LE QUINZO — 3.03 : Droit de suite
Toutes les deux semaines, l’humeur de la rédac’ du Village
Par Dominique Montay & Emilie Flament • 10 octobre 2011
Le Quinzo, saison 3, épisode 3. Cette semaine, Sullivan abandonne Dominique et Émilie. Le premier règle ses comptes avec la première, et la deuxième constate que le summum de la créativité hollywoodienne, ça a l’air d’être d’hybrider les séries britanniques...

90% « Outcasts » + 10 % « Primeval » = « Terra Nova »

Par Emilie Flament.

Le Village n’a pas vocation à parler de séries américaines. Mais, quand une série US est à ce point la combinaison de deux séries britanniques, je pense qu’on peut faire un léger écart et jouer aux sept ressemblances.

1. Le pitch :
Dans un futur proche, alors que la Terre est devenue invivable, des volontaires partent refaire leur vie sur une colonie d’un nouveau monde. Un Paradis, rempli de promesses, sans passé et plein d’avenir, et à la fois, un Enfer, avec ses présences hostiles, ses secrets et surtout ses hommes.
Ces phrases peuvent résumer à la fois « Outcasts » et « Terra Nova ». Vous me direz que c’est un high concept et qu’à partir de si peu, des productions très différentes peuvent voir le jour... sauf qu’ici, le résultat est très proche, voire même calqué.

2. Un camp bien gardé dans un environnement hostile :
Ironiquement, ce monde qui s’offre à eux ne leur permet que de vivre reclus dans un camp fermé et bien gardé. Pour les colons d’« Outcasts », sur Carpathia, la vie s’est organisée autour du premier vaisseau. Les habitations ressemblent à des containers, des pré-fabriqués spartiates,plus pratiques qu’accueillants. Au delà des murs et grillages, le paysage rocailleux, presque désertique, n’est pas le seul frein à l’expansion : dans certaines zones, de fortes radiations ont été enregistrées (en tout cas, officiellement) et seule une équipe d’explorateurs est autorisée à sortir. En photo, les habitants de « Terra Nova » ont plus de chance : une végétation luxuriante, de la vie animale (je ne parle pas desT-Rex), de jolies maisons individuelles, spacieuses et entourées de verdure. Mais le camp est lui aussi entouré de hautes barrières en bois et de tourelles armées. Au final, les 2 camps ont une situation très similaire, même si celui d’« Outcasts » a le mérite d’être plus réaliste.

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3. La faille spacio-temporelle qui permet de voyager au Crétacé :
« Primeval (Les Portes du Temps) » est une série dont nous avons peu parlé sur le site (parce que globalement personne n’a réussi à la regarder intégralement). En bref, elle suit une équipe de scientifiques qui traquent des anomalies spacio-temporelles à travers lesquelles des créatures du passé (principalement des dinosaures) et du futur passent faire un tour dans notre époque. Certes, Spielberg n’avait pas attendu cette série pour faire joujou avec des dinosaures, mais, l’utilisation d’une faille spacio-temporelle pour voyager vers le Crétacé, ça ressemble tout de même beaucoup à la traque d’Helen Cutter et à la fin de saison 3 de « Primeval ».

4. Un leader :
L’un est un politique, l’autre est un militaire, mais tous deux ont la cinquantaine, des cheveux grisonnants, la barbe et la moustache poivre et sel. Interprétés par Liam Cunningham et Stephen Lang, les chefs respectifs des colons d’« Outcasts » et de « Terra Nova » représentent le même type de leader : solitaire, assez froid, pas forcément compris, mais dévoué à sa mission, solide et entier.

5. L’ado rebelle :
Lily Isen en veut à sa mère, Stella, d’être partie sur Carpathia et d’avoir du laisser son père sur Terre pour la rejoindre. Josh reproche à son père, Jim Shannon, le temps qu’il a passé en prison et son brusque retour. Du coup, ils bravent l’interdit histoire de bien le montrer à leurs parents !

6. Les rebelles :
Parce qu’il faut bien des antagonistes, parce qu’il nous est difficile d’imaginer un monde sans conflit, parce qu’il faut à la fois effrayer ceux qui hésitent à entrer dans le rang et intriguer les nouveaux arrivants un peu curieux... à chaque ‘‘monde’’, à chaque gouvernance, on trouve ses opposants. Les ACs, humains créés artificiellement, font des marginaux tout désignés. Accusés à tord d’être responsables d’une grave épidémie, ils ont été bannis du camp sur Carpathia. Les rebelles de Terra Nova sont jusqu’ici plus mystérieux, mais le conflit est bien présent.

7. Une mystérieuse présence :
Et un, et deux, et trois (ennemis)... Zéro (crédibilité) ! Pour le coup, les 2 séries s’engagent sur une voie dangereuse : le cumul des risques en tout genre. En plus des tensions au sein de la colonie, des rebelles qui rôdent hors du camp, il a fallu qu’ils ajoutent un mystère relatif au passé de leur refuge. Découverte d’humanoïdes datant de bien avant l’arrivée des premiers colons, forme de vie inconnue qui peut prendre l’apparence d’êtres humains ou mystérieux schémas gravés dans la pierre à l’époque du Crétacé sont autant d’idées prêtes à alimenter les forums de fans et les saisons à venir (ou pas !).

Au final, « Terra Nova » reprend toute l’essence d’« Outcasts »... en moins bien ! Point positif cependant : les scénaristes n’ont pas tué le personnage d’introduction à la fin du pilote et bizarrement (comme on l’a répété 200 fois dans notre podcast), ça aide à créer l’empathie.

Le Village in the media

Ce samedi, Dominique était l’invité de Pierre Langlais dans son émission « Saison 1 Episode 1 » sur Le Mouv’ pour parler de « Borgia » et de l’actualité des séries. L’émission est podcastable sur le site de la radio.

Le Village est également cité dans le Hors-série Spécial séries des Inrocks, qui reprend les déclarations que nous avaient accordé Hervé Hadmar et Marc Herpoux suite à l’annulation de « Pigalle la nuit ». A retrouver chez votre marchand de journaux.

Règlements de compte

Par Dominique Montay.

Les habitués du Village le savent bien. Il y en a même que ça inquiète. Moi et Emilie Flament nous détestons cordialement. Une haine incroyable, qui nous pousse à des accès de violence répétés qui ont eu tendance, par le passé, à pourrir l’ambiance des enregistrements de podcasts. Alors forcément, quand Emilie se fend d’un article tirant à boulets rouges sur les scénaristes en mal d’inspiration pour en tirer des généralités, je dis non, je dis stop, je dis non mais t’es pas malade.

D’ailleurs, ces accès de violence que je cite plus haut, qui mettent en scène des prises interdites en catch, nous imposent d’enregistrer les podcasts par deux, juste histoire de diminuer les frais de santé générés par nos passages en cliniques diverses (et oui, c’est la crise, ma bonne dame). Mais je digresse juste un peu.

A la vue de ces 5 points, je n’ai pu réprimer un cri de rage non contenu (je m’excuse encore platement à ma voisine septuagénaire que j’ai, ce jour là, profondément terrifiée et qui ne sort plus de chez elle depuis). Je ne suis absolument pas d’accord. Du tout.

Enfin, si. Un peu. (oui, je me contredis, et alors ? j’écris sous le coup de la rage, j’ai une excuse)

Parce que les exemples cités sont évidement de bons exemples. Le coup de la vrai fausse identité, on est d’accord, dans « Spooks » saison 9, c’est d’une stupidité sans nom, et c’est ce qui m’a fait décrocher d’une série que j’adorais. Pour l’amnésie, tout le monde se souvient (ou pas) de la storyline débile de la femme de Jack Bauer en saison 1 de « 24 » qui perd la mémoire pendant 3 épisodes parce que les auteurs ne savaient plus quoi faire au bout du run initial de 13 épisodes.

La filiation cachée, pareil, ça peut être bien stupide. Le mort pas mort, je me souviens encore des gros fou rire que j’ai poussé devant « 24 », « Alias » et plein d’autres, quand un type revenait pour dire "mais en fait je..." avant d’expliquer sa résurrection. Enfin, pour l’ellipse, c’est vrai, la saison 3 d’« Alias » n’en a rien fait, « Desperate Housewives » non plus...

Maintenant, je ne suis pas d’accord pour dire que quand on voit ces signes, c’est que le scénariste est à court. Il y a des exemples concernant ces situations où le scénariste s’en sort bien, continue a être consistant dans son récit, ne sombre pas dans la stupidité, ou la facilité. En réalité, le cœur du problème, ça n’est pas le procédé. Le scénariste a tout les droits et doit, par essence, tout tenter.

Mais il doit surtout respecter sa série. Si un revirement majeur intervient, il doit être préparé, réfléchi, et si le scénariste considère qu’il ne peut pas le justifier, c’est qu’il n’a rien à faire dans l’histoire. Dans « Battlestar Galactica », le coup de l’ellipse temporelle est excellente et génératrice de conflits (pas tous bien gérés, on est d’accord). Dans « Les Beaux Mecs », on voit qu’apprendre qui sont ses parents est générateur d’émotions riches. Certes, il est vrai que les exemples où ces pistes sont bien gérées sont rares.

En fait, on est sensiblement d’accord avec Emilie. Et puis j’ai un peu exagéré, on ne finit pas aux Urgences à chaque enregistrement de podcast. En fait, on est juste pas d’accord sur le titre de l’article. Ce n’est pas tant "5 points qui montrent que le scénariste est en manque d’inspiration" que "les 5 pistes narratives que les scénaristes sont tentés d’utiliser quand ils sont en manque d’inspiration".

Ok, il est long et chiant mon titre.

Et puis je devrais pas pinailler comme ça. Mais j’ai une excuse, j’ai écris sous le coup de la rage !