Pourtant, il semble pourtant clair que Charlotte Brown (toujours showrunner de la série) et son équipe n’ont pas été satisfaits par leur travail sur la saison précédente.
Ces ultimes épisodes (treize furent produits avant que CBS n’annule la série pendant la pause hivernale et seulement les neuf premiers furent diffusés) paraissent construits en complète réaction.
La relation de Rhoda avec Jack Doyle, son nouveau patron, imitation artificielle et ratée de celle de Mary avec Lou Grant, passe au troisième plan des intrigues. Cette discrétion à l’écran de leurs rapports permet de les simplifier, Rhoda et lui sont de bons amis, et de rendre bien plus adéquates les apparitions de Jack, qui forme avec Ida un duo antagoniste très drôle.
De plus, l’humour potache et niais lié aux déguisements disparaît quasi complètement de la saison. Il y a bien un épisode (5.10 - The Date in the Iron Mask) où l’un des prétendants de Rhoda se retrouve la tête coincée dans un masque d’extra-terrestre mais ce gag s’inscrit de façon fluide dans l’histoire et participe à un humour plus fin que le seul fait de voir un homme en smoking avec une tête verte (ce masque ruine les espoirs de Rhoda de pouvoir parader en public avec un très bel homme).
Mais les scénaristes ne se sont pas contentés de proscrire les défauts flagrants de leur dernière saison, ils sont allés chercher les forces des précédentes.
De la première, ils ont repris la structure très feuilletonnante de sa première partie, celle qui avait abouti au mariage de Rhoda, de la deuxième, la focalisation des intrigues sur Brenda, de la troisième, l’audace de briser un couple emblématique de la série.
La saison est ainsi construite sur deux arcs : un court, celui d’une séparation entre Ida et Martin dans le premier épisode (5.01 - Martin Doesn’t Live Here Anymore), qui se résout par son retour quelques épisodes plus tard (5.07 - Martin Comes Home) et se conclut un peu plus tard avec le couple Morgenstern resoudé (5.11 - Martin Swallows His Heart), et un long, celui du mariage de Brenda. Benny lui demande en effet sa main en début de saison (5.04 - Brenda Gets Engaged) et on la suit se préparer et accepter plus ou moins facilement à changer de vie.
Rhoda retrouve ainsi dans les épisodes consacrés à ses parents ou à sa soeur son statut de straight-character en dépit de sa vie moins "parfaite" qu’en saison 2, ce qui lui rajoute peut-être une touche de mélancolie et de résignation bienvenue [2].
On voit peu sa vie sentimentale mais l’on peut imaginer que le décalage entre sa vie de divorcée mélancolique et celle de Brenda de fiancée enthousiasme aurait pû être la source de nombreuses histoires si la saison avait été complète. J’ai envie de croire que ces conflits auraient pu réactiver l’exploration de la composante féministe de la saison, qui est la grande absente de cette saison. Il est probable qu’après deux années d’audiences calamiteuses les scénaristes n’avaient pas envie de prendre les téléspectateurs à rebrousse-poil sur le sujet, même si la cause fait une apparition dans le 5.09 - The Total Brenda, dernier épisode diffusé à l’époque par CBS, dans lequel Rhoda s’afflige du fait que Brenda, pour remonter le moral de Benny, se transforme en femme au foyer soumise aux seuls désirs de son (futur) mari.
Il est assez ironique (et jubilatoire) que le seul épisode avec un regard vraiment critique sur la révolution conservatrice en marche des années 80 soit celui qui fasse office de finale.

Au bout du compte, ces treize épisodes parviennent à former un tout homogène et très agréable.
Et s’il est assez frustant que la série n’ait pas eu le droit à un finale en bon et due forme, en revisitant les caractéristiques des précédentes [3], cette dernière saison porte un parfum nostalgique parfaitement approprié à une fin de série.
De plus, la dernière scène fonctionne très bien en épilogue de la série : les trois femmes de la série (Rhoda, Brenda et Ida) se retrouvent au cinéma et à l’issue d’une conversation touchante, les trois se réconcilient et Brenda, peut-être la véritable héroïne de Rhoda, quitte la scène en femme sûre du chemin qu’elle a décidée d’emprunter pour sa vie.
Brenda et les Morgenstern, écrits par des femmes et des hommes et dans le respect de la parité
Cette saison n’a pas bénéficié d’une sortie en DVD.
On peut cependant trouver sur le net des enregistrements vidéo de la série réalisées lors de ses rediffusions en syndication. La plupart des épisodes sont amputés d’une ou deux minutes et sont des versions montées pour Nike At Nite, la version nocturne de Nickoledon, qui, de sa création jusqu’au milieu des débuts 2000, possédait une grille de programmes constituées uniquement de séries des années 1950 à 1970.
— 5.01 - Martin Doesn’t Live Here Anymore (Charlotte Brown)
Rhoda et Brenda apprennent que Martin a quitté leur mère quelques semaines auparavant.
Un épisode très réussi autour du sens de la vie après 60 ans, des peurs et des espérances qui l’accompagnent.
L’épisode aborde également la relation de Brenda avec Benny et confronte cette dernière à sa peur de l’engagement.
[Horrible coupure finale avec un fondu noir en plein milieu d’une scène.]
— 5.02 - In Search of Martin (Aubrey Tadman and Garry Ferrier)
Rhoda, Brenda et Benny partent en Floride… à la recherche de Martin.
La suite directe du précédent et, à nouveau, un très bel épisode sur la vie après 60 ans. On retrouve l’esprit doux-amer familier de la série.
— 5.03 - Rhoda vs. Ida (Bob Ellison)
Ida fréquente un jeune médecin, au grand dam de Rhoda.
Un épisode très agréable, qui fonctionne très bien sur l’inversion classique des rôles mère/fille.
On apprend dans cet épisode que Gary est parti à Chicago, en laissant à la série l’une des ses employés, Tina, que l’on avait déjà rencontrée la saison dernière.
[Plusieurs coupures atroces pendant l’épisode.]
— 5.04 - Brenda Gets Engaged (David Lloyd)
Benny demande Brenda en mariage.
Un formidable épisode, drôle, touchant.
Scène géniale où Benny serre la main de Brenda après qu’elle a accepté sa demande et la remercie avant qu’elle ne le remercie à son tour.
Etrange réaction de Rhoda, très rétive à l’idée que sa soeur puisse vivre avec un homme sans être mariée, bien qu’elle soit en accord avec l’esprit moins libéral qu’elle pense avoir.
Rhoda : That ? A man’s suit ? No, it’s the Annie Hall look.
— 5.05 - Meet the Goodwins (Charlotte Brown)
Le seul épisode de la saison un peu en deça (qui coïncide avec le premier gag de la saison lié à un personnage dans un costume ridicule), avec un titre trompeur.
L’épisode ne s’intéresse pas du tout à la rencontre entre Brenda et ses beaux-parents, c’est un prétexte pour associer Rhoda à un nouveau prétendant, qui a le désagréable honneur de faire partie au bout de cinq minutes d’antenne du TOP 5 de guests les plus désastreux de la galaxie Mary Tyler Moore.
Rhoda : Brenda, you didn’t wear a bra since high school.
— 5.06 - Ida’s Roommate (David Lloyd)
Ida se sent attirée par son colocataire.
Un Nancy Walker très réussi.
Jack fonctionne beaucoup mieux en antagoniste ponctuel de Ida qu’en substitut de Lou Grant pour Rhoda.
[Episode non édité.]
— 5.07 - Martin Comes Home (Charlotte Brown)
Une surprise de taille attend Ida le jour de son anniversaire.
Formidable épisode qui traite avec intelligence le retour de Martin et montre une Ida blessée, qui va mettre du temps à être reconquise par son mari.
Très belle scène finale où Martin lui déclare son amour et où elle demande à le fréquenter occasionnellement.
— 5.08 - Jack’s New Image (Aubrey Tadman and Garry Ferrier)
Jack se sent un homme neuf après avoir perdu quelques kilos.
Un Jack Doyle centric étrangement très réussi, qui délivre un discours bienvenu sur l’apparence (un des thèmes majeurs de Rhoda, malgré le physique hollywoodien de Valerie Harper).
Et “Life is like a trash-can” est quand même une analogie plus intéressante que celle qu’on trouve dans Forrest Gump.
— 5.09 - The Total Brenda (Emily Purdum Marshall)
Brenda se transforme en femme servile pour tenter de soigner l’égo blessé de Benny.
Un épisode plus intéressant que drôle sur la place des femmes et son évolution au sein du couple, qui se termine par une scène très réussie de réconciliation entre les deux soeurs dans la salle des machines à laver.
— 5.10 - The Date in the Iron Mask (Bob Ellison)
Rhoda est nominée pour son travail tandis que Brenda éprouve quelques difficultés avec sa bague de fiançailles.
Un épisode plus réussi que le titre ne le laissait supposer : son gag central (le rendez-vous de Rhoda qui se retrouve la tête coincé dans un masque de créature de science-fiction) se révèle moins pénible que beaucoup d’autres du même type que l’on trouvait en saison 4.
La scène finale entre Rhoda et Jack est pour le coup bien plus touchante que les épisodes de la saison précédente où les scénaristes forçaient leur relation.
— 5.11 - Martin Swallows His Heart (Bob Ellison)
La soirée romantique que Martin avait prévue pour reconquérir Ida ne se déroule pas comme il l’avait prévu.
Un épisode sympathique qui conclut l’arc du départ de Martin.
— 5.12 - Earl’s Helping Hand (Emily Purdum Marshall)
Le retour (pas si abominable que ça) du frère de Benny.
Un épisode sympathique qui parvient à rendre supportable le frère de Benny, dont la première apparition rappelait pourtant les heures sombres des abominables guests de Mary Tyler Moore. Et cela faisait longtemps qu’un épisode n’était pas centré sur la vie amoureuse de Rhoda.
[Episode non édité.]
— 5.13 - Brenda Runs Away (David Lloyd)
Brenda ne supporte plus que ses proches prennent des décisions concernant sa vie sans la consulter.
Un très joli épisode sur Brenda, qui se voit écartelée dans sa volonté de faire plaisir à ses proches et ses propres désirs (dont elle n’est pas entièrement sure).
La dernière scène, touchante et réussie, offre une conclusion satisfaisante à la série en rappelant que la véritable héroïne de Rhoda, c’est Brenda.
[1] D’après ce que j’ai pu comprendre par la lecture de quelques articles et interviews de l’époque.
[2] Il faut au moins ça pour rattraper les bouclettes de son abominable permanente qui font oublier que Valerie Harper et son personnage ont pu être à une époque des icônes de la mode populaire.
[3] Cette saison n’aurait pas été la dernière, je pense que j’y aurais trouvé un certain manque d’inspiration…