Cette série nous raconte la vie de quatre amies vingtenaires vivant à New York, et aborde des thèmes qui préoccupent les jeunes adultes actuels, tels que le sexe, évidemment, mais surtout la difficulté de trouver sa place sur le marché du travail, ou plus généralement dans le monde.
On pense à un Sex And The City rajeuni, et Girls y fait d’ailleurs référence dès son premier épisode. Mais là où Carrie et sa clique évoluaient dans une sorte de petite bourgeoisie aisée, Girls est un pur produit des enfants de l’upper-middle-classe américaine de 2012, et fait résonner leur voix.
Ainsi, beaucoup l’inscrivent dans la tradition des séries générationnelles, qu’on pourrait grossièrement et en faisant des raccourcis opposer à la mode récente du « high concept », parfaitement illustrée par Lost ou Heroes, qui sont des séries dont le scénario prennent racine dans un « Et si ? ».
C’est ce qui semble plaire aux fans de Girls qui correspondent à la tranche d’âge des personnages de la série ; que celle-ci dépeigne honnêtement ce qu’on vit aujourd’hui. Je ne m’attarderai pas sur les quinquagénaires qui encensent la série et crient son génie ; la sénilité, c’est un mal comme un autre.
Le problème des séries générationnelles, c’est qu’elles ont besoin d’être diablement attachantes. C’est ce qui faisait, par exemple, la force de Freaks And Geeks, précédent succès d’Apatow se déroulant dans les années 80, et teen show culte s’il en est. Elle ne parlait de rien d’exceptionnel, mais elle nous parlait à nous, parce que ses personnages nous touchaient.
Mais voilà. Avec Girls, nous ne sommes plus dans les années 80. Nous sommes en 2012, et suivons la vie d’une twenty-something entretenue par ses parents.

Et laissez-moi vous dire une chose à propos des actuels twenty-something, puisqu’en faisant partie de ce club très fermé je me retrouve forcée d’en côtoyer : Ils ne sont pas attachants. Pour la plupart, ils n’ont plus cette authenticité qu’avaient les décennies précédentes, qui pouvait déclencher de l’affection. On est une génération qui a été pourrie jusqu’à la moelle par le méta, par le détachement ironique, par l’idée que si quelque chose nous tenait vraiment à cœur, on était une lavette incapable de réaliser que ce quelque chose n’aboutirait jamais, ou un éternel naïf. Nos rêves, pour être valides aux yeux de la société, se doivent d’être codés en binaire, d’agrandir la forêt infinie des startups ambitieuses.
On a cessé de croire, et je ne parle pas là d’une foi en un quelconque dieu. On a cessé de croire en tellement de choses qu’elles se sont évaporées. Des jeunes se délectent devant Skins, série qui glorifie, involontairement ou pas, le détachement ; le sexe y est préféré à l’amour, la drogue y est une activité quotidienne et anodine.
Girls, c’est Skins, avec une étiquette « sans colorants ni conservateurs ».
Bien entendu, rien n’interdit à une série d’être "réaliste". Au contraire. Mais je suis quelqu’un qui est inspirée par ses héros, qui a appris à être sans concession envers elle-même, et qui a appris ça avant tout grâce à des héros qu’elle a eu. Que ce soit les films de Cameron Crowe, le chemin vers l’âge adulte de Yorick de "Y : The Last Man", l’humour de Peter Parker, l’intransigeance dérangée de Spider Jerusalem ; J’ai grandi avec des héros. Des héros bourrés de failles, de défauts, mais qui avaient quand même quelque chose pour eux, en eux. Que ce soit des talents, une force de caractère, ou même une faiblesse assumée ; c’est toutes ces choses qui m’ont construite.
Et quand je regarde autour de moi, je réalise que l’univers de la fiction perd petit à petit de son honnêteté, les personnages profondément bons et humains se font de plus en plus rares à la télévision. On n’a plus de Dawson, on n’a plus d’Everwood. On n’a plus d’Atticus Finch. Là où je vois de plus en plus de jeunes se glorifier de leur médiocrité, et que je me dis plus que jamais qu’on aurait besoin de figures qui nous inspirent, qui nous modèlent, on a une avalanche de fictions qui font triompher des gens qui ne le méritent pas vraiment. Et on a Girls.
Girls et son héroïne détestable et égoïste. Girls, la série où 3 filles se comportent comme des connasses avec leur entourage, et où, jusqu’au final, les seuls hommes à leur faire des reproches sont montrés comme des losers, comme des pères de famille indignes, comme des adultes obsédés par l’argent et dont la vie est vide et les passions sont moquées.
Alors certes, Girls est une bonne série. Réalisée sans majeur accroc, avec des actrices globalement douées. Une série réaliste, à en vomir, parfois amusante, mais avant tout terriblement honnête, qui n’essaie pas de donner dans la surenchère. Le sexe y est traité avec « une franchise à toute épreuve, qui nous parle ». Les problèmes pour trouver un emploi sont, pour le public cible, au pire familier, au mieux une épée de Damoclès.
Mais si c’est bel et bien le show de notre génération, j’ai plus que jamais besoin d’une De Lorean.