Rares sont les séries qui trouvent la formule idéale dès leurs premières saisons. Si c’est le cas, elles se retrouvent avec la difficulté de devoir maintenir le cap sur la longueur ou d’essayer d’éviter qu’une routine sans saveur s’installe.
Mais pour une bonne série, dès que les forces motrices sont trouvées et acquises, le changement se doit de provenir des personnages périphériques.
C’est un risque calculé qui permet de faire marche arrière assez rapidement en cas de problèmes. Après un certain nombre de saisons, Ross et Rachel épuisent plus qu’ils ne divertissent. Les scénaristes de Friends prennent la bonne décision de donner plus de profondeur à un personnage peu usité dans les grandes trames de la série autrement que par son amitié avec Chandler, Joey. Le type un peu connard des premiers épisodes devenu gentil benêt pour le rendre plus sympathique aux yeux du public est alors, en fin de vie de la série, une de ses plus grandes forces.
Cette saison, un épisode de The Big Bang Theory a atteint le cap des 20 millions de téléspectateurs US. Dans un environnement où on nous martèle qu’un tiers de cette audience est plus que correct, j’ai été intrigué par cette série que j’avais abandonnée il y a bien longtemps. Et un sympathique épisode de la série m’a lancé dans le rattrapage de saisons inédites à mes yeux.
A l’époque, je trouvais que la série souffrait d’une certaine forme de claustrophobie. Dans l’Entertainment Weekly du 28 Septembre 2012 consacré à la série, Simon Helberg explique que, aux débuts de The Big Bang Theory, il était agacé d’entendre le reproche qu’il s’agissait d’une série principalement pour geeks. Mais lors de ces deux premières saisons, il faut avouer que ce reproche avait du sens.
Nous avions quatre personnages similaires renfermés dans leur petit monde et dans les même lieux. Une routine idéale de sitcom mais qui baigne dans une ambiance assez particulière. L’utilisation de même décor peut donner d’excellentes sitcoms, un environnement commun s’élargit avec une gamme de personnalité variée, que ce soit le bureau de Scranton ou un bar à Boston.
Dans The Big Bang Theory, il y avait une ambiance trop pesante. Bien écrite, une série peut toucher le plus grand nombre peu importe le thème. Mais The Big Bang Theory, aussi bien écrite qu’elle a pouvait l’être manquait de variété. Penny ne pouvait pas porter seule le miroir qui reflète les quatre héros à leur propre image. Et si la sur-utilisation des talents de Jim Parsons, comme celle de Neil Patrick Harris dans sa série, peut être une diversion pendant quelques saisons, elle peut aussi vite lasser.
Les rediffusions en masse sur les chaines locales ont aidé la série a atteindre sa meilleure audience en sixième saison, mais ce n’est pas la seule raison. The Big Bang Theory a eu deux modifications pertinentes à sa recette depuis ses débuts qui ont réglé le plus gros de ces problèmes.
La première est l’arrivée de Bernadette et Amy dans le groupe. Elles permettent à Penny d’être autre chose que la copine potentielle de Leonard et la représentante du public face aux actions de Sheldon. Ces femmes ouvrent le champ d’action des scénaristes. Et contrairement aux hommes de la série, leurs personnalités et activités sont très différentes. Leur amitié n’en parait, d’ailleurs, que plus forte. Liées par leurs hommes, elles ont tissé des liens qu’elles n’auraient peut-être pas eus sans eux. Un beau message sous-jacent de la série est que cette amitié vient de l’impact de ces quatre geeks dans leurs vies. Penny, entourée de scientifiques, décide de retourner à la fac, Amy sort de sa pesante solitude et Bernadette, aussi à l’aise dans un bar que dans un laboratoire, permet bien souvent de faire le lien entre ces deux mondes.
Ces femmes permettent au quatuor de mûrir et de les amener à des situations plus communes du grand public que comment organiser l’achat en groupe d’une réplique de l’anneau du Seigneur des Anneaux. Elles les font grandir et dirigent la série vers un plus grand public.
The Bakersfield Expedition, l’épisode qui atteint cette audience record, est un reflet idéal de cette évolution. Alors que le quatuor de geeks part en week-end pour une convention Star Trek, les femmes décident d’essayer de comprendre l’intérêt des comic books. Lors de l’épilogue, alors que les hommes réalisent l’éventuelle futilité de leurs hobbies, ils retrouvent les copines, bien malgré elles, dans un débat enjoué sur le marteau de Thor. Elles n’ont pas changé les geeks, elles n’ont jamais essayé de rabaisser leur hobbies, elles trouvent un moyen de les faire évoluer, sans changer qui ils sont [1].
Mais le second changement, bien plus impressionnant de la série vient de Wolowitz.
Après avoir réalisé la connexion de Sheldon pouvait avoir le public, il a rapidement volé la vedette à ses petits camarades. Howard était la représentation la plus grossière du geek. L’obsédé sexuel très lourd qui vit chez sa mère faisait plus grincer des dents qu’autre chose, et c’était une utilisation criminelle de Simon Helberg.
Mais tout comme Joey Tribbiani, au moment où Sheldon suivait le dangereux chemin de Barney de Ta Mère, la Série, Howard a pris beaucoup plus de profondeur et pas que grace à Berdanette. Le voir en tant qu’homme marié, s’emanciper doucement de sa mère, tenir tête à Sheldon et devenir astronaute était bien trouvé. Les scénaristes ont trouvé un terrain de jeu bien plus intéressant à Wolowitz.
Sa progression est même adressée en saison 5 avec The Stag Convergence, l’enterrement de vie de garçon du personnage. Il montre sa maturité et surtout, avec sa confrontation avec Berdanette qui découvre le passé de son futur mari, rachète Wolowitz aux yeux de ceux qui, comme moi, avait un problème avec lui en début de série. Et même cette saison tant d’un point du vue dramatique, par la relation avec son père dans The Closet Reconfiguration ou dans la plupart des scènes avec son beau père, ou comique, avec les imitations remarquables de son interprète dans The Love Spell Potential, Simon Helberg se révèle être un réelle force de la série.
Lorsqu’on regarde le classement des audiences des séries de network américaines, cela fait un peu de mal de voir nos séries dans le bas du classement, régulièrement en danger, alors que des séries fédératrices mais si peu enthousiasmantes comme NCIS monopolisent les premières places. Mais quelque fois, il est rassurant de se dire qu’une 18,5 millions de téléspectateurs [2] ne peuvent pas avoir tous tort.