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21 Drum Street - Parlons d’un peu autre chose et du podcast le plus médiatisé de l’année, Serial

N°46: Serial

Par Conundrum, le 19 décembre 2014
Publié le
19 décembre 2014
Saison Chronique
Episode Chronique
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Depuis quelques mois, il est très difficile de ne pas entendre parler de Serial, un podcast captivant qui fait beaucoup parler de lui.

Sarah Koening est une journaliste américaine qui s’est penchée sur une crime de 1999 pour un segment de l’émission de radio à laquelle elle participe, This American Life. A Baltimore, une jeune lycéenne de 19 ans, Hae, est retrouvée morte. Son ex petit ami, Adnan, un américain musulman d’origine pakistanaise est inculpé du meurtre.
Rapidement, Koening se rend compte que l’intrigue trop riche pour un segment d’une heure. Elle propose alors à Ira Glass, son éditeur, de développer un podcast dédié et sérialisé où chaque épisode relaterait un point du dossier. Le résultat est devenu le podcast le plus téléchargé sur iTunes et, probablement, le plus médiatisé de l’année.

Beaucoup de journalistes américains comparent Serial aux grandes séries prestigieuses et beaucoup d’auditeurs sont extrêmement passionnés par l’affaire. Ce qui pose deux problèmes.
Le premier, le plus évident, est qu’il ne s’agit pas d’éléments fictifs, on parle d’une vraie jeune femme qui a été tuée, et de la possibilité qu’un homme innocent passe sa vie en prison pour un meurtre qu’il n’a pas commis. On peut être fortement ému par la force de Broadchurch, mais au final ce n’est que de la fiction. Il y a un aspect assez perturbant si on écoute Serial pour son aspect Whodunnit. Serial n’est pas Murder One, ce n’est pas Cluedo non plus. Jouer les Veronica Mars sur un vrai meurtre comme certains le font sur Reddit n’est pas particulièrement sain.
Et cela m’amène au deuxième problème : Serial ne peut pas être comparée aux séries qui traitent de crimes, aussi réussies qu’elles soient, car ce n’est pas vraiment un podcast sur un crime. Si comparaison il devrait y avoir (et je ne pense pas que ce soit nécessaire), Serial devrait être comparée à la grande série sur le journalisme que nous n’avons jamais eu.

Au final, Serial n’est pas un podcast sur Hae ou Adnan, mais sur le métier de journaliste. Serial ne cherche pas à trouver le vrai meurtrier de Hae ou à prouver l’innocence ou la culpabilité d’Adnan. Ici, Sarah, la journaliste, voit que la version des faits qui a poussé à l’inculpation de Adnan laisse souvent perplexe. Chaque semaine, elle prend un aspect de l’histoire, mais ne cherche jamais à la contrôler. On peut passer l’intrigue sous l’angle « Adnan est innocent » ou « Adnan est coupable » sans être convaincu à 100%.
Et Sarah présente les faits de manière honnête mais sans hésiter pas à commenter l’histoire. Par exemple, quand la mère d’Adnan pense que le racisme a été la raison principal de l’inculpation, elle fait comprendre à sa mère et au public, qu’elle ne le pense pas mais étaye les éléments qui expliquent le raisonnement de Mme Sayed.

Serial déconstruit aussi ce que les séries judiciaires ont ancrés en nous. Si on croit à l’innocence d’Adnan, on se dit que les flics se sont précipités pour trouver un coupable, Sarah consacre tout un épisode à la revue de l’enquête par un ancien détective et nous montre que ce n’est vraiment le cas. L’un des éléments les plus fascinants de cet épisode reste la confrontation des visions entre un journaliste et un détective de la police. Les deux doivent ressortir une intrigue qui relatent comment les faits se sont déroulés. La manière d’opérer est sensiblement différente. Et c’est ici où réside la force du podcast.

Koening, dans son analyse des faits, met en avant tous les éléments troubles de l’enquête, et au passage elle nous apprend éduque sur le système judiciaire, social, policier et culturel américain. Pas celui de The Practice, de The Wire ou de How To Get Away With Murder, mais de celui qui a peut être condamné un jeune homme à tort du meurtre de son ex petite amie. Celui, qui au moment où j’écris ses lignes, est toujours en prison.
Écouter Serial est une expérience captivante mais qui hante beaucoup aussi. Il y a quelques temps, sur les conseils de Blackie, j’ai regarder la trilogie de documentaires, Innocence Lost sur trois adolescents accusés d’avoir tué de jeunes garçons dans une petite ville au États-Unis. C’était une expérience similaire qui met mal à l’aise.

On repense à la fin de Broadchurch après avoir vu le dernier épisode, mais le malaise passe avec un bon épisode de sitcom. J’ai pensé à Innocence Lost pendant tout le week-end où je l’ai vu. Serial va plus loin, chaque semaine, on découvre un nouvel aspect du dossier mais on replonge aussi chaque semaine dans la terrible réalité et on pense à Hae, aux familles de la victime et de l’accusée, et surtout à Adnan. Encore une fois, qui a tué Hae n’est pas le thème du podcast. Et Serial réussit là Paradise Lost m’a perdu à un moment : elle ne cherche jamais à se substituer au système judiciaire en pointant fortement du doigt le meurtrier potentiel.
Serial cherche juste à savoir si la version des faits qui a amené à l’inculpation d’Adnan tient la route. Son final, mis en ligne le 18, n’apportera surement pas de révélations explosives ou un cliffhanger superficiel. Sarah va juste continuer à nous expliquer chaque élément suspect du dossier jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Lui demander ou en attendre plus serait malhonnête, ce n’est pas son métier.

Dans les séries judiciaires, le journaliste est souvent la peste à la recherche du sensationnel se cachant derrière un maigre « Mais le public à le droit de savoir ! » qui, par ses révélations prématurées, menace l’enquête. Il est rarement montrer sous son meilleur aspect. Il n’y a pas vraiment de liens à faire entre Serial et les séries mis à part le fait qu’il serait bienvenu qu’on nous propose un grande série sur le journalisme. [1]

Conundrum
Notes

[1Non, The Newsroom, ça ne compte pas.