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Deadwood - Le duel entre Hearst et Swearengen continue

True Colors: A thing of this order you’d as soon not see ruined or in cinders.

Par Feyrtys, le 4 juillet 2006
Publié le
4 juillet 2006
Saison 3
Episode 3
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Un épisode au ton légèrement différent, avec un Swearengen de plus en plus complexe et un Hearst de plus en plus psychopathe. Les alliances se forment au sein de Deadwood et tout le monde aura besoin du plus d’appuis possibles pour affronter l’avenir.

Après la démocratie, c’est au tour de la culture de tenter une percée à Deadwood ! Al Swearengen accueille son vieil ami Jack Langrishe et sa troupe de théâtre, pendant qu’Hearst fait venir un peu de son Missouri en la personne d’Aunt Lou, sa chef personnelle et plus ou moins bonne à tout faire.
Wu est de retour de San Francisco, dans un costume à la mode qui montre que depuis qu’il a tué son adversaire pour le contrôle de la partie chinoise de Deadwood, Wu est devenu plus américain que chinois. Il apporte des nouvelles à Al, son « interlocuteur privilégié » si l’on peut dire, à propos des plans de Hearst, pour lequel je le rappelle, Wu est censé travailler. Mais Al a réussi à garder Wu sous son contrôle. Un avantage supplémentaire...

A voir Hearst avec Aunt Lou, on pourrait presque croire que ce dangereux individu a un semblant de cœur. Mais il n’en est rien, et Alma est la première à l’apprendre.
Rétablie de son opération, elle est bien décidée à avoir un rendez-vous avec le riche prospecteur, contre l’avis d’Ellsworth. Je dois dire que ce personnage me plait de plus en plus. Non seulement le costume d’homme de la ville lui va à ravir, mais en plus, sa générosité, son amour sincère pour Sofia et pour Alma et son sens de l’honneur en font un homme plus qu’aimable, ils font de lui un homme bien, simplement.
Mais Alma veut décider par elle-même et elle est sûre que l’offre qu’elle s’apprête à faire à George Hearst est tout à fait raisonnable. Elle insiste néanmoins pour que son mari l’accompagne au rendez-vous, mais se retrouve très vite face à une situation difficile à gérer : Ellsworth ne peut s’empêcher d’exprimer son mépris pour l’homme qu’est Hearst, car il sait de quoi il est capable, il a vu la façon dont il traitait ses employés et ce que Wolcott a accompli pour lui avant qu’il arrive. Le rendez-vous est donc reporté et Alma se rend seule au second.
Bien mal lui en prend. Si Hearst s’est comporté comme un parfait gentleman avec elle jusque là, c’était probablement pour mieux la tromper. Une fois sa proposition faite, il prend un autre visage, celui du froid psychopathe qu’il est.
"You are reckless, madam. You indulge yourself.", lui dit-il alors qu’elle tente de quitter sa chambre, apeurée. Elle a échappé au viol de très peu et elle le sait. Hearst ne veut pas de 49% de sa concession, il en veut la totalité. Il ne veut pas en partager le contrôle, il veut l’exploitation entière, parce que cet homme est obsédé par la terre, son or, et par l’argent qu’elle lui confère. Il veut tout avoir.

Et c’est là qu’intervient la différence entre Al et lui. Deux figures machiavéliques, deux personnalités très différentes. Al ne recherche pas l’enrichissement. Il cherche à contrôler Deadwood pour que les choses se passent comme il le souhaite, mais son but n’est pas de devenir ultimement riche.
Hearst veut récupérer la concession d’Alma pour s’enrichir davantage : sa soif d’argent lui sert d’excuse pour être le tyran sanguinaire qu’il est au fond de lui. Al est un tyran également, mais avec d’autres ambitions : celui d’une paix relative à Deadwood... Al est craint, mais il est également aimé et respecté, ce qui fait de lui une figure de leader charismatique, quand Hearst ne sait obtenir son pouvoir que dans la peur et la violence. Il ne veut qu’une seule chose : mettre le camp à feu et à sang, et il le fera s’il obtient ce qu’il veut.

Et si pour cela il faut assassiner Swearengen, Bullock, violer Alma et torturer Ellsworth, il le fera. Sans aucune arrière-pensée.

Alma comprend donc pourquoi son mari a voulu l’empêcher de se rendre à ce rendez-vous, mais peut-être aurait-il fallu que ce soit Seth qui la prévienne en personne... Alors qu’elle rentre chez elle, quasi pétrifiée après le rendez-vous, son regard croise celui de Seth, mais aucun des deux ne peut trouver de réconfort dans les bras de l’autre, et l’échange est poignant. Surtout que pour une fois, Ellsworth n’est pas d’un grand soutien... Parce qu’il a eu peur pour elle, parce qu’il enrage de n’avoir aucune sorte d’influence sur ses décisions, il prononce les mots qui font mal : "you’re a Goddamn fool who almost go what she deserved." Ouch. Mais je la comprends Alma, je comprends qu’elle cherche à établir son pouvoir seule, qu’elle cherche à se construire seule sans Ellsworth et sans Bullock, sans les hommes en somme. Mais elle est encore un peu trop naïve pour survivre à Deadwood sans prendre la peine d’écouter ce que des gens qui tiennent à elle lui disent...

Quel sera le prochain pion avancé par Hearst pour obtenir sa concession ?

Je l’ignore, mais au moins, je sais que cette vermine aux allures magnifiques de Cy Tolliver en fera sûrement parti. Alors qu’il avait obtenu la paix avec Hearst en lui faisant du chantage (rappelez-vous de la soi-disant lettre d’aveu de Wolcott), Cy perd toute son affluence lorsque Hearst finit par le confronter et lui faire avouer qu’il n’a jamais eu une telle lettre en sa possession. Il ne reste donc pas d’autres choix à Cy que de baisser la tête et obéir, car si on n’est pas avec Hearst, on est contre lui. Ce qui donne les répliques suivantes :

Hearst : Your duties will be to answer like a dog when i call. [...] In my dealings with people, I ought solely have to do with niggers and whites who obey me like dogs.
Cy : if He hadn’t meant me to wag it, why would the Lord’ve give me a tail ?

Voilà qui met les choses au clair.

Et pendant ce temps, Bullock essaye de se convaincre qu’il a une quelconque influence dans le camp, en tant que sheriff. Mais Wu refuse de lui ouvrir la porte de la chambre froide où se trouve le corps du Cornishman abattu par les hommes de Hearst, car Wu n’obéit qu’aux ordres d’Al. Ensuite, il tente de faire pression sur Hearst pour mettre fin aux meurtres (et aux amputations sauvages des jambes) de ses employés qui parlent de monter un syndicat. Hearst le renvoie allégrement dans ses filets en lui expliquant que des meurtres, y’a eu pas plus tard qu’il y a quinze jours lorsque Swearengen et Dan en sont venus aux mains (et aux couteaux) avec deux hommes (des gardes employés par Hearst) sans aucune raison apparente (si ce n’est une menace de mort envoyée par Hearst lui-même...). Et que dans ce cas, l’enquête du sheriff n’a pas porté bien loin.

Tout frustré, Seth rentre chez lui et boude un peu. S’il doit y avoir des élections, autant qu’elles comptent pour quelque chose, dit-il. Comprenez : "ouin ouin je sers à rien, personne ne m’écoute et les gens y en font rien qu’à leur tête ! ". Utter, lui, qui a une plus grande expérience de la vie, sait très bien que les lois dans ce pays ne sont qu’une façon supplémentaire pour les gens comme Hearst de gagner du pouvoir...

Pendant ce temps, Al soigne sa main et sa rancœur contre Hearst en compagnie de son vieil ami Jack Langrishe, à qui il fait visiter le camp de Deadwood. C’est la première fois que l’on voit la (presque) ville de cet angle et cela donne une toute autre dimension à l’histoire. Al ne se bat pas pour le contrôle de quelques saloons, d’un hôtel et d’une suite de tentes, Al se bat pour le contrôle d’une ville qui se construit, qui a une école, des maisons en bois et en pierres, et des rues. Et bientôt, peut-être, un théâtre. Langrishe a amené avec lui des actrices (dont Rita Sue de Carnivàle, jouée par Cynthia Ettinger ; HBO sait reconvertir ses acteurs, c’est le moins que l’on puisse dire) et ce qui apparaît comme une certaine classe, classe dont n’est pas dépourvu Swearengen par ailleurs. Jack semble être un vrai ami, c’est-à-dire quelqu’un sur qui Al peut compter, mais aussi se confier.

Dans une dernière scène très touchante, Al explique à Jack qu’il se demande s’il n’a pas viré "queer", étant donné qu’Hearst est toujours en vie après lui avoir coupé un doigt. Il y a plusieurs années, si la même chose lui était arrivé, il y a fort à parier que l’homme qui l’aurait ainsi mutilé serait déjà mort. Mais Jack a compris ce qui empêchait Swearengen d’agir de la sorte : il ne voudrait pas voir Deadwood en cendres. Il tient à son camp, à sa ville, il tient même aux gens qui y vivent, pourrait-on croire. Al a changé depuis le début de la saison 1. Du haut de son balcon, il ne regarde pas seulement la ville qu’il contrôle, il regarde aussi ce qu’il a accompli, et ce qui prospère sous sa garde. Il regarde ce qu’il est devenu.

Feyrtys