DE L’ENCRE
Ekoué et Hamé de La Rumeur jettent De L’Encre sur Canal+
Par Sullivan Le Postec • 14 juin 2011
La Nouvelle Trilogie s’emploie à faire émerger des nouveaux talents, mais pas forcément des talents inconnus. La preuve, sa dernière fiction est écrite et réalisée par Hamé et Ekoué, du groupe de rap La Rumeur.

Septième saison pour la Nouvelle Trilogie, Département Recherche & Développement en matière de fiction, mené conjointement par l’Unité de fiction La Fabrique dirigée par Bruno Gaccio à Canal+, et la société de production La Parisienne d’Image de Gilles Galud. Pour se renouveler, la Nouvelle Trilogie tente l’exploration d’un genre inédit : le ‘‘drame musical rap’’, diffusé mercredi 15 juin à 22h30, tandis que la diffusion de « Hard » se poursuit le lundi soir.

« De L’Encre » restera d’abord et avant tout comme le film d’une révélation.

Commençons par le film. Pour « De L’Encre », la Nouvelle Trilogie a renoncé à la coexistence entre un 3x30 minutes et une version téléfilm de 90 minutes. Le révélateur d’une réflexion qui se mène sur le format, et le statut bizarre des œuvres produites, au croisement de la série, du pilote et du téléfilm, ce qui force parfois à des compromis qui desservent les fictions. Que ce soit parce que des téléfilms unitaires sont artificiellement découpés en trois, ou parce que des séries se voient imposées des fins plaquées, comme « Sweet Dream » ou « Hard », saison 1, par exemple — cette dernière ayant dû s’en dépatouiller pour pouvoir embrayer sur la saison 2. « De L’Encre » existera donc uniquement sous la forme d’un unitaire de 90 minutes.

La révélation, ensuite. C’est Karine Guignard dans le rôle de Nejma. L’actrice/rappeuse charismatique, subtile, crève l’écran de la première à la dernière minute.
Nejma est une jeune fille issue d’une famille sans le sou, dont le père sort juste de prison. Elle est étudiante en droit, fait quelques heures en s’occupant d’une vieille dame qu’elle vole à l’occasion, deale un peu auprès des étudiants de sa fac. Le rap est sa passion. Elle écrit sa colère dans des textes rageurs. Elle travaille avec son meilleur ami Romuald (Reda Kateb, formidable comme d’habitude, il donne de l’épaisseur à un personnage qui n’en avait pas tant que ça sur le papier) sur des maquettes et fait tourner un CD autoproduit. C’est comme ça qu’elle est repérée par Pat, qui travaille pour une Major. Il propose à Nejma de devenir le ‘‘ghostwriter’’, le nègre, d’un slameur consensuel « vu à la télé » pour donner un soupçon de rugosité à son nouvel album. Nejma accepte pour l’argent, quitte à se retrouver prisonnière d’un système. Saura-t-elle s’en sortir sans y perdre son âme ?

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Le principal problème du téléfilm, c’est ce pitch, qui est la première histoire à laquelle on pense quand il s’agit d’en situer une dans l’Univers de la musique, encore plus si on parle musiques « alternatives » en France, un petit monde obnubilé par la street credibility.
Soit, on peut concevoir une histoire formidable dans un cadre connu, même si ce n’est pas le point de départ le plus facile. Malheureusement, ce n’est pas vraiment le cas ici.

Karine Guignard a la chance d’avoir à défendre un personnage fort, nuancé (on fait sa connaissance dans des circonstances qui ne l’éclairent pas sous son meilleur jour), pas forcément extrêmement sympathique de prime abord, mais avec un bon fond. Mais on dit souvent qu’une bonne histoire, c’est avant tout un bon méchant, et c’est là que le bât blesse. Le patron de Major est un archétype sans épaisseur qu’il sape la crédibilité de l’ensemble. Même Pascal Nègre a l’air d’une personnalité complexe à côté, c’est dire. Il en va de même avec le personnage du slameur, décalque d’Abd Al Malik (le comédien a exactement la même voix parlée) qui finit par être embarrassant à force de caricature et de volonté manifeste d’humiliation.

Sans doute le cœur du problème est-il là : un scénariste et un réalisateur ne devraient détester aucun de leurs personnages. Coincés dans leurs sentiments, Hamé et Ekoué ne sont pas capables d’insuffler de l’humanité à des figures qu’ils méprisent aussi profondément. C’est la même chose pour ce qui concerne le personnage de Pat, “gentil chez les méchants” — intention conceptuelle à laquelle il n’est jamais donné chair.

La réalisation est du même ordre que le scénario : le pire — des transitions vraiment hasardeuses, des effets de style pas assez tenus sur l’heure et demie — côtoie le meilleur. Car « De L’Encre » possède plus d’une séquence vraiment très réussie. Pas assez pour en faire un chef d’œuvre, mais de quoi en faire un premier film de très honnête facture.

Bande-annonce :

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Post Scriptum

« De L’Excre »
Ecrit et réalisé par Ekoué et Hamé.
Produit par La Parisienne d’Image pour l’Unité fiction La Fabrique – Canal+ dans la collection Nouvelle Trilogie.
Avec Karine Guignard, Reda Kateb, Béatrice Dalle, Slimane Dazi, Malik Issolah, Frédéric Pellegeay, Keita Bakari, Hocine Choutri, Yassine Azzouz...

Mercredi 15 Juin à 22H30 sur CANAL+