DAME DE COEUR & DAME DE PIQUE — Episodes 1 et 2
Alexis Lecaye adapte son dernier héros pour France 2
Par Sullivan Le Postec • 14 janvier 2011
Ce vendredi soir et le suivant, France 2 diffuse « Dame de Cœur » puis « Dame de Pique », téléfilms policiers co-signés par Camille Bordes-Resnais et Alexis Lecaye, ce dernier adaptant là les romans qu’il a publié depuis 2002.

Alexis Lecaye est bien connu des amateurs de polars. Auteur notamment du roman « Julie Lescaut » ayant servi de base à la série de TF1, il a publié le polar « Dame de Cœur » dans la collection du Masque en 2002, et dont l’adaptation est diffusée ce soir. La suite, « Dame de Pique », dont France 2 programme l’adaptation vendredi prochain, a paru en 2005, suivi deux ans plus tard par la « Dame de Carreau ». Le Trèfle doit arriver prochainement dans les libraires. Les deux premiers romans ressortent en janvier à l’occasion de la diffusion de ces deux premières adaptations.

Martin, Commissaire à la Brigade Criminelle, c’est un peu la figure archétypale du flic. Obsédé par son boulot, qu’il trimballe tout le temps avec lui, sa vie personnelle est un vaste foutoir. C’est aussi un homme qui aime les femmes. Dans « Dame de Cœur », il fait face à un homme qui déteste les femmes ; dans « Dame de Pique » à une femme qui déteste les hommes.

L’affaire qui l’occupe dans le premier épisode trouve son origine dans un couple à la relation particulièrement malsaine. Comme le montre cette extrait de la scène d’ouverture :

Elle veut mourir. Il veut la tuer. Mais s’il passe à l’acte, il sera immédiatement suspecté. Alors pour arriver à ses fins en tout impunité, le mari va concevoir un plan à la fois simple et machiavélique pour brouiller les pistes : sa haine des femmes le pousse en effet à en tuer de nombreuses, pour que la sienne ne soit plus qu’une victime parmi d’autre et que sa mort n’attire pas particulièrement l’attention sur lui.

La police arrivera-t-elle à percer le mystère de ces meurtres apparemment incohérents ?

Le Commissaire Martin est entouré de femmes. Il y a sa collègue, Jeannette, avec laquelle il forme un duo efficace. Laurette est la psy du Commissariat, avec laquelle il aime échanger autour de ses affaires, et plus si affinités. Myriam est son ex-femme, il n’est pas contre recoucher avec elle à l’occasion, mais elle doit se remarier dans un mois. Isabelle, la fille de Martin, débarque chez lui en lui avouant qu’elle est enceinte du compagnon qu’elle vient de quitter parce qu’il la trompe. Et il y a Marion, la nouvelle copine de Martin, journaliste, qui lui cache aussi quelque chose.

Voir le second extrait, centré sur la vie personnelle confuse de Martin :




« Dame de Cœur » repose sur ces personnages et sur un casting impeccable et très bien dirigé. Thierry Godard, parfait comme d’habitude, est Martin. Autour de lui, Muriel Combeau (Myriam), la toujours formidable Micky Sébastian (Laurette) – toute la distribution de « Avocats & Associés » semble avoir été convoquée puisque Frédéric Gorny apparaît en guest dans le second épisode – mais aussi Charley Fouquet (Marion) et Valérie Decobert-Koretsky (Jeannette).
Martin est particulièrement attachant — dans le second épisode, Jeannette dit de lui : ‘‘moi aussi j’aime bien Martin. Il n’y a que lui, qui ne s’aime pas’’. Ses relations compliquées, mais pleines d’affection, avec les femmes de son entourage constituent le cœur de cette histoire. Et sur ce plan, c’est plutôt réussi.

En ce qui concerne l’enquête de « Dame de Cœur », malgré le plan original du meurtrier, qui se laisse entrevoir dès la scène d’introduction (la première vidéo ci-dessus), nous sommes dans du polar classique qui devrait satisfaire les amateurs du genre. Pas sûr qu’il puisse conquérir au-delà de ce public.
L’intrigue a le gros inconvénient d’impliquer une coïncidence énorme qui touche au personnage de Muriel Combeau. Cela passerait si cela restait un élément de fond de l’intrigue. Sauf que, erreur fatale, toute la résolution repose là-dessus. La résolution croit aussi nécessaire de mettre en place un moment d’une grand lourdeur rassemblant les pièces d’un puzzle qui n’était quand même pas si compliqué, typique de la fiction policière française. Si ça s’adresse à tous les spectateurs, c’est qu’on les prend pour des neuneus. Si ça s’adresse à ceux qui se sont endormis pendant le film, il faudrait peut-être admettre qu’ils s’en fichent un peu, non ?

Mais à mes yeux, le plus gros problème de « Dame de Cœur » est la réalisation de Charlotte Brändström. Celle-ci se veut nerveuse et moderne. En pratique, on a plutôt affaire à de la caméra à l’épaule approximative et à des empilements de jump-cuts affreux. Il y a une volonté de travailler sur l’image et les couleurs, mais là-aussi le traitement est décidemment peu subtil. Résultat : ce qui se veut bleuté est surtout grisâtre (même quand la scène a été tournée sous le soleil) ; l’image est terne et sans relief, difficile à lire. Surtout, le tout manque cruellement d’ambiance, malgré la musique originale réussie de Samuel Hercule.

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Heureusement, le travail du réalisateur Philippe Venault sur « Dame de Pique » est autrement plus satisfaisant. Il ne se sent pas obligé d’éteindre systématiquement toutes les couleurs chaudes et le rendu est globalement beaucoup plus esthétique.

Dans « Dame de Pique », on retrouve Martin et les autres personnages quelques semaines après les événements de « Dame de Cœur ». Martin est toujours en arrêt de travail, et la dépression qui a suivi son trauma est en passe de s’installer. C’est Myriam qui lui file l’électrochoc nécessaire pour qu’il se reprenne en main. Il s’intéresse à une nouvelle affaire meurtres en séries. Les clients d’un détective privé sont tués un à un par une tueuse experte et méthodique.
Malheureusement, les personnages féminins sont un peu en retrait par rapport au premier téléfilm. Et le personnage de Micky Sébastian n’est là que pour une intrigue secondaire à l’intérêt discutable. Là encore, l’improbable de l’affaire que laquelle Martin enquête n’empêche pas le tout d’être un poil classique, malgré les efforts louables effectués pour dynamiser le scénario qui ne compense pas le fait que les dix minutes de plus du total par rapport au format de 90 mn auraient très certainement plus être coupées.
On retrouve un autre défaut : la résolution est lourde et peu subtile dans l’avalanche d’explications, notamment en ce qui concerne les motivations de la tueuse. Et la conclusion de l’épisode frôle de vraiment très près le ridicule...

En bref : le casting cinq étoiles et la jolie galerie de personnages ne permettront sans doute pas à ces téléfilms, travaillés mais non-exempts de défauts, d’intéresser au-delà du cercle des inconditionnels du polar.


(Au passage, signalons l’attention que France 2 porte a ses programmes, puisque le résumé de « Dame de Cœur » qu’elle met en ligne dans sa fiche programme, sur son site, dévoile un rebondissement survenant à la 60e minute sur un film qui en compte 90. Navrant.)

Post Scriptum

« Dame de Cœur » & « Dame de Pique »
Une production Djama pour France 2.
Ecrit par Camille Bordes-Resnais et Alexis Lecaye, d’après les romans du même nom d’Alexis Lecaye.
« Dame de Cœur » réalisé par Charlotte Brändström.
« Dame de Pique » réalisé par Philippe Venault.
Avec Thierry GODARD (Martin), Valérie DECOBERT KORETZKY (Jeanette), Micky SEBASTIAN (Laurette), Muriel COMBEAU (Myriam), Charley FOUQUET, (Marion) Clara PONSOT (Isabelle).

Les vendredis 14 et 21 janvier sur France 2.

Crédit photos : Bernard BARBEREAU