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Mégalopolis - Le pilote, un exercice difficile pour les séries

Séries aux Pilotes Réussis: S01E01

Par Conundrum, le 31 août 2012
Publié le
31 août 2012
Saison Quatre
Episode Quatre
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Un pilote est un exercice ardu. Avec l’âge, j’ai de plus en plus de mal à m’impliquer dans une nouvelle série. Je veux tout de suite me sentir à l’aise avec une série. Mais, un pilote réussi doit introduire les personnages, la dynamique des relations, le principe et le cadre de la série. Ce cahier des charges trop lourd joue souvent contre la série car il donne un aspect trop forcé aux dialogues ou à l’intrigue.

En plus de cela, le pilote étant le premier épisode produit, on réalise souvent que ce qui semble passer à l’écrit ne fonctionne pas en pratique. HBO s’en est bien souvent rendu compte que trop tard. S’adresser directement à la caméra dans le pilote de Sex and The City, les fausses publicités de celui de Six Feet Under, le procédé narratif de celui de The Sopranos sont des éléments qui, heureusement, ne survivent pas au second épisode.

Il faut aussi souvent quelques épisodes pour trouver son rythme et laisser le temps aux acteurs de définir leur personnages. Ils ont bon porter le même nom mais Jon Hamm joue deux personnages différents dans le pilote et dans le dernier épisode de la première saison de Mad Men.

Bref, un pilote, c’est comme un adolescent, c’est bizarre, ça fait en fait trop, ça fait grincer des dents, mais quelques fois, il y en a qu’on tolère, voir qu’on apprécie.
Les quatre pilotes qui suivent réussissent l’exploit de nous impliquer dès les premières minutes et nous donnent l’impression d’avoir toujours à l’antenne.

Modern Family

A un moment, pErDUSA était déchiré par une guerre terrible «  Community vs Modern Family ». Oui, parce que politiquement on est tous du même bord, on s’entend plutôt bien dans la vie, et le fait que le site a dix ans montre qu’on peut vivre avec les défauts de chacun des membres de la rédaction. Comme il faut bien trouver des raisons pour se tirer dans les pattes, quand l’occasion se présente, il faut la saisir.

A l’époque, la seule présence de Julie Bowen dans la distribution, et le fait que je ne connaissais pas encore Trudy dans Mad Men, m’a automatiquement assigné au camp Modern Family. Trois ans après, je ne sais plus trop pourquoi j’ai essayé de mettre une allumette dans Penelope, la moto de Gizz, après qu’il ait vaguement suggéré que Community avait de l’intérêt. Parce que, maintenant, regarder Modern Family, signifie juste que j’ai fini mon stock d’épisodes inédits de la semaine et que je n’ai pas mes dvd de Frasier ou d’Old Christine sous la main.

Pourtant quand on regarde le pilote de Modern Family, on réalise à quelle point c’est une série brillante. Pour commencer, il suffit juste de regarder le curriculum vitae des créateurs de la série : un ancien scénariste-producteur de Frasier et le créateur de Just Shoot Me ! Rien que cela faisait que Modern Family allait devenir ma nouvelle obsession. On y ajoute Julien Bowen, et là, même s’il s’agissait d’une série sur la revente du matériel de chemin de fer de seconde main par des taxidermistes nazis dans la Suisse des années 20 (sujet de « Sexy Bitchz », le pilote écrit par Iris qu’elle espère vendre aux producteurs d’Entourage), je savais que j’allais regarder le pilote une quinzaine de fois le jour de sa diffusion.

Ce pilote progresse de façon naturelle et ne force pas l’humour. La mécanique parait déjà bien huilée. C’est d’ailleurs la même qualité que l’on retrouve dans l’autre série de Levitan, Just Shoot Me !. La grossesse de Bowen ne gène absolument pas. Mieux encore, le retournement de situation de fin de pilote cimente encore mieux la série. On s’attendait à voir quelque chose, et nous sommes surpris par la fin.

Ce n’est pas un simple gimmick lourd à gérer comme How I Met Your Mother. C’est, au contraire, un moyen efficace de répondre un problème qui découle du principe de base : si l’on suit trois familles différentes, les interactions entre les différents personnages sont alors limitées. Le fait qu’on découvre en fin de pilote qu’il s’agit d’une seule et même famille ouvre alors plus de portes aux scénaristes.

Comme Just Shoot Me !, Modern Family est une série que je néglige souvent, mais j’admire toujours autant son pilote.

Brooklyn South

Steven Bochco avait déjà poussé assez loin les limites de ce qui pouvait être diffusé sur les networks américains avec NYPD Blue. Avec les neuf premières du pilote de Brooklyn South, en 1997, il réussit encore à faire parler de lui. Pour l’époque, pour CBS, une explosion de crâne en prime time c’est presque plus traumatisant que les fesses de Dennis Franz sur ABC. Du coup, avant même la diffusion du pilote, la presse US parlait régulièrement de la violence de la scène d’ouverture de la série.

La polémique en elle même sera de la publicité gratuite pour la série qui, malheureusement, ne dépassera pas son unique première saison. Et c’est bien dommage. Brooklyn South, que l’on doit aux gens qui nous ont donné NYPD Blue, Deadwood et Murder One, suit la vie d’un commissariat new-yorkais. La raison de ce tapage médiatique réside donc dans le premier quart d’heure du pilote avec une fusillade impressionnante et réaliste dans Brooklyn. Cette entrée en matière musclée n’est pas de la violence gratuite. Par cet acte, le pilote remplit sa fonction de nous présenter les personnages et les relations qu’ils entretiennent, mais par sa violence, il montre les motivations et établit un mystère qui sera au centre de la série.

Cette fusillade, mais surtout ses conséquences, apporte tout de suite une profondeur et une identité propre à un pilote somme toute classique. Comme la plupart des séries de flics, médecins ou d’avocats, la série commence par l’arrivée d’un petit nouveau au commissariat. Le John Carter de Brooklyn South est joué ici par Michael DeLuise (Gilmore Girls). Il est associé au flic expérimenté et droit, Dylan Walsh de Nip/Tuck qui deviendra son mentor. A défaut d’en apprendre beaucoup sur les personnages secondaires crédités dans le générique de ce bon vieux Mike Post, on prend quand même le temps de présenter les femmes et les membres de la famille des principaux. Cela nous donne l’occasion de revoir A.J. Langer post Angela, 15 Ans, et Jana Marie Hupp, pré Ed.

En soi, le pilote n’a pas vraiment besoin de violence gratuite. Et heureusement, ce n’est clairement pas le but de cette la fusillade. En soi, il s’agit d’un excellent point d’entrée pour la série car ses conséquences vont impliquer la plupart des personnages principaux de la distribution et bouleverser les relations qui les lient. Certains sont évidents, ainsi Gary « Non, je ne suis pas le gay obèse de Modern Family ! » Basaraba de Boomtown devra gérer les tensions raciales que les conséquences de la fusillade mettent en avant. Titus Welliver de Lost et de The Good Wife sera au centre d’un mystère de la saison. D’autres sont plus surprenants : comme la plupart des pilotes de Steven Bochco, il y a le fameux retournement de situation qui lient deux personnages qui semblent se détester mais avec un petit twist ici bien trouvé qui étoffe encore plus l’intrigue bien complexe de ce pilote.

En tout cas, ce pilote est l’occasion idéale de découvrir une série méconnue de la fin des années 90 qui a très bien résisté au temps.

Community

Ce pilote est probablement celui qui, à première vue, peut surprendre par sa présence dans cette liste. Community a un premier épisode qui met en avant la plupart des problèmes que je mentionne dans l’introduction. A sa décharge, la tâche est loin d’être évidente pour Dan Harmon. Le pilote de sa série doit présenter tous les personnages d’un groupe d’étudiants hétéroclite d’une université publique peu prestigieuse.

S’il arrive dès leurs premières apparitions à trouver les « voix » d’Annie, Shirley ou de Pierce, Britta, Abed et surtout Troy ont du être sujets à des ajustements de personnalité avec les épisodes suivants. Abed se devait d’être moins engagé, Troy devait être revu pour être adapté aux forces de son interprète et il a fallu tout simplement assigner une personnalité à Britta qui en manque cruellement dans le pilote.

Heureusement pour Harmon, se planter (plus ou moins) sur la moitié de sa distribution est une erreur qu’on peut excuser dans un pilote surtout quand on a Joel McHale dans le rôle titre. En l’engageant dans Community, il signe un contrat tacite avec son audience. On s’attend à avoir une variation de ce que McHale fait si bien dans The Soup : qu’il se moque des gens. Et c’est là où le choix de McHale est la réussite de ce pilote. On aime déjà le type. On connait déjà le personnage rien qu’à voir sa tête. Pour Harmon, l’avantage est qu’il peut permettre à Jeff d’être détestable grâce au capital sympathie déjà acquis de son interprète. Avec quelqu’un d’autre, Jeff pourrait simplement être un connard fini.

D’ailleurs la série prend un risque. Si son audience ne s’était pas déjà rendu compte que le personnage principal de la série qu’elle regarde n’est pas très sympa, Britta l’explique après que Jeff ait gagné la confiance du groupe. Dans le pilote, il se fout de la gueule de cinq personnes, les monte les uns contre les autres uniquement pour serrer une fille qu’il ne connaît à peine. Montrer et surtout adresser dès son pilote le caractère antipathique de son héros est un risque qui porte ses fruits. Jeff est un personnage détestable, mais avec McHale dans son rôle, c’est un personnage détestable qu’on aime bien.

Le pilote de Community fournit ce qu’on attend de lui : Joel McHale nous fait rire. Mais ce n’est pas la raison principale qui fait que c’est un pilote réussi. Il donne aussi, de manière un peu brouillonne certes, une idée de ce que la série va être. Le fait que la série ne soit pas là dès son pilote joue en sa faveur. Avec ses personnages qui ne sont pas encore bien formés, il montre au spectateur qui, si on lui donne un peu de temps, Community peut devenir une série spéciale. Elle essaie quelque chose de différent, il va y avoir des erreurs et des ajustements (comme leur entêtement à vouloir faire de Troy et Pierce un duo comique), mais Community, sur la base de son pilote, apparaît comme un bon investissement sur le long terme.

Il y a quelque chose d’honnête là dedans. Contrairement à How I Met your Mother ou Modern Family, il n’y a pas de révélation/gimmick de fin de pilote. La seule raison de revenir en deuxième semaine est cette idée que la série n’est pas encore rodée mais qu’elle va être de plus en plus réussie. On va nous redonner de ce qui marche dans ce pilote tout en nous promettant de travailler sur ce qui ne fonctionne pas.

Bon, on nous dit aussi que « Oui, dans notre série, il y a l’asiatique de The Hangover, et comme il n’est pas dans le pilote, il faudra revenir la semaine prochaine ». C’est un peu moins honnête comme procédé, mais on ne peut pas les blâmer d’essayer.

Alias

Alias avait un principe stupide. J’ai beau aimer la série, le principe était stupide.

Sydney Bristow est une étudiante qui travaille pour une branche secrète de la CIA, lorsqu’elle le révèle à son fiancée, ce dernier se fait tuer par le responsable hiérarchique de Sydney, elle apprend que son père avec qui elle n’a pas de contacts travaille aussi pour cette branche secrète, mais il lui révèle qu’elle n’est absolument pas affiliée à la CIA et qu’elle travaille pour l’ennemi qu’elle pensait combattre. Elle contacte alors la vraie CIA pour devenir agent double et découvre que son père est aussi un agent double pour la vraie CIA.

On y ajoute une double vie un peu compliquée avec un meilleur ami journaliste qui est amoureux d’elle, une meilleure amie qui est peut-être faite cocue par son copain, un job dans une banque qui sert de fausse couverture et des professeurs très arrangeants. En plus d’être ridicule, c’était bigrement compliqué comme idée. Et pourtant, tout fonctionne dès les premières minutes du pilote.

Pendant deux ans et demi, Alias a été une série remarquable. Son pilote possède assez de rebondissements pour une demie saison au moins, mais, contrairement à celui de Ringer, l’ensemble est d’une cohésion et d’une fluidité exemplaires à l’image de sa première saison. Ce n’était pas une mince affaire vu le nombre de personnages à établir en une heure et demie. De plus, pour son pilote, J.J. ne choisit pas la facilité en ne narrant pas son intrigue de façon linéaire. C’est un pari osé pour une intrigue aussi complexe, mais qui porte ses fruits.

Le résultat ressemble à un film. Je déteste ce genre de parallèle, mais dans le cas d’Alias, le pilote pourrait se suffire à lui même tellement il est réussi ce qui n’était pas le cas de l’autre série d’espion de la même saison, 24. De par son principe, le pilote de 24 ressemble à n’importe quel autre épisode de la série. Celui d’Alias prend des risques, mais sa qualité principale est qu’il arrive à établir clairement la série. Pas uniquement le principe tarabiscoté, mais les personnages sont là. Jennifer Garner est Sydney Bristow dès les premières minutes du pilote. On connaît clairement les relations qui la lie aux 586 membres de la distribution.
L’ambiance de la série qu’on a aimé et suivi avec plaisir pendant des années est déjà là dans ces 90 minutes. Mais en plus de cela, Truth Be Told est visuellement très stylisé, et même s’il donne les plans de la série qui va suivre, en lui même, l’épisode réussit à garder son identité propre. On peut facilement regarder le pilote en tant que film d’action de 90 minutes sans se plonger dans la mythologie rambaldienne ou le mystère Laura Bristow.

Cette force est assez rare dans un pilote. Souvent, il se contente de mettre les bases de la série et de s’assurer avec un twist final que son public sera là en deuxième semaine. Réussir à trouver sa série du premier coup est un art difficile, aller plus loin en proposant un téléfilm qui se suffit à lui même est assez exceptionnel pour qu’on le remarque.

Le tout avec le minimum syndical de Michael Vartan. Bien joué, J.J..

Conundrum