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The Good Place - The Good " Good " Show

Pandemonium: The Good Place ou les Sims rencontrent Sartre !

Par Max, le 23 février 2019
Par Max
Publié le
23 février 2019
Saison 3
Episode 13
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Cette année, on a été dans The Good Place et c’était … mieux que tout. Plein de défauts, cet endroit rêvé, cette série aussi, nous torture l’esprit et les zygomatiques pour tenter ce pourquoi la fiction existe : nous rendre meilleurs.

Est-ce qu’elle a réussi ? (spoiler alert avec deux-trois semaines de retard : oui).

The Good Place, c’est les Sims !

Il y a eu bien des univers de créer, des reboots et des histoires contées depuis que Michael a lancé son inaugural “Welcome to The Good Place” à Eleanor, il y a de cela trois saisons. Il n’a eu de cesse de vouloir modeler les personnages comme de la pâte, à l’image qu’il voulait avoir d’eux : soit des instruments de torture pour son plaisir, soit des êtres humains, des amis qui peuvent dépasser leurs faiblesses et leurs blocages pour devenir meilleurs.

À chaque fois, cela s’accompagne d’une reconfiguration totale de l’univers de la série. L’idée de reboot perpétuel, en ce sens, nous permet de tester les multiples combinaisons qu’offre le pitch de départ, elle reflète l’infini des possibilités qu’offre la fiction, appliquée en son sein même. Michael fabrique des histoires pour se sentir mieux à la fin.

The Good Place est un peu comme un jeu de Sims où l’on s’éclate à les voir évoluer, dans un schéma qui est censé être prédéfini mais où les codes sont brisés peu à peu pour tout reconstruire encore une fois. Il en reste que la manipulation inconsciente puis consciente dont notre Soul Squad est victime est un terrain de jeu immense pour étudier la nature humaine. Comme ces petits bonhommes que l’on met dans une chambre pour assouvir nos pulsions ou dans une piscine pour voir combien de temps ils vont tenir avant de s’entretuer ou de se noyer.

La série est une des rares, si ce n’est la seule à prendre autant de risques sur sa forme sans dévier de son propos. Elle remet sans cesse dans l’arène le travail du scénariste à travers la figure de Michael et met en abîme ce travail de création et de réécriture constante. Tout au long de cette saison 3, Michael et Janet étaient les artisans d’une histoire qui les dépasse, dont ils veulent reprendre le fil sans avoir toutes les cartes en main. Ils jouent du concept de rédemption au cœur de la série pour l’impacter sur la forme, passant de l’Enfer à son back office, de la Terre à la promesse d’un paradis qui ne viendra pas.

Si The Good Place peut les faire mourir et ressusciter à foison, ouvrant et fermant sans cesse le champ des possibilités, elle se permet également de tester toutes les limites de ses personnages et leurs relations. Derrière le scénariste, le joueur qu’est Michael, il y a un petit cœur qui bat et tel un romantique devant son ordinateur, il met dans une boîte de Pétri Eleanor et Chidi pour voir si sa théorie de l’âme sœur est bonne. Pas manqué : à chaque reboot, chaque mort ou chaque incarnation, ils se retrouvent. De même pour Janet et Jason. Si Michael s’amuse aux Sims, eux montrent que le libre-arbitre est la condition d’existence de chaque homme et femme.

The Good Place, c’est Sartre !

Du moins, c’est de la philosophie bien mieux que Westworld.

Ici, pas besoin de longs discours et de concepts imbriqués à l’overdose pour souligner son propos. La série emprunte depuis la fin de sa première saison sa thématique à Huis-clos, la pièce de Jean-Paul Sartre. « L’Enfer, c’est les autres » : mais c’est aussi le paradis.

En substance, c’est ce que la série tente de nous faire comprendre à travers son récit. Michael est un artiste en panne d’inspiration, livré à son angoisse profonde d’une existence qui n’a pas de finitude et donc pas de sens. Tel le mythe de Sisyphe, il est condamné à rouler sa pierre jusqu’à épuisement puisque quoi qu’il fasse, même en choisissant la personne la plus vertueuse de la planète (Doug Forcett), il ne peut gagner.

Pour une fois, les quatre humains ont compris bien plus vite que lui que son entreprise était vouée à l’échec et qu’il faut “imaginer Sisyphe heureux”. Conscients de ne plus pouvoir accéder au Bon Endroit, ils vont alors s’efforcer d’aider leur prochain. Que ce soit sur Terre avec leurs proches ou dans le quartier du « Bon Endroit » dans lequel se termine la saison, il ne s’agit plus de torture mais d’abnégation, de trouver la solidarité pour rendre l’absurdité de l’existence un peu plus tolérable pour eux.

En ce sens, Eleanor montre dans cette dernière ligne droite qu’elle était donc la parfaite candidate pour évoluer. Pleine de défauts, elle ne pouvait que s’améliorer et prendre conscience, difficilement, qu’il y a autre chose dans la vie (et la mort donc) que soi-même.

Parce que The Good Place, c’est les autres !

The Good Place est un laboratoire expérimental sur la comédie et la philosophie au contact l’un de l’autre. C’est aussi celui de la nature humaine, sans cynisme, lucide sur l’avantage des défauts et l’inconvénient des qualités, sur l’imperfection sans jamais se montrer désespérée. La saison 4 ne nous dit pas si elle apportera des réponses définitives, si elle sera la dernière, si elle sera encore meilleure. Mais c’est la série, avec peut-être Lost et The Leftovers dont elle est la digne descendante, qui pose les meilleures questions. La saison se termine d’ailleurs sur Eleanor s’adressant à Janet dans son nouveau bureau flambant neuf, alors que Michael se sent incapable de reprendre l’étude par lui-même. Elle lui demande LA réponse, celle qui va donner un sens à tout ce qu’ils traversent, ce à quoi Janet répond :
« Since nothing seems to make sense, when you find something or someone that does, it’s euphoria.  »

Cette euphorie, c’est l’être aimé, Chidi, c’est la Soul Squad, c’est la fiction, c’est The Good Place.

Max