DOOM-DOOM
Bien-bien
Par Dominique Montay • 25 janvier 2009
Nouvelle Trilogie 3. Un titre pas terrible, mais quoi de mieux qu’un titre anglais pour une fiction qui dans son ton et son traitement affiche son influence anglo-saxonne. Sorti de ces considérations reste une évidence : Doom-Doom est une très bonne série.

M et Z sont tueurs à gages et travaillent depuis six mois en collaboration, s’étant rencontrés alors qu’ils devaient tuer la même personne. Z est impulsif, sans attache, avec des méthodes de voyou. M au contraire est marié, méthodique et travailleur. Pourquoi M s’embarrasse-t-il de ce Z ? Parce qu’il se sent seul, tout simplement.

Des tueurs à gages qui parlent de peinture et de religion. C’est ainsi que Gilles Galud résume sa fiction. Deux assassins qui bavardent nonchalamment d’art entre deux meurtres ? pas seulement. Ils parlent religion parce que Z est juif, et que ça fascinne M, et ce même si Z fait et dit un peu ce qu’il veut sur sa religion. Ils parlent de peinture parce que, afin de blanchir l’argent qui sert aux transactions qui règlent ses "contrats", M peint des toiles qui sont ensuite vendues aux enchères et achetées par son commanditaire. Un système très malin qui lui permet même de cotiser.

Contract killer

On pourrait pendant des heures remettre en cause le sujet de Doom-Doom et son traitement. Parce que les anglo-saxons ont déjà abordés cent fois le métier de tueur à gages, plus ou moins de la même manière. Parce qu’un méthodique associé à une tête brûlé, ces mêmes anglo-saxons nous resservent cette association depuis plus de 30 ans. Parce qu’une réalisation caméra épaule avec des jump cut (des transitions brutes dans une même action), c’est loin d’être rare. Ca donne un ensemble très efficace et plaisant à regarder, mais loin d’être inédit. Non, la raison de regarder Doom-Doom et de prendre un plaisir immense réside dans ses personnages, ciselés et interprêtés à la perfection, et les dialogues, dont pas un ne semble surjoué, ne sonne faux ou ne tombe à plat. Pas de dialogues explicatifs, pas d’intellectuallisation des situations, pas de phrases "écrites", que de la conversation naturelle, dynamique et bien sentie. Un plaisir monumental quand on compare a d’autres fictions françaises pour autant loin d’être ratées.

M profite du charisme remarquable de Mickael Abiteboul, déjà décelé dans Turbulences. Son personnage de tueur qui vit dans une relation de couple un peu castratrice et qui se rêve vrai peintre (il va jusqu’à utiliser des termes liés à la peinture pour parler de son travail avec Z, ce qu’il affirme être un code, mais qui est en fait une expression de son ambition) est plein de justesse, et à certains moments touchant. Marié depuis plusieurs années, lorsqu’il est dans la position d’aller séduire d’autres femmes, il échoue. Pas réellement par manque de charme mais d’envie. Il cherche juste à impressionner Z mais au final (il le dit lui même) il n’aime que sa femme.

Z est lui un solitaire. Il vit dans un cadre épuré, sans personnalité. Tout ce qui est en rapport avec la normalité le dégoûte. Elle lui fait peur, le terrorise. Ce rejet total est traduit par le type de femmes qu’il séduit : les mariées. Impossible de s’attacher, impossible de rentrer dans une vie convenue, et ça lui va. Derrière son attitude rentre-dedans et sarcastique existe aussi un réél attachement à M, et si au départ son association avec lui n’était qu’un but de quitter la vie de petit voyou pour devenir tueur professionnel, un lien fort s’est créé entre les deux hommes, qui leur permet de tuer leur solitude.

Le patron de M et Z, Dreyfuss est tout aussi travaillé, avec cette gueule de lame de couteau et cette attitude froide et interessée. Mais le personnage le plus bluffant, dans sa conception comme dans son interprétation, c’est Nataf, l’oncle de Z, joué par Maurice Benichou. Un malfrat devenu désuet avec le temps, qui a perdu de son aura dans le quartier, et qui ne continue d’être dans le business qui grâce à son passé. Entretenant une relation sexuelle avec une femme qui le trompe (avec Z, justement), il se sent dépossédé de partout et s’engage dans un cycle de violence dont le but est de retrouver son poids et rattraper sa légende, mais le tout de façon pathétique.

A ne pas manquer... si ça repasse

Des personnages excellents, des dialogues savoureux, une mise en forme efficace, Doom-Doom, comme Hard, traduit une certaine maturité dans le programme de la Nouvelle Trilogie, qui répond aux balbutiements du début.

Doom-Doom fait partie de ces séries de la Nouvelle Trilogie qui attirent les américains. Et quand on voit la richesse du sujet, on les comprend. En 1h30, la fiction telle qu’elle est avance à une vitesse incroyable, prenant certains raccourcis (tout en gardant sa cohérence). Certains aspects auraient pu être mieux développés si la durée le permettait. Les américains lui donneront certainement cette chance. C’est tout ce qu’on souhaite à La Parisienne d’Images.

Post Scriptum

« Doom-Doom »
3x26 minutes.
La Parisienne d’image / Canal+ - Unité la Fabrique sous la direction de Bruno Gaccio.
Produit par Gilles Galud
Ecrit par Laurent Abitbol, Virgile Bramly et Nicolas Mongin
Réalisé par Laurent Abitbol et Nicolas Mongin
Avec Virgile Bramly (V), Michaël Abiteboul (M), Bernard Blancan (Dreyfus), Mayane Maggiori (Julia), Maurice Bénichou (Nataf), Wioletta Michalszuk (Emma)