Une saison placée sous le signe du changement, thème que le finale vient encore renforcer.
Nature versus Nurture
Quand on grandit dans un environnement fucked up, où on ne peut pas réellement compter sur ses parents, et où tout autour de soi laisse penser qu’il n’y a pas d’issue à ça, c’est très facile d’abandonner. De se dire que la pomme ne tombe pas loin de l’arbre, et que de toute façon, on finira par répéter les erreurs de ceux qui nous ont élevés.
Quand on n’est pas habitués à l’équilibre, au bonheur, c’est souvent bien plus simple de tout foutre en l’air dès qu’on arrive à le trouver. Parce qu’on se dit que tôt ou tard, on merdera – parce qu’on l’a toujours fait, alors autant tout bousiller à la première occasion. C’est ce que la première partie de saison nous montrait avec Fiona, qui après s’être retrouvée dans une relation "idéale" a connu une descente aux enfers, à répéter les erreurs de ceux qu’elle avait eu autour d’elle en grandissant. A quoi bon vouloir essayer, après tout ? Ca finira forcément mal. Pourquoi est-ce qu’on serait capables de changer, comment penser qu’on pourrait s’échapper de cette saloperie dans laquelle on a été toute son enfance. Toute cette saison, c’est l’impression qu’on a eue de son côté, tombée si bas qu’elle est atterrie en prison.
Et pourtant. Et pourtant ce finale nous montre l’opposé. Il nous agrippe et nous le crie au visage. Chacun peut changer, et comme le dit si bien Fiona « 23. Can’t be about how much they screwed us up anymore. »
Parce que putain, oui, à un moment il faut accepter son passé. Accepter qu’on a souffert, qu’on a vécu des situations qui resteront à jamais gravées dans nos esprits, mais que c’est du passé. Jamais on ne pourra l’effacer, mais on peut décider de changer. On peut décider que ce qu’on a vécu ne nous condamne pas, pas si on se fait confiance et qu’on essaie vraiment. Qu’on peut faire de ces bagages émotionnels, qui nécessitent un monte-charge pour être transportés, une force, si on est prêts à ne plus les voir comme quelque chose qui nous a détruits – même si oui, ils l’ont fait, souvent – mais bel et bien comme ce qui nous a construits tels qu’on est. Et toutes ces douleurs, tous ces trucs dont des enfants et adolescents ne devraient jamais être témoins ou victimes (mais que beaucoup trop traversent), peuvent devenir des armes. Parce que traverser tout ça nécessite une force de caractères qui ne nous quittera jamais, à condition qu’on soit prêt à rejeter les bras réconfortants du cynisme.
“Do you know what this is ?” “Yeah. We know what this is”
Mais les bagages émotionnels ne sont pas les seuls qui peuvent nous bousiller. Il y a aussi les bagages génétiques, comme c’est le cas pour Ian.
Celui-ci a eu son lot de très bons moments cette saison, mais j’en retiendrai surtout un. Comme beaucoup s’en doutaient depuis sa réapparition dans la série – surtout ceux qui sont familiers avec ce trouble – Ian a hérité de la maladie de sa mère. Tout comme elle, il est bipolaire. Et si on voyait ses highs tout au cours de la seconde partie de saison, dans ce finale il en arrive finalement au point inévitable quand son corps s’est épuisé dans l’intensité du bonheur : le début une période de dépression. Violente, douloureuse à voir, mais « nécessaire ».
Et les réactions de son entourage à ceci sont d’un réalisme exemplaire.
De la réponse de son petit ami, Mickey, qui ne comprends pas ce qui lui arrive et va appeler à l’aide les Gallagher, puis, quand ceux-ci lui expliquent ce qu’Ian traverse, refuse d’envisager l’hospitalisation, persuadé que l’amour qu’il porte à Ian pourra l’aider à s’en sortir, à celles de ses frères et sœurs. Eux, qui ont vécu de première main la maladie de leur mère, et qui savent à quel point celle-ci peut être dévastatrice, ont conscience que pour l’aider il faudra en passer par là. Ils nous rappellent (ou nous apprennent) aussi que ce trouble est à la fois génétique mais grandement influencé par l’environnement dans lequel on est élevés.
Au cours d’une très belle conversation entre Fiona et Lip, ceux-ci sont à la fois désolés pour leur frère, mais aussi soulagés que la loterie génétique les ait épargnés. Et c’est une nouvelle note d’espoir quand on apprend que Lip a réussi ses midterms et que Fiona, de son côté, semble décidée à laisser son passé derrière elle, et à avancer positivement dans sa vie.
“ I’m alive motherfucker ! Me, Frank Gallagher ! “
Un finale plein d’espoir sur tant de points… Et pourtant.
Et pourtant Frank est enfin sorti de l’hôpital, avec un nouveau rein et une interdiction de boire et de se droguer. Mais c’est Frank, et peut-être qu’à son âge il est trop tard pour changer, pour se reprendre en main ; ou peut-être qu’il n’en a juste pas la force. Alors il s’échappe de l’hôpital avec l’aide de Carl, et on le retrouve devant les étendues glacées de Chicago, descendant une bouteille d’alcool, savourant chaque gorgée, un sourire béat aux lèvres, et hurlant à Dieu qu’il a survécu, qu’il a gagné et que Lui a perdu. Parce qu’il est vivant. Et parce qu’il ne réalise pas qu’en continuant à boire, qu’en continuant dans ce chemin qui a infligé autant de peines à tous ceux qu’il devrait aimer, tout égoïste qu’il est, il n’est au final rien de plus qu’un magnifique perdant, devant l’éternel.