IMPRESSIONS — Misfits, épisode 3x08
Qu’elle ETAIT belle ma série...
Par Dominique Montay • 20 décembre 2011
Chaque semaine, Le Village s’inflige le visionnage d’une série autrefois très plaisante à suivre devenue aujourd’hui une torture de tous les instants. Elle est britannique, elle ne respecte rien (même pas ses personnages), c’est « Misfits ».

Fantômes. Dealers. Voyage dans le temps. Vidéos transmises en haute qualité via un téléphone portable. Voilà.

On aime

  • La scène de sexe entre Simon et Alisha

Ou quand deux personnages sous-utilisés dans la saison se font un petit plan sexe dans les douches du Community Center, on se rince un peu l’œil devant la beauté picturale de l’harmonie que représente leur deux peaux, blanche comme un cachet d’aspirine pour Simon, brune pour Alisha.
C’est trivial, mais si je n’avais pas parlé de ça, il n’y avait pas de catégorie « on aime ».

On aime pas, ou « on SPOILE et on s’en fiche »

  • L’obstination d’Overman

Très bien… bravo l’artiste. Howard Overman a justifié le voyage temporel de Simon, le fait qu’il pouvait toucher Alisha dans le passé en quelques phrases dialoguées. Rien d’épique là-dedans. Juste du romantisme mielleux. Récapitulons (encore). Simon assiste au meurtre d’Alisha, et décide de retourner dans le passé (retour qui sera définitif… ahem…). Dans le passé, il achète un pouvoir d’immunité à Seth-du-passé sur les conseils de Seth-du-futur. Donc après il sauve Nathan (je n’ai toujours pas compris), le gang avec un sac de cacahuètes (toujours drôle, mais pas compris), sauve Alisha en se faisant tuer (euh, oui… pas compris non plus). Puis il est remplacé par Simon-du-passé qui va se taper Alisha et la regarder mourir. Puis il va revenir dans le passé… Donc Alisha et Simon sont coincés dans une boucle temporelle « d’amuuuur ».
Ok. Mignon tout plein. Ça en déborderait presque.

Sauf que si je comprend l’esprit de la boucle (enfin… surtout à quel point ça aide Overman à lier des intrigues non liables), je n’arrive pas à comprendre comment ça a pu arriver la première fois. Nathan meurt dans la voiture ? Ressuscite plus tôt ? Reste à jamais coincé dans un cercueil ? Un des membres meurt dans la confrontation avec Cacahuètes-man ? Alisha meurt par la suite ?
Overman utilise une pirouette malhabile et disgracieuse pour s’en sortir, en faisant dire à ses personnages ce qu’il veut que le téléspectateur ressente : “C’est comme ça que ça doit se passer” ; “Ah oui c’est pour ça que…” ; “Je me souviens que je t’avais vu…”… Pfffffff…

  • L’intrigue générale de l’épisode

Mou à souhait, sans intérêt. Ressortir des personnages qu’on avait oublié comme la fille prude de la première saison n’avait pas de justification, surtout que si elle doit en vouloir à quelqu’un, c’est Nathan, Kelly ou Simon. Pas Alisha qui était sous son emprise. Qu’elle la tue c’est une chose, mais que ça règle son problème n’est pas crédible.
C’est fou comme cet épisode cumule les dialogues entre personnages sans qu’il n’y ait aucune trace d’humour visible, ni réellement aucune émotion ressentie en tant que spectateur… si ce n’est la révolte.

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Mark Heap
"Quel est l’andouille qui a écrit ce scénario ?"
  • « Hé ducon, si t’es pas content, c’est pareil ! C’est pas notre faute ! »

Avec le retour des morts, le gang est confronté à ses erreurs du passé. En un épisode, Overman décide de se confronter aux deux éléments qu’il a le moins maîtrisé sur ses trois années de showrunnage : le voyage temporel de Simon au pays de « l’amuuuuur », et les répercussions morales des actions de ses protagonistes. Et il le fait avec autant de finesse et d’intelligence.

Comme pour l’autre souci, sa technique éprouvée est simple et encore une fois mise en pratique : faire dire aux personnages ce qu’on doit penser. Donc en vrac ils avaient raison de tuer les contrôleurs de peine parce qu’ils ont essayé de les tuer (sérieux ? on a vu la même série ?), qu’au final ils s’en sont plutôt bien sortis (ça d’accord, vu que dans « Misfits », les flics n’existent pas), et que si tu trouves quelque chose à dire, va te faire voir. Oui. Non seulement Overman verbalise ce qu’il veut qu’on pense, mais en plus, il nous insulte au passage.
Remise en question, gestion des conséquences. Des éléments qui sont à la base des plus grandes séries feuilletonnantes de l’histoire (« The Shield », « Breaking Bad »… sont des séries qui fonctionnent quasiment sur ce principe seul). « Misfits » s’en fout. Une série « fun » n’a pas à justifier émotionnellement ses actes. Overman oublie que sa série n’est plus « fun » depuis le spécial Noël de 2010.

  • Ne plus aimer ce qu’on a aimé

« Misfits » force un sentiment pas toujours très constructif, la nostalgie, le « c’était mieux avant ». Et dans le cas précis, c’est vrai.
En dézinguant son jouet avec un sens de la méthode qui force le respect, Overman a quasiment signé son testament d’auteur qui compte. A croire qu’il voulait se débarrasser de cette série qu’il n’arrivait plus à écrire. La façon dont il se sépare (enfin, c’est l’impression que ça donne) de deux personnages majeurs (dont le seul réellement charismatique) laisse penser qu’il voulait que la troisième saison soit la dernière. C’était sans compter sur l’insistance des fans de la première heure, son public, celui qui veut continuer à croire que « Misfits » va se relever, parce qu’ils aiment Kelly, Alisha, Simon, qu’ils ont appris à aimer Rudy et qu’ils aimaient Nathan… (non, je n’ai oublié personne, vu que personne n’aime Curtis). La série continue de cartonner, donc elle reviendra pour une quatrième saison.

Deux choix s’offrent aujourd’hui à Overman. Faire table rase, revenir aux fondamentaux de la série (fun, outrance), embaucher des auteurs compétents et interrompre la spirale de nullité dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Ou deuxième option : il continue de manquer de respect à son auditoire, d’uriner sur son patrimoine créatif et dans trois ans, il confortera l’impression qu’il donne aujourd’hui qu’il est le Ryan Murphy britannique, capable de choquer, de surprendre et d’amuser, mais pas vraiment d’être un scénariste digne de ce nom...

La saison 3 de « Misfits » sonne comme une trahison dont on ne revient pas, pourtant. Une trahison qui confirme ce sentiment mitigé de certains aspects de la saison 2.
La série nous ayant tant habitué au langage méta, deux scènes sonnent comme des aveux de faiblesse. D’abord celle où Curtis dit “on fait quoi maintenant ?”, qui semble traduire ce que se demande Overman. Ensuite, ce plan étrange où Simon, revenu dans le passé, regarde avec nostalgie le gang en saison 1, deviser sur des stupidités (mais drôles). Un sourire de contentement plaqué sur le visage, il semble nous dire « c’était tellement bien avant… ».


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