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The Good Place - Retour sur le finale de The Good Place aka la meilleure série du monde entier

Whenever You’re Ready: Mes bébés me manquent tant

Par Max, le 5 avril 2020
Par Max
Publié le
5 avril 2020
Saison 4
Episode 13
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Nous sommes début avril et plus rien ne va.
pErDUSA n’a pas publié depuis son tableau célébré et applaudi dans le monde entier. Monde qui est totalement confiné et où je n’ai même pas envie de regarder de série. Je vous le dis, rien ne va plus.

Et plus que tout, je ne vous ai jamais parlé de la fin de The Good Place : RIEN. NE. VA. PLUS.

Parce que ce finale, c’était le feu, l’apothéose, le zénith, un chef-d’œuvre, une consécration, une récompense, un trophée. Je sais, je manque clairement d’objectivité quand on touche à cette série. Du moins, j’essaie d’en garder tout en professant mon amour pour elle. Preuve en est : à douze jours de confinement, trois ami·es ont déjà commencé et accroché à The Good Place. Le virus que l’on veut.

Est-ce que l’humanité mérite d’être sauvée ?

Rembobinons au tout début. The Good Place fonctionne sur un principe simple : les gentils gagnent des bons points, les méchants gagnent des mauvais points et ça leur donne le droit d’accéder au Bon ou au Mauvais endroit. Mais au fil des saisons, Eleanor et le Brainy Bunch vont disrupter le système et se rendre compte qu’il n’est à l’avantage de personne. NOUS NE SOMMES PAS DES CHIFFRES ! Outre un joli parallèle politique, la série se pose une question essentielle : est-ce que l’humanité mérite d’être sauvée ? Et si oui, comment ? Et surtout : pourquoi ?

Le comment, les trois derniers épisodes s’en occupent. Ils cherchent à l’aide des démons et de The Judge (toujours parfaite Maya Rudolph et son obsession pour Timothy Olyphant) un moyen pour que les humains qui vont prochainement mourir puissent bénéficier d’un système équitable. Attention, leur alliance montre qu’il n’est pas question d’effacer les mauvaises actions et pardonner les mauvaises personnes. Mais il part du principe que chacun est capable de se repentir si on le met face à ses contradictions. Michael et Eleanor en sont les instigateurs, Chidi en est l’architecte. Michael, aidée de Tahani, Vicky et Shawn (oui, oui, l’union des contraires), met en place une sorte de test qui ne s’apparente plus à une torture mais à une chance de faire amende honorable. Alors que l’on pensait la série à court de rebondissements, elle choisit d’utiliser la matière philosophique qu’elle a mis en place pour construire l’avenir de sa mythologie et installer son final.

Comment fait-on alors ? Tous les personnages accèdent finalement (dans une montgolfière) à The Good Place, endroit où l’on vit pour l’éternité toutes les choses que l’on a toujours voulu vivre. C’est une sorte de version saine du test fait par Michael au début de la série. Chacun va pouvoir s’accomplir et faire tout ce qu’il veut, rencontrer ses idoles, vivre sans contrainte. C’est une terre de possibilités infinies. La boucle est bouclée. Mais, il y a un mais, Eleanor se rend rapidement compte qu’une éternité de bonheur, c’est long et pas forcément bon. Grâce à Hypathie d’Alexandrie, sous les traits de notre hilarante et chère Lisa Kudrow, Eleanor et Chidi vont réaliser qu’une existence où tout est possible n’est plus une existence mais devient rapidement une collection de moments qui perdent de leur saveur car ils ne se gagnent pas, ils ne se vivent plus vraiment.

Le pourquoi, c’est tout le propos de la série mais aussi toute la réponse apportée dans ce dernier épisode.

Est-ce que le bonheur a un sens ?

Oui, pourquoi faire tout ça ? Pourquoi vouloir d’une vie (ou d’une mort) où tout continue mais sans barrière ? Pourquoi vouloir croire en au-delà ? Et que faire avec cette perspective ?

Lorsqu’ils arrivent dans ce Good Place, ils se rendent compte qu’il s’agit d’un endroit sans frontières, propice autant aux folies, aux extravagances qu’à une infini de possibilités. Il n’y a rien qui peut les arrêter, même pas leur imagination. Si on peut louer à la série de nous donner une vision réjouissante, réconfortante, drôle mais aussi triste et amère de la vie après la mort, ce n’est pas vraiment là que se trouve le message de son dernier épisode. Dans ce champ des infinies réalisables, à quoi sert la mort ? Les personnages sont confrontés à cela lorsqu’ils se rendent compte que l’éternité ne rend personne heureux mais apathique. Tous les habitants de cet Éden n’ont plus le goût à rien alors qu’ils ont tout. Eleanor et Michael vont alors penser un nouveau système, l’ultime : l’éternité va avoir une fin. Cependant, elle arrivera quand vous l’aurez décidé. The Good Place, c’est aussi cette grande série sur le libre-arbitre, tentant à travers l’histoire de ses personnages de nous montrer que nous avons toujours le choix, la liberté de nos actes et de quel côté nous voulons qu’elle penche. C’est la série de la non-détermination de l’être humain : tu es libre.

Le bonheur n’a de sens que parce qu’il a une fin. Tout comme les relations avec les autres ont un sens parce qu’on ne sait pas où elles vont, on sait seulement qu’il faut profiter de chaque petit instant, que ce sont elles qui vont nous rendre meilleurs. Eleanor en est la preuve, elle qui, d’une personne médiocre, méchante et égoïste, devient quelqu’un capable du meilleur pour les autres sans se renier.

Une porte est créée et nul ne sait vers quoi elle mène ou même si elle va quelque part. Ils savent seulement qu’en la traversant, il n’y a pas de retour en arrière, c’est l’incertitude. La promesse de cette porte, c’est que la personne devient maître de son destin. Eleanor veut la repousser le plus possible alors que Jason la passe très rapidement et que Tahani choisit de se mettre au service de l’humanité. Chidi a du mal à lâcher prise mais ne se débine pas face à son indécision tandis que Michael rêve d’avoir une fin, d’être enfin mortel et donc de goûter aux joies de la vie terrestre.

La vie n’est pas éternelle et c’est ce qui la rend valable d’être vécue. Il en est de même pour The Good Place. Mike Schur, en plaçant son final dans ce propos, nous signifie que toutes les bonnes choses ont une fin et elles sont par essence bonnes parce qu’elles ont une fin. Le créateur et ses scénaristes ont oeuvré pendant quatre saisons sur la série en ayant en tête qu’elle devait se terminer, prenant le contrepied des autres sitcoms qui cherchent souvent à atteindre une durée de vie exceptionnelle (How I Met Your Mother, The Big Bang Theory, Modern Family entre autres) quitte à perdre de leur éclat. Beaucoup ont reproché un ventre mou à la série en début de saison 4 et son dernier tiers vient répondre de la plus belle des manières : lorsque l’on sait que la fin approche, on apprécie, on profite au mieux de ce que l’on a et on donne tout.

En somme, cet ultime chapitre nous dit que si la vie n’avait pas de finalité, elle n’aurait pas de saveur, tout comme Eleanor nous dit : “As a very wise not-robot once told me, the true joy’s in the mystery.

Est-ce que la fin justifie les moyens ?

La question centrale autour de ce dernier épisode est d’une nature hautement philosophique, ne reniant pas tout le propos que la série a construit jusqu’ici. Que faire de la mort ? Cette chose si inconfortable avec laquelle on ne vit plus vraiment aujourd’hui. Bien sûr, il y a des morts sur Terre, tous les jours. Mais nous ne sommes plus confrontés frontalement à elle, nous reléguons tout aux pompes funèbres, aux administrations. On pense tout de suite au deuil, comment le surmonter et non pas vivre avec. Ce questionnement est d’autant plus important qu’il nous touche en ce moment de plein fouet : le coronavirus frappe massivement et brutalement, sans distinction, inexplicablement. La société contemporaine est, pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, confrontée simultanément à l’implacabilité de la mort. On ne peut s’en détourner, elle est présente hypothétiquement dans chaque foyer.

On a du mal avec le souvenir. Pourtant, c’est ce que propose The Good Place dans son ultime épisode : la mort n’est pas une fin en soi, il en reste toujours quelque chose et on doit l’accepter pour vivre avec. Nous devenons un souvenir. Eleanor, Chidi et Jason meurent une seconde fois et leur existence devient un moyen pour les vivants (Michael entre autres) d’influer sur les actions. Ils deviennent un vecteur de bonnes actions. Kristen Bell l’explique dans une interview à Entertainement Weekly :

« Je pense que les particules de tout le monde sont ainsi éparpillées. Dans ce nouvel Éden qu’ils ont conçu, vous pouvez rester aussi longtemps que vous le souhaitez. Ensuite, vous êtes autorisé à y mettre fin. Alors vous devenez ces minuscules particules scintillantes qui pleuvent sur les gens sur Terre pour donner un coup de pouce supplémentaire à l’humanité [...] Ce sont en quelque sorte ces minuscules voix dans votre tête qui vous disent : “Ne jetez pas le courrier de cette personne. Allez lui ramener. Ça prend deux secondes et ça fera probablement son bonheur.” J’adorerais croire que c’est ce qui se passe. [...] J’aime cette idée que les gens qui meurent deviennent des particules scintillantes qui résonnent comme une voix intérieure et donnent de bons conseils. Vous n’avez pas simplement franchi la porte, vous êtes devenu quelque chose qui aide quelqu’un d’autre. Et la leçon principale dans cette histoire, c’est que vous pouvez être quelque chose qui aide les autre toute votre vie si vous le souhaitez. »

(J’écrase une larme, et un cafard pour pas être trop sympa, et je reviens)

The Good Place nous dit en substance que nous sommes bons les uns pour les autres, il faut simplement le vouloir. Elle nous dit que la fin (d’une série ou d’une vie) est aussi ce qui rend tout le reste important. Elle nous dit aussi que, vivants ou morts, nous avons compté, au moins pour quelqu’un et que nous influençons leur vie alors autant le faire pour le meilleur. Elle nous dit que personne n’est parfait mais que tout le monde est perfectible. Elle nous dit que nous ne sommes pas seuls.

À la manière du finale de The Leftovers, The Good Place n’apporte pas de réponse définitive mais nous laisse devant un écran noir, à nous regarder en face. Si nous avons des questions, les réponses sont là, il faut juste les chercher. C’est le mystère qui rend l’œuvre excitante.

Est-ce que l’on pourra refaire une série comme The Good Place ?

Non.

Est-ce que l’on veut une autre série comme The Good Place ?

Non.

Et bien qu’est-ce que l’on fait après ça alors ?

Eh bien on la regarde à nouveau. En ces temps durs, elle est plus que jamais nécessaire pour rire mais aussi pour donner une perspective à nos actions, à l’influence que l’on a sur les gens, avant, pendant et après notre passage sur Terre. The Good Place a des pouvoirs que je redécouvre à chaque fois : elle m’aide à mieux vivre ce que je vis mais aussi à appréhender les deuils passés (et futurs) avec un autre point de vue. Elle n’enlève rien à la peine mais elle y ajoute du sel, de la pensée et du rire. Il n’y a rien de mieux que son rire. À jamais.

Max