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The Wire - Critique de l'épisode 8 de la saison 5

Clarifications: Le petit con

Par Jéjé, le 4 mars 2008
Par Jéjé
Publié le
4 mars 2008
Saison 5
Episode 8
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Maintenant que les premières phrases des reviews ne sont plus affichées sur la page d’accueil, je pensais en avoir fini avec les petites introductions sans spoilers, je pensais pouvoir attaquer dans le vif du sujet.
Hélas, elles apparaissent encore dans les flux RSS ! Je vais donc être obligé de me forcer à parler d’autre chose que de The Wire... Et vous savez ce que ça signifie, je vais parler de comédies musicales.
Pour une version ’tout public’ de The Wire, je proposerais bien à David Simon de rajouter des chansons dans la plupart des scènes... Un peu comme dans Grey’s Anatomy. Et dans cet épisode, à chaque fois que l’on verrait Carcetti, Templeton ou McNulty, No Good Deeds pourrait être en fond sonore. (C’est une chanson de Wicked, dont on voit des bouts dans un épisode d’Ugly Betty). Juste le passage où l’on entend ’One question hants and hurts. Was I really seeking good or just seeking attention ?
FyyyeerrroooOOO !
(Merci les flux RSS !)

Ca y est, Omar est mort.
Je le redis, j’aimais beaucoup l’idée d’une disparition quasi surnaturelle du personnage après son échappée dans le vide. Mais c’était oublier un instant que les destinées héroïques n’ont pas de place à Baltimore.

Sa survie miraculeuse n’a pas mythifié Omar. Au contraire, il en est ressorti plus humain et plus pathétique. Pendant près de deux épisodes, on le voit claudiquer, aveuglé par la tristesse et la haine, tenter de provoquer Marlo sur son terrain pour le faire descendre dans la rue dans l’espoir, on l’imagine, de l’affronter, homme à homme. Comme s’il existait un code de l’honneur des gangsters.
A ce propos, Michael s’étonne que Marlo soit moins à cheval que d’habitude sur les atteintes faite à sa réputation. Ce dernier n’hésite-t-il pas à commanditer le massacre de plusieurs personnes au prétexte de vagues rumeurs sur un commentaire qui aurait été fait à son encontre alors qu’il ne bouge pas lorsque de façon avérée un homme se trimballe dans les rues en hurlant que « Marlo Stanfield is not a man for this town » ? Sa vision romantique du comportement d’un chef de gang en prend un coup.
Ma vision romantique de la mort d’un personnage emblématique d’une série en a aussi pris pour son grade. Je ne m’attendais pas à des sons de cordes vibrants et annonciateurs, j’ai à peu près compris qu’il n’y avait pas de score dans The Wire mais pas non plus à de la soupe d’ascenseur asiatique en guise de marche mortuaire. Et que ce soit réglé en une scène de cinquante secondes chrono. Omar est liquidé d’une balle dans la tête dans une épicerie par un gamin d’à peine dix ans. Trivial et magnifique. Et même ironique.
En effet, Omar est peut-être la première victime (humaine, en tout cas) d’un vrai serial killer. Parce que son tueur, c’est le petit garçon qui est resté à torturer un chat alors que le reste de ses camarades s’était envolé à son approche. (Peut être qu’il a une passion dévorante pour l’anatomie des mammifères et qu’il deviendra un grand scientifique, mais je ne suis pas sûr !) A côté de ça, c’est aussi celui qui en saison 3 avait fait son apparition dans la série dans une scène de jeu où il proclamait que c’était à son tour d’être Omar, mais je ne m’en serais jamais rappelé sans le concours de Ju, d’Alan Sepinwall et de Youtube.
La suite de l’épisode rappelle qu’on n’est en général que le héros de sa propre vie. Bien sûr, pour le spectateur, Omar était le plus romanesque et le plus ’héroïque’. C’est celui dont les actions étaient guidées par les sentiments amoureux, celui qui ne s’attaquait pas aux civils, celui qui par principe quitta sa retraite pour venger son ami. Pourtant, Alma est trop novice pour ne voir autre chose dans sa mort que la simple disparition d’un dealers ; elle n’a pas de raison de se démener quand on lui annonce qu’il n’y aura pas de place dans le journal pour y placer un article. Bunk et McNulty ne sont pas vraiment affectés et pas vraiment surpris non plus. Ils se contentent d’un « il fallait bien que ça arrive » et sont bien plus intrigués par la liste des membres de l’organisation Stanfield trouvée dans sa poche. Il faudra attendre la morgue pour qu’un hommage lui soit rendu. Celui d’un personnel qui se rend compte que son cadavre était mal étiqueté et qui rectifie l’erreur ;
A mon sens, Simon, dans cette scène, donne sa vision du héros du quotidien, de celui qui peut faire du bien à la société. C’est celui qui fait correctement son travail, avec méticulosité et rigueur.
C’est Kima chez les flics, prête à se coltiner des centaines de dossiers de suspects dans l’affaire du serial-killer de McNulty pour les comparer avec le profil fait par le FBI.
C’est le journaliste qui a passé une journée avec Bubbles et qui a rapporté avec exactitude ce qu’il avait constaté et ce qui lui avait été dit.

Ceux là s’opposent aux marchands de bonnes intentions, a ceux qui se sont aveuglés pour atteindre des objectifs nobles tout en faisant de leurs enjeux personnels leurs premières priorités.

Que Templeton aspire à travailler au Washington Post et à décrocher un Pulitzer pour ses articles n’a rien de déshonorant. C’est viser l’excellence. Cependant, utiliser tous les moyens pour y parvenir biaise évidemment l’intérêt de la chose. C’est confondre la destination et le parcours.
Dans l’épisode, Templeton est – enfin - découvert. L’ancien soldat devenu sans domicile qui lui avait confié ses souvenirs vient au Sun pour souligner les inexactitudes dans l’article qui lui avait été consacré. Les soupçons de Gus sur la légèreté de l’éthique de son journaliste sont confirmés. Et finalement pas tant à cause des mensonges volontaires faits par Templeton mais à cause de son manque d’intérêt aux détails.
Non, ils n’ont pas bu un café, c’était un chocolat chaud.
Gus et l’éditeur de la section Métro du journal décident de ne pas passer certains passages d’un de ses articles dont les sources ne sont pas vérifiables. Ce dernier se retourne alors vers le rédacteur en chef dont il est devenu le protégé.
On pourrait presque croire en une victoire – pour faire court – des gentils contre les méchants. On a une semaine pour rêver.

Carcetti ne quitte plus des yeux ce qui est devenu son unique objectif : le poste de gouverneur. Menacé d’une fronde des élus noirs démocrates, il passe des accords avec Noreese, qu’il soutiendra à sa succession, et avec Clay Davis, le réhabilité. Il continue d’utiliser l’ombre du tueur des sans abri pour taper sur les mesures de son opposant républicain, après avoir ouvert les vannes budgétaires pour faire fonctionner l’enquête de McNulty.
En même temps que sa femme, le spectateur se rend compte que Carcetti est maintenant prêt à tout sacrifier pour accéder à la State House. On apprend qu’avec les accords qu’il a passés, une fois élu, il ne pourra attribuer à Baltimore que la moitié des fonds d’Etat prévus pour l’Education.
Mais il a la réponse.
« But if I don’t win, I bring back exactly... nothing ! »

De son côté, McNulty ne se trouve plus d’excuse pour justifier un plan qui a pris des proportions quasiment incontrôlables. Il est maintenant obligé de verser des fonds à des policiers peu scrupuleux qui ont découvert son système ’généreux’ de distribution d’heures sup’. L’enquête de Lester sur Marlo avance petit à petit mais elle est menacée par Bunk, qui grâce à un travail d’enquêteur normal, a la possibilité d’arrêter Chris pour le meurtre du beau-père de Michael.
De plus, le profil du FBI – une description précise de McNulty lui-même – et le discours final de Beadie le force à regarder les choses en face.
« You start to tell the story, you’re think, you’re the hero. And when you’re done talking...  »

C’est pour moi l’épisode le plus réussi de la saison. Ca me fait bien plaisir puisqu’il est co-écrit par mon auteur de polars favori. Aux quelques uns qui ne connaîtrait pas encore la série des Kenzie-Gennaro de Dennis Lehane (puisque que c’est de lui que je parle), jetez-vous dessus !

Bonus (partiel)

Pour ceux qui se demanderaient d’où vient la citation collée sur l’écran de Gus...

... il s’agirait du titre d’un article de Robert D. McFadden, publié en une du New York Times le jour qui a suivi le premier attentat au World Trade Center.

McFadden a obtenu avec l’ensemble de ses collègues qui ont couvert cet événement le Prix Pulitzer dans la catégorie « Reportage d’actualité » en 1994. Il était en concurrence avec lui même puisqu’il était finaliste dans cette catégorie pour une série d’articles sur les deadlines des journaux. Pour ce sujet, il obtiendra le prix en 1996.

Le rapport avec The Wire ou David Simon ? Je cherche encore...

Jéjé