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The Office

1.06 - Bilan de la Saison 1

Redundancies vs Downsizing

lundi 2 juillet 2007, par Gizz

On parle beaucoup de la version américaine de The Office sur pErDUSA, avec le génial Steve Carell, mais pas assez de la version originale de ce programme, avec le non moins génial Ricky Gervais. C’est pourquoi nous avons demandé à Gizz, l’intermittent de pErDUSA, de nous concocter un petit bilan de la première saison de The Office US en la comparant à sa version anglaise.

A l’heure où la France a décidé de travailler plus pour gagner plus, et de suivre le grand exemple américain du monde du travail, il fallait bien en faire un spot promotionnel pour nous en vanter les plus grands mérites. Nous voici donc en 2005 avec l’adaptation américaine par NBC de la plus brillante série comique de tous les temps (si, si). Malheureusement, la France a ses lacunes, et le retard en est sa tête de gondole.

The Office US est une série tournée sous forme pseudo-documentaire, où la vie de tous les jours d’une PME du fin-fond de la Pennsylvanie prend un intérêt réel grâce à ses personnages humains, attachants et pour certains très réalistes. Le show tourne autour du personnage de Michael Scott, patron aussi dévoué que désavoué, ne souhaitant que le bonheur de ses employés et la faveur de leur admiration. Sur les trois autres marches du podium (oui, c’est un podium à 4 marches, c’est nouveau et ça m’arrange) des personnages principaux, on trouve Dwight, assistant to the regional manager, subalterne soumis et supérieur maniaque de l’ordre militaire, et le couple maudit Jim/Pam, Saint Graal de la Communauté Shipperiste Internationale (rien à voir avec la série du même sigle).
Autour de ces deux couples gravitent une belle galerie de personnages secondaires, sur lesquels je reviendrai dans une partie un peu plus ordonnée du bilan, si vous êtes sages.
Le gros point fort de cette série, et sa plus grande originalité (celle de sa cousine britonne, tout du moins) réside dans sa qualité de faux documentaire, où la caméra n’est absolument pas invisible et où les moindres faux pas sont traqués, sans le moindre souci d’objectivité. Ce qui donne naissance à des jeux d’acteurs avec cette dernière aussi subtils que naturels.

A fast-paced show, with better teeth...

Quel intérêt avait donc la chaîne et les créateurs à s’encombrer d’une autre version de la série, quand on voit la réussite de l’originale, et surtout les catastrophiques tentatives de transfuge qui ont précédé celle ci ? (Qui a hurlé "Coupling !" ?). Si l’argument commercial est sans doute de mise pour NBC (la version britannique a remporté deux Golden Globes l’année précédente et jouit dont d’une renommée importante), Greg Daniels, le producteur exécutif, ainsi que Ricky Gervais et Steven Merchant, les créateurs de l’Originale, avaient certainement des choses à rajouter.
C’est d’ailleurs ce qui manque aux débuts de la série, cette petite pointe d’intérêt supplémentaire, ou de variation dans le discours et le point de vue. Même si Greg Daniels se défend bien de cette raison, il est indéniable que la série est, au premier abord, une version américanisée et accélérée de la version originale (qui est peut-être un peu trop différente des autres productions américaines pour pouvoir obtenir un réel succès). Le pilote en est d’ailleurs un exemple un peu trop flagrant, qui malgré des qualités comiques extraordinaires, fait figure de "traduction" pure et simple du premier épisode anglais. On y assiste donc à une version accélérée et traduite du pilote original, avec un rythme plus soutenu ( la faute aux 21 minutes au lieu des 30 minutes originales, et aux habitudes du téléspectateur américain ?), et où les "redundancies" sont devenus des "downsizing".
Si l’intention semble persister dans les épisodes suivants, l’éxécution en est nettement meilleure. En effet, les intrigues semblent bien consister en des portages au monde du bureau américain, avec ses spécificités et ses problèmes propres.

Mockumentary or unreal-tv ?

Aux Etats-Unis, la télévision est une arme légale. Les américains ont un rapport différent à l’image et un comportement beaucoup moins naturel et soumis à la caméra. Ils sont beaucoup plus à l’aise, et savent profiter de l’objectif aussi bien que l’objectif sait profiter d’eux. La réalisation est elle aussi différente, et puisque les gens sont à l’aise avec la caméra, elle l’est elle aussi avec eux. S’ensuit donc une présence importante, et un rôle narratif encore plus dominant (et surtout plus assumé) que pour la télévision européenne. Et ce qui s’applique à la real-tv s’applique tout autant à The Office. Michael Scott est certainement plus conscient des pouvoirs de la télévision que David Brent, son homologue anglais. (On imagine mal un épisode semblable à l’épilogue original, où Michael critiquerait les choix de montage et la réalisation orientée et "à charge" du documentaire qu’il croyait destiné à faire l’apologie de ses méthodes de management). Il en est de même avec les autres personnages, si Jim est un garçon plutôt timide, il n’en n’est pas moins joueur dès que l’objectif le prend pour sujet. Et Pam, qui semble avoir quelques problèmes pour se libérer devant la caméra et même en public, se découvre loquace avec un discours touchant pour peu qu’on l’interroge en aparté.
Ce comportement est certainement un héritage de l’omniprésence du cinéma et de la télévision dans la culture américaine, et particulièrement de la real-tv.

So, can we watch it, then ?

Oui, pardon, je m’égare. Tout ceci ne nous dit pas si l’adaptation est bonne, ou en tout cas si The Office US est une série agréable à regarder.
En l’espace de six épisodes, Greg Daniels tente d’imposer une vision différente et adaptée à la culture américaine du monde du travail. Et on peut dire qu’il y arrive plutôt bien, malgré des ratés et des épisodes un peu plus faibles, au niveau des intrigues choisies, et surtout des caractères des personnages.

Michael Scott est, on peut le dire, une réussite. Malgré un physique très différent de celui de David Brent, il en conserve tout de même les pires défauts, en ajoutant une tendance à charmer ses troupes à coups de sourires parfaits. Il gagne ainsi un capital "sympathie" qu’il compense en perdant le pathétisme attachant de Ricky Gervais (du moins en saison 1). Il en reste un patron exécrable, plus investi dans un rôle de père ou de "tonton rigolo" pour faire grimper sa côte de popularité et jouir de l’admiration qu’il est persuadé de recevoir de ses "disciples", que dans son rôle de patron censé prendre les bonnes décisions, tout en étant capable des pires égoïsteries pour défendre ses intérêts. Et si le personnage touche, c’est d’abord parce que Steve Carell est un grand acteur, et ensuite parce ce portrait n’est pas fantaisiste pour un sou, et qu’il est fréquent de croiser ce type de personnage dans le vrai monde cruel et réel du Travail.

Dwight Schrute, quant à lui, est certainement le personnage le moins réussi de la série (et le plus éloigné du personnage original, Gareth). Si les deux homologues sont des amoureux de l’ordre et de la discipline, doublés de lèche-bottes, Gareth est autant obsédé sexuel que Dwight est un maniaque psychorigide. Beaucoup trop, d’ailleurs. A tel point qu’il en perd tout réalisme, et que malgré ses talents de victime et de bourreau, il perd un peu le contact avec le reste du bureau, tous plus humains les uns que les autres. La faute à Rainn Wilson, l’acteur ? ou à l’écriture ? Sans doute un peu des deux. Il n’en reste pas moins un personnage indispensable, à la source de nombreuses situations comiques, tant avec Michael qu’avec Jim.

Jim et Pam. Tellement indissociables qu’ils ont un paragraphe commun dans ce bilan. C’est dire. Un des plus belles romances de l’histoire de la Télévision (avec un grand T, s’il vous plaît), qui pousserait un bourreau à demander son inscription au C.S.I. (voir plus haut). Si John Krasinski peut paraître un peu fade dans les premiers temps (surtout quand on est fan de Martin Freeman), Jenna Fischer est, elle, la véritable révélation de la série. Plus encore que Steve Carell, elle met tous ses talents d’actrice au service de la profondeur du personnage, et... et... c’est beau. Leur alchimie fonctionne parfaitement et cet élément primordial de la série originale a su être conservé, voire même amélioré sur certains points (la relation Pam/Roy, ou les interactions Roy/Jim, par exemple), malgré les différences de caractère, notamment entre Pam et Dawn, son alter-ego british.

Les personnages secondaires, font leur travail, et ils le font bien. Ils viennent étoffer le tableau dépeint de la même manière que dans un documentaire ou une émission de real-tv. Sans être mauvais, ils sont volontairement plus vides, pour beaucoup mal à l’aise avec la caméra, et souvent cantonnés à une expression, ou du moins à un rôle de complément dans les scènes. Ce procédé étant assumé, il en est pleinement efficace, et permettent aux "vrais" personnages d’être mis en lumière, et de donner leur meilleur. Côté acteurs, ils viennent pour la plupart du milieu de l’improvisation, et savent donc apporter leur propre contribution à l’écriture déjà excellente et étoffée de la série.De plus, trois d’entre eux (Paul Lieberstein, Minda Kaling et B.J. Novak) sont avant tout des (très bons) scénaristes de la série. Ils ont d’ailleurs écrit les trois meilleurs épisodes de la saison 1.

What is going on here ?

C’est que, pendant ce temps, le bureau de Dunder Mifflin vit sa petite vie. Avec des hauts, comme l’épisode du Diversity Day (épisode 2), avec une intrigue hilarante, où Michael fait preuve d’un racisme extrême en voulant jouer les Martin Luther King.

"This is the Olympics of Suffering. Slavery versus the Holocaust ! Come on !"

L’épisode suivant est dans la même veine, avec le Healthcare Plan, préoccupation typiquement américaine, où la protection sociale n’est pas idéale. Il démontre peut-être un peu trop de la volonté d’intégrer la série au système américain, mais n’en est pas moins réussi. L’épisode 4, quant à lui, avec l’histoire du gâteau d’anniversaire et de l’alliance Jim/Dwight, est l’épisode le plus décalé de toute la saison, Dwight y est trop crédule et pas assez réaliste, pendant que la réalisation très "artificielle", avec notamment des montages alternés, créé certes des scènes d’un comique très réussi, mais fait pencher la série du côté de la fiction en oubliant le charme que donnait le côté "documentaire brut et brouillon" dans la version originale. L’épisode suivant du match de basketball est malheureusement dans la même lignée, car pas spécialement subtil (l’affrontement entre Roy et Jim n’a plus rien de discret et psychologique, il est totalement et virilement assumé).

Heureusement, la série retrouve les rails pour le dernier épisode, avec un très bon portrait des comportements masculins autour d’une jolie fille. La conclusion rejoint celle de David Brent, avec une grande tirade humaniste plombée par une conclusion douteuse. Du grand Michael Scott.

Verdict ? Et ensuite ?

C’était bien !

La série joue peut-être encore un peu trop sur les différences générales du monde du travail entre l’Amérique et la Grande Bretagne (système social, de santé, problèmes raciaux) sans trop s’intéresser aux détails quotidiens qui faisaient le comique et le génie de la version originale. Elle est malgré tout très bonne, et avait sans doute besoin de cette saison "transitionnelle" pour pouvoir se libérer en saison 2 (qui, selon mes sources, est encore meilleure que la première)... Le choix d’une saison à 6 épisodes, typiquement anglaise et plutôt rare outre-atlantique, dénote certainement d’une volonté d’aller dans ce sens.
Maintenant, on oublie Wernham-Hogg Slough, car leurs cousins de Dunder-Mifflin Scranton ont bien mérité la scission.

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