21 août 2013
Episode Chronique
Toujours en congés, après Dylanesque, Nicolas Robert vient porter main forte à Drum. Le journaliste que l’on peut lire sur son blog et sur le Daily Mars, prend les rennes de 21 Drum Street.
En plus de parler de séries de manière pertinente, saviez-vous qu’à ses heures perdues, il défend la veuve et l’orphelin dans les rues de Gotham City, a trouvé une solution au problème israélo-palestinien, et ses poèmes font pleurer les cœurs les plus durs ?
Et mesdames, c’est un coeur à prendre.
Family Ties
Tender is the Knight
Saison 2, Episode 1
Parce qu’à quelques semaines du lancement de The Michael J. Fox Show sur NBC, c’est bien de se rappeler pourquoi le bonhomme est un étonnant acteur de comédie.
Trouver un bon titre de série, ce n’est pas facile. Et apparemment, trouver un bon titre de comédie, c’est pire.
Demandez à Mindy Kaling, qui a songé à appeler The Mindy Project, "It’s Messy". Ou la créatrice de la très oubliable How to live with your parents (for the rest of your life) avec Sarah Chalke : avoir une mauvaise idée, c’est nettement plus simple.
Le plus souvent, producteurs et diffuseurs font le choix de la simplicité (Will & Grace, Whitney, Mike & Molly). Après tout, pourquoi pas : à défaut de bluffer tout le monde, cela a au moins le mérite d’être facile à retenir. [1]
Dans cette logique, et en regardant la liste des nouvelles séries à découvrir à la rentrée, peut-être avez-vous tiqué en découvrant que la nouvelle série de Michael J. Fox s’appelait The Michael J. Fox Show.
Certains se rappelleront que le procédé n’est pas nouveau (Jéjé et ses chroniques consacrées au Mary Tyler Moore Show le démontrent). D’autres remarqueront que ces dernières années, il était surtout associé à de sacrés ratages. Comme The Michael Richards Show ou The Geena Davis Show.
Pour The Michael J. Fox Show, pourtant, c’est différent.
Certes, ce titre a la puissance évocatrice d’un opossum dans une chaise longue. Mais il a le mérite de coller parfaitement à une réalité. Quand Fox donne dans la sitcom, il devient un vrai catalyseur comique. C’est lui qui fait le show. Et surtout, tout le monde en profite. C’était vrai dans les quatre premières saisons de Spin City de 1996 à 2000. Mais c’était surtout évident de 1982 à 1989 dans Family Ties, sur NBC.
Dans ce premier Michael J. Fox Show imaginé par Gary David Goldberg (futur co-créateur de Spin City), l’acteur canadien incarne Alex P. Keaton, le fils aîné d’un couple d’anciens hippies, Elyse (Meredith Baxter-Birney) et Steven (Michael Gross).
Si ces derniers ont rangé leurs pantalons à patte, si ce sont des parents tout à fait responsables, ils n’en ont pas moins conservé un certain nombre de valeurs liées à leur période peace and love.
Valeurs qui entrent en contradiction avec celles de leur progéniture : Mallory, la fille cadette (jouée par Justine Bateman), est par exemple assez matérialiste. Mais le problème est surtout évident avec Alex, l’aîné, dont les idoles ont pour nom Richard Nixon et Ronald Reagan (alors Président des États-Unis).
Construite comme une version symétrique de All in the Family de Norman Lear [2], Family Ties est une comédie hyper classique dans sa forme.
Son succès repose sur quatre atouts :
— Une thématique forte (le choc culturel permanent entre des parents plutôt démocrates et un fils républicain)
— Une vraie capacité à jouer sur des registres d’humour multiples (la série a un vrai sens de la punchline mais ne se repose pas excessivement dessus)
— Un acteur principal dont la présence est évidente
— Des personnages périphériques bien pensés.
Tout cela, on le retrouve complètement dans "Tender is the Knight", qui ouvre la saison 2 de la série. Alex voit débarquer chez lui Carrie Newman (Talia Balsam, drôlement mignonne à l’époque), la fille d’une amie de sa mère. Une jeune femme qui l’attire autant qu’elle le déstabilise : elle a un caractère bien trempé, et n’hésite pas à prendre les devants quand elle veut quelque chose. La situation met Alex – un garçon très à cheval sur les convenances – d’autant plus mal à l’aise qu’il a vraiment beaucoup de mal à lui résister.
Simple, efficace et très dynamique, cet épisode montre à lui tout seul pourquoi NBC a eu raison de foncer sur le nouveau projet de l’ancien acteur de Retour vers le Futur.
En un sens, Michael J. Fox, c’est effectivement l’anti Matthew Perry. Là où l’ancien Friends n’arrive pas à tuer Chandler Bing lorsqu’il joue dans une comédie (Mister Sunshine et Go On l’ont démontré), Fox retourne complètement le problème.
Qu’il joue dans Family Ties ou Spin City, Michael J. Fox joue toujours un peu de la même façon, gratifiant de nombreux épisodes de « séquences à la Fox ». Mais cela se fait toujours au profit des personnages qu’il incarne.

Les « séquences à la Fox » ? Le plus souvent, ce sont des scènes où le comédien débarque dans la pièce, parfois avec les mains dans les poches ou sur les hanches, souvent en observant son vis-à-vis avec un regard qui part du sol pour remonter jusqu’à celui de son/sa partenaire.
Parfois, ses épaules sont un brin avancées. Ce sont des caractéristiques pures du jeu de l’acteur, mais elles se mettent toujours au service de celui qu’il interprète. En respectant les caractéristiques de son rôle.
Résolument libéral, Alex Keaton n’est pas le maire-adjoint Flaherty de Spin City - même tous les deux peuvent se montrer retors voire imbus de leur personne à l’occasion. Il y a fort à parier que Mike Henry, le héros du Michael J. Fox Show, sera lui aussi différent. C’est ce qui fait qu’on ne lasse jamais de le voir à l’écran.
Ce qui fait aussi de Fox l’anti-thèse de Perry, c’est une capacité évidente à mettre en valeur ses partenaires. Quitte à s’effacer légèrement pour leur laisser suffisamment de place pour exister. A tel point que la série peut s’offrir le luxe d’exister et de faire rire sans lui. Ce n’était franchement pas le cas avec Ben Donovan pour Mister Sunshine et cela ne l’aura quasiment pas été pour Ryan King avec Go On.
Dans Family Ties et "Tender is the Knight", Fox sait jouer avec Balsam pour lui permettre de composer un personnage très réussi. On regrette d’ailleurs qu’elle ne revienne pas par la suite. Mais d’autres protagonistes sauront en profiter. Un peu à l’image de Michael Gross, qui joue le père d’Alex, et qui juste formidable dans l’épisode 5 de la saison 1, "I never killed for my father".
Dans Spin City, les exemples d’épisodes où Mike Flaherty sait jouer avec le reste de son équipe sont également nombreux. Que ce soit avec Alan Ruck, Richard Kind ou Connie Britton. Et à chaque fois, dans des registres très différents.
En fait, on ne peut qu’être bluffé en découvrant ou redécouvrant combien l’acteur est tout à la fois capable d’avaler l’espace, de rayonner, et en même temps de faire jouer les autres. C’est un vrai lead actor dans sa capacité à attirer les regards mais aussi à drainer/réguler/doper l’énergie de la distribution.
Clairement, sur le papier, et rien que par sa simple présence, Michael J. Fox a de quoi faire du Michael J. Fox Show la comédie qu’attend NBC depuis plusieurs saisons. L’acteur, très aimé du public américain, n’a en tout cas rien à perdre.
Ceux qui jouent gros en fait, ce sont Will Gluck, le co-créateur de cette nouvelle comédie avec Sam Laybourne, et Alex Reid, producteur exécutif. S’ils savent tirer parti des qualités de son acteur principal en développant de bons personnages secondaires, cela devrait aller tout seul.
Si ce n’est pas le cas, les chiffres de la série vont vite se tasser. Et si, objectivement, il y a tout de même de fortes chances pour que la série dure minimum 22 épisodes, elle pourrait bien être annulée dans une indifférence polie.
Au pire, si ces garçons ne font pas l’affaire, la chaîne pourra toujours débaucher Shana Goldberg Meehan pour produire la série. Ex-scénariste de Friends, celle-ci est effectivement la fille de Gary David Goldberg, décédé cet été. Avec un peu de chance, comme son père, elle connaît la formule pour placer les mots « Fox » et « gros carton » dans la même phrase. On espère en tout cas l’entendre souvent cette saison.
[1] Et tant pis si vous avez une bonne idée. Greg Garcia, par exemple, avait pensé appeler Raising Hope "Keep Hope Alive". La Fox a dit non. Bande de nazes.
[2] Gros succès sur CBS de 1971/1979, cette série met en scène un patriarche très conservateur (joué par Carroll O’Connor) qui doit composer avec un gendre aux idées progressistes.