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Rhoda - Retour sur la quatrième saison de la série

Bilan de la Saison 4: A Bad Mary Tyler Moore Show

Par Jéjé, le 27 mars 2014
Par Jéjé
Publié le
27 mars 2014
Saison 4
Episode 24
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La quatrième saison de Rhoda se devait d’être celle du renouveau éclatant.  La comédie conjugale très réussie des deux premières saisons était en septembre 1977 un lointain souvenir et la comédie douce-amère sur une femme divorcée fragilisée annoncée se faisait attendre.

Si la saison précédente, consacrée à la séparation de son personnage principal d’avec son conjoint, s’était révélée une trop longue transition entre deux formats différents, elle avait le mérite d’avoir tracé une direction claire et assez originale pour la série. 
Mais de façon assez surprenante, les scénaristes optèrent pour des sentiers déjà battus et bien mieux foulés.

Une occasion manquée

Quelques épisodes (un petit quart), en première moitié de saison, montrent pourtant tout le potentiel que recellait l’évolution naturelle de la configuration de Rhoda, qui, en plus, bénéficiait du retour heureux de Nancy Walker [1]
Cette version est une série centrée sur deux soeurs, l’une divorcée, l’autre célibataire. Elles assument leur mode de vie moderne en réaction du couple traditionnel que forme leurs parents, avec à la fois enthousiasme et une certaine angoisse du temps qui passe.
Ces épisodes s’intéressent à la peur de la solitude de Rhoda (4.04 - One Is A Number), aux attentes qu’elle attache à une nouvelle relation (4.06 - Rhoda Likes Mike, 4.07 - The Weekend), aux insécurités de Brenda (4.10 - Who’s Shy ?, 4.20 - Brenda And The Bank Girl), aux conventions que s’imposent parents et enfants dans leurs relations et qui masquent le coeur de l’esprit familial (4.08 - Home Movies), à l’amour qui dure dans un couple (4.14 - Happy Anniversary). Ils ont en commun un humour fin, une grande sensibilité, un respect de l’identité de leurs personnages, un esprit progressiste et novateur. Ces ingrédients, qui avaient fait la réussite des premières années, fonctionnent encore parfaitement dans un contexte différent et prouvent que la faiblesse générale de l’écriture en saison 3 n’avait rien d’irrémédiable.

Il est alors terriblement frustrant que ce type d’épisodes constitue une exception dans la saison et que les scénaristes n’aient pas eu l’envie de faire de leur esprit le coeur de leur série.
Peut-être marqués par les audiences désastreuses de leur saison "expérimentale" [2], ils ont regardé en direction de Mary Tyler Moore (qui venait de s’achever) et ont préféré reprendre quelques motifs qui avaient fait son succès.

Oh Mister Grant !

Dans 4.02 - The Job, Rhoda, confrontée à des difficultés financières, abandonne sa carrière de décoratrice de vitrines de grands magasins et renonce à être sa propre chef. Elle démarche alors plusieurs entreprises et finit par être embauchée dans un magasin de costumes par Jack Doyle, un homme bourru, au franc parler, parfois colérique, dont l’extérieur mal dégrossi cache une grande sensiblilité.
Le modèle est on ne peut plus clair : Jack Doyle est un décalque de Lou Grant. 

Au fil des épisodes, et particulièrement de la deuxième partie, la série va s’acharner à développer une relation forte entre Rhoda et lui. L’écriture n’est malheureusement pas à la hauteur de la tâche. Les défauts de l’homme sont beaucoup plus prononcés que l’original. Son sans-gêne (4.22 - Jack’s Back), sa condescendance avec ses employés, son sexisme (4.15 - The Jack Story) sont tellement grossiers que ses dispositions tendres ou ses fêlures personnelles de fin d’épisode sonnent faux et rendent complètement forcée l’amitié de Rhoda envers lui. 
L’articificialité de cette relation est renforcé par le fait que Rhoda n’avait pas besoin de cette image masculine dans sa vie. D’un point de vue personnel, contrairement à Mary Richards à Minneapolis pour qui Lou faisait souvent office de parent de substitution, Rhoda, elle, a toute sa famille autour d’elle, à commencer par un père bien mieux écrit [3]. Et du côté sociétal, on assiste à une régression de dernière, qui passe du statut de femme entrepreneur indépendante à gentille assistante d’un macho paternaliste. 

"Correct me if I’m wrong , but did the following people juste leave your appartment : a frog-man, Ramon, a man in a suit, yournboss, a man in tights and a good-looking goat ?" - Carlton (4.22 - Jack’s Back)

Le pire, c’est que cette relation n’est pas la conséquence la plus problématique de la décision des scénarises de partager la vie de Rhoda entre son appartement et son nouveau travail. 
Gary, le voisin et ami masculin de Rhoda et Brenda, seule véritable réussite de la saison 3, est renvoyé au deuxième, voire troisième plan des épisodes et l’avoir transformé en prétendant de Brenda ne l’empêche pas d’avoir cette année autant d’importance que n’importe quelle pièce de mobilier de l’appartement de Rhoda.

Mais l’énorme faille se situe dans la branche professionnelle sélectionnée pour sa nouvelle carrière.
A tout prendre, j’aurais préféré que la copie avec Mary Tyler Moore soit plus fidèle et que Rhoda se soit retrouvée à travailler dans une station de radio. 
Choisir un atelier de costumes comme décor récurrent se situe dans la droite lignée de l’écriture humoristique pataude et parasseuse de la fin de la saison 3. La moitié du comique des épisodes repose sur le déguisement (personnages récurrents et figurants se voient régulièrement affublés de costumes d’écureuils, de grenouilles, de cochons, de kangourous, de nonnes, de généraux de "l’armée des tomates" tandis que Johnny Venture voit son temps d’antenne grandir à mesure que ses tenues deviennent clinquantes et ridicules). L’humour facile et puéril contamine dès lors toute la série. Le retour de Nancy Walker s’est accomagné d’une multiplication de blagues sur sa taille, Brenda se retrouve à jouer les bouffones et peut se retrouver trois minutes entières la tête coincée dans l’encolure de son pull (4.22 - Jack’s Back), Jack devient la cible de blagues sur les gros, Julie Kavner s’étant grandement amincie cette saison... Sans sa distribution exceptionnelle, une grande partie de cette saison de Rhoda aurait été insupportable à regarder.

Ainsi, malgré quelques pépites, la saison 4 de Rhoda convaint encore moins que la saison 3 (portée par un concept ambitieux) et ne peut faire que regretter la décision des scénaristes de terminer le mariage de Rhoda. 

Une femme, sa soeur, son patron, un homme-grenouille et une chèvre écrits par la première show-runner de la télé US et des anciens de Mary Tyler Moore.

La saison 4 de Rhoda en DVD semble ne souffrir d’aucune coupe. Si ce ne sont les dernières secondes du season finale.

— 4.01 - The Return Of Ida (Charlotte Brown)
Les retrouvailles entre Rhoda et sa mère sont plus compliquées que prévu.
On retrouve Ida, mais aussi Gary et Johnny Venture dans cet épisode, mais le ton caractéristique de la série semble absent de ce season premiere. 
La maigreur inattendue de Brenda et Rhoda est peut-être à l’origine de ce sentiment. (Hollywood, même dans les séries (un peu) féministes n’est pas tendre avec le physique des femmes.)

— 4.02 - The Job (Allan Katz and Don Reo)
Rhoda décide de changer de carrière et de trouver un nouveau travail.

Un épisode pas vraiment drôle où Rhoda rencontre son nouveau patron, un homme bourru qui a l’élégance de lui donner sa chance après une période difficile.
Exemple de l’ humour poussif de la saison : une blague sur la petite taille de Ida (qui escalade des tiroirs pour ranger une boîte dans un placard) ouvre l’épisode, une autre ("Are you one of the munchkins ?") le conclut. 

— 4.03 - Lady’s Choice (Sy Rosen)
Brenda fréquente à la fois Benny et Gary.

Un Brenda-centric très agréable, avec une référence bienvenue à l’accord passé entre Brenda et Gary la saison précédente de n’être que des amis.
Joli retour de Benny, le roller-skatter.

— 4.04 - One is a Number (Charlotte Brown)
Rhoda ne trouve personne pour l’accompagner à une pièce de théâtre.

Un formidable épisode sur l’image/l’idée de la solitude qui peut effrayer les célibataires ou les divorcés.
NB : Il y a de plus en plus en d’hommes dans les rôles secondaires (Gary, Johnny, Bennie, Jack).

— 4.05 - Ida Works Out (Dennis Koenig and Larry Balmagia)
Ida devient la collègue de Rhoda au magasin de costumes.

Un épisode convenu, dont l’humour repose sur des ressorts grossiers (Ida, la tête dans un costume d’écureuil, Rhoda qui confond une naine avec une petite fille le soir d’Halloween, Ida qui se moque de la taille de la naine…), loin du comique de personnages caractéristiques des sitcoms de MTM.

— 4.06 - Rhoda Likes Mike (Deborah Leschin)
Rhoda fréquente un homme pour la première fois depuis son divorce.

Un épisode plutôt réussi porté par le dilemme de Rhoda face au casual dating, mais handicapé par les blagues faciles et pas vraiment drôles sur les gens déguisés ("You look like a general in the tomato army") et son hulour bouffon (avec Brenda et Gary qui n’ouvrent pas la porte au date de Rhoda pour préparer l’apéro).

"This liberal dating is apparently not for me" - Rhoda

Premier épisode de la série qui se termine sur un "To be continued".

— 4.07 - The Weekend (Earl Pomerantz)
Rhoda accepte de passer un week-end au ski avec Mike.

Un épisode formidable, sur les attentes de Rhoda, qui se rend compte qu’elle n’est pas aussi moderne qu’elle le pensait, qui oppose “the possibilty of a promesse of a future” à “just the present”, “china” à “paper plates”, “buy” à “rent”, “newstand” à “subscription”...
L’un des rares épisodes où la série se souvient de la vie et des désirs sexuels de ses personnages (Brenda gère avec difficultés sa relation chaste avec Benny).
Le personnage de Ida est enfin bien utilisé cette saison en contrepoint conservateur aux agissements de ses filles.
Jolie rupture finale sereine et adulte. 

— 4.08 - Home Movies (Allan Katz and Don Reo)
Un dîner de famille chez les Morgenstern prend un tournant inattendu.

Un très bel épisode sur les relations entre parents et enfants, la superficialité des conversations obligatoires des dîners de famille et la façon avec laquelle tout le monde se laisse entraîner par facilité et paresse dans ces travers qui ne font plaisir à personne.
L’épisode prend un tournant très touchant quand l’enchaînement des scènes des films de famille montre en image aux quatre Morgenstern que leur famille s’est constituée sur autre chose que ces dîners bi-hebdomadaires devenus lugubres.
Encore quelques allusions bienvenues à la sexualité des parents.
Les blagues sur la taille de Ida sont devenus les nouvelles blagues sur le poids de Brenda.

— 4.09 - Johnny’s Solo Flight (Dennis Koenig and Larry Balmagia)
Après un revers professionnel, Johnny Venture est dans le doute.

Un très joli épisode, similaire cependant à l’épisode de Mary Tyler Moore où Ted fait une crise cardiaque (7.05 - Ted’s Change Of Heart)
Johnny, désamparé, se remet en cause, son style et se livre à Rhoda qui voit enfin en lui un véritable être humain… Avant que tout ne redevienne comme avant !

— 4.10 - Who’s Shy ? (Dennis Koenig and Larry Balmagia)
Brenda décide de vaincre sa timidité.

Un formidable Brenda-centric, qui utilise tout le talent comique de Julie Kavner, particulièrement dans une scène où elle mime Ida.
Jack se révèle pour une fois touchant. 
Gary fait un side-kick très transparent cette saison.

— 4.11 - Blind Date (Don Reo)
Rhoda doit faire face à sa propre superficialité.

Un épisode sympathique, qui se conclut un peu trop facilement (le petit moche se révèle un immonde connard) et empêche Rhoda d’aller plus loin dans l’exploration de ses critères physiques. 
Sur le sujet, l’épisode où Brenda refusait de sortir avec un homme qui l’avait ignorée quand elle était plus grosse (3.07 - An Elephant Never Forgets) était plus intéressant.
Le dernier gag est hilarant.

— 4.12 - Ida Alone (David Lloyd)
Ida se désole d’avoir perdu sa meilleure amie.

Un joli épisode sur la solitude sociale grandissante des personnages âgées.
En revanche, David Lloyd n’hésite pas à jouer l’humour “costumes” dans cet épisode où l’on trouve Rhoda habillée en lapin rose et Ramon essyant le sol avec une tête de cochon en éponge (il est assez atroce ce rôle de benet innocent !)

— 4.13 - All Work and No Play (Deborah Leschin)
Rhoda oublie de s’arrêter de travailler.

Un épisode sympathique sur la relation déséquilibrée Brenda/Rhoda et une jolie conclusion.
Le personnage de Jack prend un peu d’épaisseur, même si sa sagesse mélancolique est assez convenue.

— 4.14 - Happy Anniversary (Charlotte Brown)
Ida et Martin viennent fêter leur 40ème anniversaire de mariage chez leurs filles.

L’épisode le plus drôle de la saison avec une Nancy Walker exceptionnelle dans toute la première partie.
La fin émouvante bien qu’attendue est servie par deux acteurs formidables.

— 4.15- The Jack Story (Allan Katz)
Rhoda propose à Jack de l’accompagner à un dîner où ce dernier a à coeur d’impressionner un ancien ami.

Episode intéressant mais frustrant qui voit Rhoda être confrontée à une femme soumise et au comportement sexiste de Jack et de l’un de ses amis. 
On est soulagé de voir que Rhoda ne peut pas longtemps les supporter et qu’elle fini par écraser un gâteau sur Jack après une petite tape sur les fesses, mais déçu par leur réconciliation, certes inévitable, mais trop creuse et qui n’approfondit pas du tout, voire ne remet pas en cause, l’attitude sexiste et rétrograde de Jack.

— 4.16 - Rhoda Cheats (Charlotte Brown)
Rhoda s’inscrit au meme cours de soir que Brenda.

Un épisode sympathique, qui permet à Jack d’être autre chose que le patron bourru de Rhoda. Il lui sauve la mise lors d’un monologue assez drôle à la fin de l’épisode.
Triste retour des blagues sur le poids de Brenda.

— 4.17 - Gary and Ida (David Lloyd)
Après le départ de sa mère pour la Floride, Gary semble ne pas pouvoir se débrouiller sans l’aide des femmes Morgenstern.

Le premier Gary-Centric de la saison, beaucoup moins réussi que celui de la saison 3, qui passe à côté de son sujet (les hommes confortés dans leurs inhabilités aux tâches ménagères).
Beaucoup de comédie avec les costumes (Ramon qui repasse les rides du gorille, Jack qui saute déguisé en kangourou…)

— 4.18 - As Time Goes By (Deborah Leschin)
Rhoda et Jack se retrouvent au cours d’une soirée coincés dans des toilettes.

Un horrible épisode qui, on l’imagine, est sensé renforcer le duo Jack-Rhoda, qui n’ont rien d’autre en commun que d’être saoûls et de chanter une chanson de Casablanca.

— 4.19 - Two’s Company (Don Reo)
Benny devient l’associé de Gary au magasin de jeans.

Un épisode assez plat, qui montre que Gary et Benny n’ont pas été développés pour porter sur leurs épaules pour porter une intrigue principale.
Très bon moment final entre Rhoda et Brenda qui imite Tina, l’un des employés du magasin (future récurrente en saison 5).

— 4.20 - Brenda and the Bank Girl (Earl Pomerantz)
Brenda se décide à participer à un concours organisé par sa banque.

Un joli Brenda-centric consacré à ses insécurités et à la peur de l’échec et du ridicule.
Julie Kavner est exceptionnelle de drôlerie et de fragilité dans cet épisode.

— 4.21 - So Long, Lucky (Allan Katz)
Rhoda se révèle pour un policier l’une des pires (et des plus dangereuses) rencontres de sa vie.

Un épisode étrange, entièrement basé sur un comique avec des animaux et dont le ton semble encore plus que d’habitude endécalage avec la série.

— 4.22 - Jack’s Back (Deborah Leschin)
Jack est hébergé chez Rhoda le temps que son dos douloureux guérisse.

Un épisode emblématique de tout ce qui ne va pas dans cette saison : la relation artificielle entre Rhoda et Jack, des costumes, Brenda reléguée en bouffone. 
Il y a même une chèvre en tutu qui mange une part de pizza.

— 4.23 - Five for the Road : Part 1 (Charlotte Brown and Allan Katz & Don Reo)
Rhoda, Brenda, Ida, Benny et Jack prennent la route à la recherche du passé romantique de ce dernier.

Un épisode plombé à nouveau par une écriture comique paresseuse.

— 4.24 - Five for the Road : Part 2 (Charlotte Brown and Allan Katz & Don Reo)
Les cinq compagnons passent la nuit dans un restaurant abandonné.

Toutes les scènes entre les femmes Morgenstern fonctionnent mais l’ensemble tourne un peu à vide dans un épisode qui vante de façon trop appuyé le bienfaits des souvenirs.

Jéjé
P.S. Je commence à croire que CBS a eu une bonne idée en annulant Rhoda au cours de sa cinquième saison...
Notes

[1revenue incarner Ida Morgenstern après les échecs des deux sitcoms bâties autour d’elle la saison télévisuelle précédente

[2En une année, Rhoda est passée de la 7ème à la 32ème place des audiences américaines.

[3Il est dommage que Martin soit à cet égard bien moins présent dans cette saison.