais au lieu de promouvoir Lucas (déjà que sa réinsertion express au MI-5 est un peu limite, le bazarder chef aurait confiné au ridicule), c’est Ros qui prend les rênes. Et si on pouvait en douter avec Carter, les auteurs adorent écrirent pour Ros Myers, et lui serve souvent les meilleures lignes de dialogue. Une fois ce départ consommé, le rééquilibrage s’en ressent tout de suite. Même Jo, abonnée aux intrigues 30 secondes montre en main se retrouve à gérer un trauma, un peu maladroit, certes, mais qui a le mérite d’exister et de mettre en avant ses talents d’actrice.

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Même si elle n’est pas vendue comme telle, la saison 7 n’a pas un schéma si éloigné de la sixième. Si la trame globale n’influe pas trop sur le côté bouclé de chaque épisode, elle reste très présente et monopolise presque complètement Harry. Cette trame, c’est « Sugar Horse », l’opération secrète la plus secrète des services secrets. « Sugar Horse », on a bassiné Lucas North pendant 8 ans d’emprisonnement avec. Et ça inquiète Harry, car vraisemblablement, quelqu’un a parlé. Lucas ? Un politicien ? Un antiquaire ? Le prince Charles ? S’ensuit un jeu de dupes dans lequel Harry se perd et laisse le peu d’innocence qu’il lui restait s’évanouir. Trahi, re-trahi, poignardé dans le dos, il sera intéressant de voir son évolution par la suite, tant sa confiance a été mise à mal en cette saison 7.

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Ros rocks

Tout simplement. Fragile, déterminée, brisée, forte. Elle a tout à faire cette saison. Sans pour autant s’éloigner de sa nature. Arriviste, décidée, elle ne laisse rien passer et s’impose comme un pendant parfait d’Harry (les rencontres avec le ministre sont absolument jouissives), celui qui lui manquait depuis le départ de Tom Quinn. Elle a même son grand moment dans la série. Un de ceux qui démontent ou bâtissent un personnage. Dans l’épisode 5, qui met en scène un requin de la finance bien décidé à détruire le système capitaliste, Ros est confrontée à une situation impossible. En choisissant sa patrie, elle met à l’épreuve son personnage comme jamais, la faisant vivre une expérience qui détruirait n’importe qui. Mais Ros fait face, malgré l’horreur.

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Si les intrigues des épisodes alternent le bon et le moins bon, force est de constater que le renouveau est là, et que le personnage de Lucas North offre un intérêt majeur. Par petites touches, on nous apprend progressivement qui il est, prenant le temps de nous le présenter sans sacrifier son exposition à la trame générale.

Même si les gadgets sont un peu trop présents, (donc mon baladeur vidéo archos peut ouvrir des portes ? ah bon.) la plupart des tics narratifs des anciennes saisons semblent s’atténuer, privilégiant les face à face de comédiens aux longues scènes explicatives.

Cliffhanger

La série est passée maître dans l’art de réaliser des fins de saison haletantes et peu répétitives. Si on fait l’impasse sur la saison 5, la seule qui ne se termine pas par une scène à suspense, chaque saison comporte un final inédit. Menace d’explosion en 1, fuite en avant de Tom Quinn en 2, mort d’un personnage principal en 3, un autre entre la vie et la mort en 4, Adam a-t-il tué Jo en 6 et... et non, je ne le dirais pas, mais le final de la 7 est assez scotchant, et laisse dans un état d’attente très dur à gérer. Il ouvre surtout sur une saison 8 pleine de promesses.

La saison 7 débarque sur les écrans de Canal+ dimanche 21 juin à 21 heure. Et ne passez pas à côté. Franchement, à part « High Fidelity » sur France 4, je ne vois rien d’autre à voir...

Post Scriptum

« Spooks [MI-5], saisons 6 et 7 »
Saison 6 : 10x52 minutes.
Saison 7 : 8x52 minutes.
Produit par Kudos (Royaume-Uni)
Créé par David Wolstencroft
Avec Peter Firth (Harry Pearce), Hermione Norris (Ros Myers), Richard Armitage (Lucas North), Rupert Penry-Jones (Adam Carter) et Miranda Raison (Jo Portman)

Crédit Photos : Service Photo Canal+