Produite par JJ Abrams et écrite par Eric Kripke, Revolution est une des rares nouvelles séries de la rentrée dont on ne vous aura pas parlé sur pErDUSA. Il y a une bonne raison derrière cette omission, mais la décence m’empêche malheureusement de vous la révéler.
C’est parce que Blackie est une mauvaise personne.
Mais pour tout vous dire, ce n’est pas un oubli très grave. En effet, la seule chose qui distingue Revolution de tous les Nouveaux Lost qui l’ont précédée, c’est que cette année les créateurs de la série ont poussé "l’hommage" jusqu’à reprendre exactement la même structure de flashbacks que l’originale.
Chaque épisode retrace donc le passé d’un personnage, à travers des scènes très dispensables qu’on découvre pendant que le personnage en question regarde intensément un point dans le vide, perdu dans ses souvenirs. Parce que quitte à faire dans la copie, autant que ça soit fait jusqu’au bout.
Mais j’exagère un tout petit peu, car un autre élément notable distingue Revolution des autres : la série est un vrai succès d’audience (rebondissement !) sur NBC (double rebondissement !), à défaut d’être un succès critique (car en gros, c’est une mauvaise série).
Ce qui m’amène (pas très bien, je l’avoue) au vrai sujet dont j’avais envie de vous parler aujourd’hui. C’est quoi, au juste, une copie de Lost ? Et pourquoi, oui, pourquoi, la recette miracle qui nous a offert The Event, V, FlashForward, Terra Nova, et Revolution ne fonctionne-t-elle pas ? Depuis des années ? Échec, après échec, après échec ?
Après échec ?
La réponse tient en trois points.
Lost : Un Concept Fort

La chose la plus importante, quand on veut faire une série à la Lost, c’est d’avoir un concept très fort. Un concept qui peut s’expliquer en une seule phrase. Avec des mots simples. Idéalement dans le coin d’une affiche promotionnelle, en laissant plein de place pour des jolis acteurs et actrices qui peuvent être, par exemple, debout devant un fond bleu nuageux.
Sur ce point, c’est difficile de faire mieux que Lost et son « un avion s’écrase sur une île déserte ».
C’était une idée qui parlait immédiatement, une idée accrocheuse, facile à vendre, et qui (accompagnée du très bon bouche-à-oreille qui avait précédé le lancement de la série) a participé au très gros succès de Lost lors de la diffusion de son pilote.
Le petit détail, trop facilement oublié par les Nouveaux Lost c’est que le concept qu’on peut résumer en quelques mots doit, en plus, être suffisamment fort pour qu’on puisse en tirer une série, idéalement sur plusieurs années. Ce qui n’est jamais arrivé, d’ailleurs, puisque Revolution sera probablement le premier clone de Lost à connaitre une deuxième saison (le cas de V est un peu particulier, avec 22 épisodes produits entre novembre 2009 et mars 2011).
Quelques exemples.
Résumé en une phrase, le concept de FlashForward était « What did you see ? », ou la question de savoir ce que les gentils héros avaient vu de leurs futurs respectifs, en dehors de l’annulation pure et simple de leur série dans l’indifférence générale, pour cause de concept inexploitable sur la durée. Et de nullité absolue.
Dans Terra Nova, un autre chef d’œuvre jamais abordé sur pErDUSA dont je n’ai pas vu la moindre minute mais dont je peux vous parler sans aucun problème parce que je suis tombé sur des affiches promotionnelles, le concept fort était « le méchant militaire de Avatar, dans le même rôle, mais contre des dinosaures ! ». Je suppose. Pour V, il s’agissait de « ça vous dit de revoir la vieille série que vous regardiez pendant les années 80, mais avec Juliet de Lost ? ».
Dans un cas comme dans l’autre, il n’y avait pas tromperie sur la marchandise, mais on oubliait quand même de préciser que les deux séries allaient être bien plus riches en adolescents insupportables qu’en méchants lézards, autant préhistoriques que spatiaux.
Dernier exemple, mais pas des moindres, le concept de The Event était tellement abstrait que même les créateurs de la série s’y sont perdus. « What is The Event ? », nous demandait alors le service marketing de NBC, sur un ton pas trop convaincu. Une excellente question qui sentait quand même un peu le désespoir.
Au milieu de tous ces beaux échecs conceptuels, l’idée derrière Revolution a au moins l’avantage d’être simple à expliquer : « Et si l’électricité disparaissait ? ». Et apparemment, il suffisait d’une affiche avec ces quelques mots, une actrice classiquement jolie, et Juliet de Lost (encore), pour rassembler 10 millions de téléspectateurs chaque semaine. Sur NBC.
J’ai beau le répéter, ce succès reste un vrai mystère.
Lost : Des Vrais Mystères

C’est évident, ce qui a fait de Lost le moteur des milliers de nouvelles discussions lancées chaque semaine à l’issue de la diffusion de chaque nouvel épisode, c’était ses questions et ses mystères.
Ça, et ses Triangles Amoureux.
Et puisque le but c’est de faire parler, d’agiter les réseaux sociaux, et que les fans fassent le boulot des publicitaires à leur place, chaque Nouveau Lost doit obligatoirement être livré avec son lot de mystères s’il veut espérer être commandé par une chaine.
Le seul souci, c’est que les Nouveaux Lost y vont tous avec la délicatesse d’un bulldozer. Leurs mystères ne fonctionnent pas, la sauce ne prend pas, tout simplement parce qu’ils sont trop ouvertement manipulateurs, et qu’on nous les étales les uns après les autres, dès les premières minutes du premier épisode. Et globalement, les gens qui regardent beaucoup de séries en ont marre qu’on leur serve la même soupe tous les ans, les mêmes genres de mystères mis en scène avec les mêmes ressorts.
Par conséquent, il est absolument impossible de prendre Revolution au sérieux dès qu’elle commence à nous parler des mystérieuses circonstances qui ont entrainé la disparition d’électricité à travers le Monde, tout comme il était impossible de s’intéresser aux mystérieuses circonstances qui avaient entrainé les visions du Futur à travers le Monde dans FlashForward trois ans plus tôt.
Et, au cas où vous vous poseriez la question, la réponse est la même dans les deux séries : "c’est à cause de la Lumière Magique de la Grotte des Fées".
Quant à The Event, que j’ai au moins réussi à suivre pendant trois épisodes avant de renoncer à tout jamais à ce genre de série, je me souviens très clairement avoir vu un avion disparaitre, avant que Laura Innes ne lance des phrases composées entièrement de « Eux », « Ils », « On », entre autres termes bien vagues pouvant dire tout et son contraire, sans que jamais personne ne lui demande de quoi elle pouvait bien parler.
Ce qui ressort de tout ça, c’est qu’on oublie bien trop souvent que Lost était, à l’origine, une série possédant plusieurs... et ça m’arrache un peu les doigts d’écrire ça... personnages suffisamment attachants pour qu’on se soucie de ce qui pouvait leur arriver, et qu’on se demande, en même temps qu’eux, ce que pouvait bien foutre un ours polaire sur une île au milieu du Pacifique.
C’était à cause de la Lumière Magique de la Grotte des Fées.
Ce qui m’amène à mon dernier point, la dernière chose indispensable qui fait qu’on reconnait une série à la Lost de très, très loin.
Lost : Une Série avec Douze Milles Personnages Principaux

C’est l’aspect le plus ouvertement copié, et le plus raté, par tous les Nouveaux Lost : la distribution composée de plein de personnages provenant d’horizons très différents.
Je comprends très bien pourquoi chacune des séries que j’ai citées dans cet article a repris cet aspect, c’était dans le but de donner à leurs épisodes des saveurs très différentes, en s’attardant d’une semaine à l’autre sur un nouveau personnage.
La première saison de Lost était vraiment novatrice de ce point de vue, et nous baladait habilement des aventures d’un docteur sans barbe à celles d’une fugitive casse-couille, en passant par un père qui n’hurlait pas encore le nom de son fils magique, un tortionnaire irakien pas sous-titré, un couple de coréens sous-titrés, ou encore un frère et une sœur qui couchaient ensemble sans que ça soit grave parce qu’ils n’avaient pas de lien de sang et qu’ils allaient mourir très vite de toute façon.
Avoir un tel éventail de personnages a contribué à l’écriture d’épisodes aux ambiances vraiment différentes, sans qu’on ne sache jamais à quoi on devait s’attendre d’une semaine sur l’autre.
Sauf que la différence entre Lost et ses imitateurs, c’est qu’il y avait une bonne raison derrière ce mélange des genres : tous les personnages étaient coincés au même endroit, dans la même galère, près de la même Grotte des Fées.
Les Nouveaux Lost ont juste décidé de reprendre le même schéma sans se soucier de savoir si ça avait du sens ou non, dans l’unique but d’attirer le plus de personnes différentes possible en leurs proposant plein de petits échantillons de séries différentes. Dans V comme dans The Event, les cinquante personnages vivaient leurs propres aventures dans leurs coins, sans donner l’impression d’appartenir à la même série. La première avait des agents du FBI, des extra-terrestres, des journalistes, et un prêtre qui, en plus, était un ancien militaire. La seconde avait d’autres agents du FBI, d’autres extra-terrestres, des espions, et le Président des Etats-Unis en personne. Parce que pourquoi pas.
Mais, sans aucun doute possible, la plus coupable était FlashForward. On y retrouvait chaque semaine, dans chaque épisode, des agents du FBI qui menaient des enquêtes, un drame hospitalier avec des histoires d’adultère, une babysitter coquine pour les pervers, une comédie romantique sur deux continents pour les amoureux de sous-titres, et des scientifiques mystérieux pour les autres... en bref, un beau bordel.
A force de vouloir reproduire toujours la même recette, on se retrouve depuis 2005 avec des séries sans personnalité, sans identité propre, des amalgames de plein de choses trop différentes les unes des autres qui, à trop vouloir plaire à tout le monde en même temps, se sont transformés en bouillies infâmes.
Des séries avec des concepts forts, trop de personnages, et une incapacité absolue à parler de quoi que ce soit sans poser des questions ou lancer de mystérieux regards en coin.
C’est ça, la Malédiction des Nouveaux Lost.

Et tous les ans c’est la même chose.