Si depuis quelques années, grâce a France 4, les téléspectateurs français ont découvert le mystérieux Docteur, son TARDIS, les Daleks, les Cybernautes et les Seigneurs du Temps, ils sont passé à côté des précédentes incarnations du Docteur (Huit avant que Christopher Eccleston ne reprenne le rôle) et l’une des séries les plus longue de l’histoire de la télévision.
Avant que Russell T Davies ne ressuscite « Doctor Who » au début des années 2000, la série avait occupé sans discontinuer les écrans de la BBC de 1963 à 1989. Plus de 20 ans d’existence, quelque 700 épisodes qui constituent un véritable phénomène culturel et populaire en Angleterre (et d’autres contrées, sauf bien entendu la France).
« Doctor Who » est l’exemple parfait du programme fauché qui réussit à s’imposer en dépassant le cadre pour lequel il était conçu. Car dans l’esprit des patrons de la BBC, il n’était pas question de proposer une série fantastico-délirante, un programme science fictionnel décalé, mais bien une émission censée initier les jeunes anglais à l’Histoire. Le Docteur devait être un guide voyageant à travers le temps, rencontrant des personnages illustres, et commentant les grands événements historiques. Le premier Docteur est d’ailleurs un vieux monsieur bienveillant, et un peu excentrique, une sorte de grand-père ou de grand-oncle sympathique qui voyage dans le temps certes, mais qui n’a rien à voir avec les aventuriers plus ou moins bondissants qui lui succéderont.
Mais le destin est souvent capricieux, et quand le scénario de la seconde aventure dut être remplacé en catastrophe, les auteurs et en particulier le scénariste Terry Nation, inventèrent les Daleks, et la série glissa vers la S.F. Petit à petit la dimension pédagogique disparait et, au bout de deux saisons, le docteur cesse d’être considéré comme un programme pour enfant (du moins par les scénaristes et le public, la BBC mettra plus de temps à voir tout le potentiel de son programme) pour devenir une vraie série de science-fiction.
De professeur d’Histoire, le Docteur se transforma en voyageur spatio-temporel rencontrant extraterrestres, créatures étranges et de temps en temps personnages illustres. Ce glissement de terrain attira rapidement un autre type de public, plus âgé. Si la série conservera son orientation vers un public familial, elle ne fut plus regardée que par les petites têtes blondes anglaises, mais aussi par leur grand frère féru de S.F., et parfois leurs parents...
Si la série vit son auditoire augmenter, la BBC n’augmenta pas pour autant le budget du programme, et le Docteur rencontra plus qu’à on tour des créatures de carton-pâte dignes des pires séries Z. Pour autant la série, grâce à une réelle inventivité, réussit à engendrer un univers propre, tirant parti de l’aspect (très) cheap des décors et des costumes. Loin de considérer le manque d’argent comme une tare, les créatifs travaillant sur le programme tirèrent partie du moindre centime et usèrent de leur imagination pour palier au manque de moyen. L’une des créatures mes plus marquantes de l’univers du Docteur, les Daleks, sont ainsi une poubelle retournée et customisée.
Cet univers de bric et de broc restera longtemps la signature visuelle du programme, et les rares augmentations de budget accordées par la BBC (qui malgré le succès croissant n’accordera jamais à la série un budget conséquent) n’auront jamais conduit les créatifs à se départir d’un certain aspect artisanal. Le fait que la série ne passa jamais du support vidéo au support film contribua à donner un côté cheap, mais en parfaite adéquation avec l’esprit délirant du programme.
Le terrain de jeu du Docteur n’ayant pas de limite, à bord du TARDIS il peut voyager à travers le temps et l’espace à sa guise, il offre un champ illimité de possibilités aux scénaristes. Non seulement le Docteur peut croiser n’importe quel personnage historique, explorer n’importe qu’elle époque passée ou à venir, mais en plus il peut le faire dans n’importe quel coin de la galaxie. Ce sont des milliers de races extraterrestres, des milliers de planètes à visiter, à l’époque qu’il souhaite. Dans ces circonstances les scénaristes peuvent à leur guise imaginer ce qu’ils veulent.
Si cela ne suffisait pas, le Docteur lui-même est un personnage au potentiel illimité. Dès le début il est établi qu’il est un être quasi immortel, grâce à sa capacité à se régénérer, s’il meut, il renait sous une nouvelle forme. Cette transformation n’est pas seulement physique, mais aussi psychologique, le caractère du docteur évoluant en même temps que son aspect physique. Le premier docteur est un vieil homme excentrique, et à la limite de la sénilité ; lui succèderont des incarnations plus jeunes dont le caractère évoluera entre la gentille excentricité, l’introversion, voire la pure loufoquerie clownesque.
Cette donnée permet aux scénaristes de donner des colorations différentes à la série en fonction des changements d’acteur dans le rôle titre : plus légère ou plus sombre, plus drôle ou plus réaliste. Pendant la durée de la série, le Docteur aura 7 incarnations différentes (plus une 8° lors d’un téléfilm en 1996)
Une des raisons du succès du Docteur vient de la qualité des histoires racontées. Le principe de narration est celui de l’arc. Chaque histoire est découpée en moyenne en 5 à 6 épisodes de 30 minutes (mais il y a certaines histoires qui comptent 12 épisodes, voire qui courent sur une saison entière), une histoire s’écoule donc sur 2 à 3 heures à chaque fois. Dans ce cadre, le développement des personnages secondaires est particulièrement poussé, l’intrigue est des plus fouillée, et les rebondissements abondent tout au long des épisodes de l’arc.
Cette construction permet aussi de garder les téléspectateurs en haleine à la manière des sérial, et « oblige » à ne pas manquer l’épisode suivant.
Si au cours des années il y aura des baisses passagères de régime, la qualité de la série restera globalement constante, et elle pu ainsi rester à l’antenne pendant 26 saisons.
Le Docteur est immortel, mais « Doctor Who » finira tout de même par disparaître des écrans à la fin des années 80. La BBC ne parlera pas d’annulation, mais d’interruption prolongée. Plusieurs projets, dont un de Steven Splielberg, seront lancés pour faire renaître le Docteur, mais aucun n’aboutira.
Jusqu’à 2005... mais c’est une autre histoire
Dernière mise à jour
le 12 mai 2012 à 21h06