Voilà, après avoir terminé quelques semaines de visionnages intensifs, la rédaction du Village — Sullivan Le Postec, Dominique Montay, & Émilie Flament, à laquelle s’est adjoint Carine Wittman, rédactrice en chef d’Annuséries — a délibéré. Après avoir compilé les résultats de vos votes, nous sommes en mesure de vous révéler ceux pour qui vous avez voté. Voici des lauréats 2012 des Prix du Village, les Anneaux d’Or.
Par souci de clarté, nous n’avons pas reproduit tous les nominés ici. Vous pouvez consulter la liste complète ici.
Prix des lecteurs du Village
C’était une innovation de cette année : nous vous avons proposé de choisir votre série, votre actrice et votre acteur de l’année. Voici ceux pour qui vous avez voté.
La saison 6 de la série de science-fiction britannique « Doctor Who » a recueilli la majorité de vos suffrages : 126 votes sur un total de 352, soit 36%. Juste derrière, on retrouve la série française « Flics » qui a bénéficié d’un lobbying efficace et totalise 31% des voix. Loin derrière, « Fais pas ci, Fais pas ça » est troisième avec 7%.
L’interprète de Fabienne Lepic dans « Fais pas ci, Fais pas ça » remporte 73 des 194 votes, soit 38%. Karen Gillan (Amy dans « Doctor Who ») et Lauren Socha (Kelly dans « Misfits ») complètent le podium avec respectivement 35% et 18% des votes.
C’est confirmé, le dernier Docteur en date s’est rapidement imposé dans les cœurs des fans de « Doctor Who ». Il remporte 77 des 188 votes, soit 41%. Idris Elba (Luther dans « Luther ») récolte 26% des voix. Satisfaction de la rédaction du Village : l’épatant Soufiane Guerrab (Kenz dans « Les Beaux Mecs ») est troisième de vos votes avec 16%.
Prix de la rédaction
C’est incroyable, mais vrai. Une année a passé, et aucune chaîne n’a encore commandé une troisième saison de « Hero Corp ». Une de ces aberrations autant artistique qu’économique (la série coûte des cacahuètes) qui illustrent de manière terrible le manque de professionnalisme qui plombe la télé française. Parce que oui, arrêter Hero Corp, une série pas chère et qui marche, c’est une faute professionnelle, ni plus ni moins.
Difficile d’imaginer comment un scénariste peu avoir si peu de sens du dialogue, et plus généralement des rapports humains, pour écrire une aberration pareille. Cette phrase est tristement révélatrice de « Deux Flics sur les Docks », série qui a soigneusement poignardé son réel potentiel.
Preuve que Le Village n’est pas sexiste, notre plante verte de l’année est masculine. Le problème, c’est que concernant Curtis, incarné par Nathan Stewart Jarrett dans « Misfits », c’est que cela fait trois saisons que cela dure. Et qu’il est un des deux seuls membres de la distribution originale à rempiler en saison 4. Ce sera sans nous, du coup !
C’est vrai que rien que pour lui, on peut facilement avoir envie de jeter un œil sur « Sirens », sympathique dramédie de Channel 4 dans laquelle il incarne le personnage de Ashley Greenvick. D’autant plus que, la série n’ayant pas été renouvelée, il faudra se contenter d’une unique saison de six épisodes.
Comme « Sirens »,« The Hour » est passée l’été dernier en Grande-Bretagne, mais elle sur BBC2. Scoop, Romola Garai, qui incarne Bel Rowley dans la série, n’est pas que jolie : elle est aussi passée à deux doigts de remporter le prix de la meilleure actrice.
Rediffusée sur Comédie+ à 1h30 du matin pour lui donner une seconde chance d’échouer… parfois certains s’acharnent ! De là à penser que l’arrêt de la série a plus à voir avec des problèmes de boutique internes qu’avec ses résultats.
Je me demande quand même s’il n’y aurait pas un peu de piston, pour ce prix Princess Erika donné à une série dans laquelle joue Princess Erika...
L’animateur/musicien/philosophe qu’il faut subir chaque année dans « Fais pas ci, Fais pas ça » a en plus le mauvais goût de jouer dans une très bonne série qu’on prend beaucoup de plaisir à regarder. Ses co-nominés (Stéphane Plazza, Valérie Damidot, Stéphane Bern) ont au moins la délicatesse d’apparaître dans des séries à leur niveau.
Extrait de la critique de « L’Épervier ».
Pourquoi tant de haine ? Parce que ça aurait pu être très sympa, « l’Epervier ». Un adaptation honnête de BD, de la télé-pop corn, ou puisqu’on est en France, de la télé-Knacki. Mais au final, ces séquences d’une stupidité sans borne trahissent le mépris qu’ont ses auteurs du genre divertissement. Après tout, on s’amuse, alors ! pas grave si Martin Lamotte joue faux comme jamais dans sa carrière, pas grave si le méchant est tellement méchant qu’on attend son rire démoniaque à chaque fin de scène, pas grave si le rôle de l’Indien échoit à Grégoire Colin, couvert de fond de teint car au naturel ayant la peau blanche (non, sérieux, on vit pas dans un pays où on peut trouver mieux pour jouer un indien, non ?), pas grave si les scènes d’action sonnent faux…
Regarder un téléfilm de France 3 et adorer ça, c’est le tour de force réalisé par l’excellent « Robins des Pauvres », écrit par Omar Ladgham avec la collaboration de Gaelle Bellan et réalisé par Frédéric Tellier. Extrait de notre critique :
Vous ne connaissez peut-être encore pas le nom de ce réalisateur. Il y a des chances que ça change dans les mois et les années à venir. Les images de Frédéic Tellier n’ont rien à voir avec le tout-venant de la télévision française. C’est bien simple, on se croirait devant une excellente production anglaise, au vu du soin apporté à la photographie, aux cadres et au traitement de l’image. Surtout, la grande qualité de Frédéric Tellier est que ce travail visuel est au service de l’histoire. A aucun moment, le rendu ne tient du vidéo-clip. Force est de constater aussi, que ses choix de casting sont les bons.
On peut considérer que le récit, par l’énergie positive, optimiste, qu’il dégage, tient de la fable. Reste que c’est le genre d’utopies à laquelle on a, par les temps qui courent, envie de se donner à corps perdu – à l’image des personnages eux-mêmes, d’ailleurs. Le droit de vivre ne se mendie pas. Il se prend.
Notre dossier spécial « Les Robins des Pauves ».
Les shortcoms, en France on connaît. Mais force est de constater que le genre ronronne. De « Un Gars, Une Fille » à « Scènes de Ménages », il est difficile de ne pas avoir l’impression que tout cela tourne en rond. Et puis est arrivé « Bref ».
La série a imposé son écriture, originale et immédiatement identifiable — pour preuve, les parodies qui ont été déversées par millier sur Internet et à la télé. Le programme court créé par Kyan Khojandi s’est aussi imposé quasi-instantanément comme une mise en abîme de son époque. En trois jours, « Bref » était une institution. Et après une semaine, c’était déjà mieux avant. Bref : un succès vertigineux.
Pour l’heure, il n’y avait pas photo : « Le Visiteur du futur » est certainement la seule websérie française à pouvoir revendiquer d’être passé dans le mainstream pour les amateurs de série. Consécration ultime : l’édition DVD.
Aux États-Unis, François Descraques aurait déjà été récupéré par les médias dominants depuis longtemps. Comme on est en France, ça prend plus longtemps. Mais ça arrivera forcément.
Pour son rôle de Joseph Bede dans « The Shadow Line ».
Certains personnages de « The Shadow Line » restent gravés dans la mémoire : Joseph Bede, figure dramatique classique, un homme dans une position impossible et qui tente de rationaliser son univers, de lui donner un sens, dans le simple but de sauver sa femme. Mais malgré son fantastique pathos, et le jeu d’un Eccleston inspiré comme rarement, il reste un dealer : Blick évite ainsi de se couper du téléspectateur, tant les personnages ne sont, pris un par un, ni des guides, ni des figures provoquant la sympathie.
L’interprète d’Amy dans « Doctor Who » a pleinement profité de la manière dont son personnage a gagné en lisibilité et en maturité dans sa deuxième saison à l’antenne. Karen Gillan a sur montrer sur la longueur ce que plusieurs épisodes de la saison précédente avait laissé entrevoir : c’est une actrice excellente.
Extrait de la critique de « The Girl Who Waited » :
Le Docteur est un coupable innocent, et Amy une victime enthousiaste, fascinée par le Docteur et la liberté que celui-ci s’est donné d’aller et venir comme bon lui semble à travers l’espace et le temps, porté par son désir d’aventure et sa crainte de l’ennui. Depuis le départ, c’est l’axe avec lequel a été développé Amy, petite fille ayant croisé la route du Docteur, et qui a le plus grand mal à s’en détourner. Amy est désormais une anomalie temporelle. Elle est un point flou, sa vie s’emmêlant comme une pelote de laine. Amy a des conversations avec elle-même enfant ou vieille femme. Elle se fait réconforter par sa fille adulte quelques instants après l’enlèvement de son bébé. Amy est devenue une créature extraordinaire au cœur de flux temporels entrecroisés.
Porté par une Karen Gillan épatante, notamment quand il s’agit de crédibiliser l’âge de la deuxième Amy, et un Arthur Darvill qui confirme épisode après épisode être un acteur extraordinaire, et dont on imagine sans peine tomber amoureux plutôt que du premier musclor fadasse venu, « The Girl Who Waited » se dévoile dans ses deux derniers tiers comme une love story tragique et bouleversante.
C’était vraiment l’année d’Arthur Darvill. Maintenu légèrement en retrait par rapport à ses deux partenaires dans « Doctor Who », l’interprète de Rory a brillé dans une diversité de registre époustouflante en dépit de ce temps d’antenne un peu plus limité.
Le sidekick comique, gauche et peureux de la saison 5 est devenu un héros, capable de s’imposer par sa stature et son charisme (« A Good Man Goes to War ») mais aussi un amoureux sublime, à la profondeur émotionnelle telle qu’il peut, d’un rien, vous arracher une larme. Arthur Darvill est appelé à une carrière brillante, et il ne faudra sans doute pas longtemps avant qu’il ne refasse parler de lui.
Pour « Doctor Who », saison 6, ép 7 : « A Good Man Goes to War ».
Extrait de la critique de « A Good Man Goes to War » :
« A Good Man Goes to War » est un épisode déroutant. Parce que Steven Moffat prend beaucoup de risques. Une structure étonnante, un propos amené subtilement, et près de vingt minutes au début de l’épisode sans que le Docteur apparaisse. Pourtant, l’épisode en dit beaucoup sur le personnage.
Steven Moffat traite de la guerre de manière particulièrement intéressante en s’intéressant aux soldats, aux raisons multiples pour lesquelles on peut être amené à s’engager, et à la manière dont un simple soldat n’est pas forcément comptable des raisons pour lesquelles les dirigeants ont décidé de la guerre. Ainsi, l’épisode nous présente des personnages sympathiques dans les deux camps : sans même parler de Lorna Bucket, qui change de camp, il y a du côté des ‘‘méchants’’ Thin One et Fat One, couple-marié-de-religieux-soldats-gay.
Pour « The Shadow Line » : Épisode 1.
Extrait de la critique de « The Shadow Line » :
« The Shadow Line » est avant tout une grande série d’ambiance, qui finit d’asseoir la supériorité visuelle des anglais. Pourtant touchée comme personne par la crise, la BBC continue d’abreuver les écrans de fictions qui n’ont d’égal que celles du câble américain. La scène d’ouverture est un modèle du genre, ne mettant pourtant pas en scène de personnage principal.
Par des effets simples, le scénariste / réalisateur Hugo Blick imprime une ambiance incroyable à son récit. D’abord sur l’image. Tout simplement belle, sans dé-saturation accentuée, avec des plans fixes, Blick utilise le meilleur des caméras HD, qu’on remarque à peine. Si l’image est remarquable, le vrai effet coup de poing est le travail sonore. Les sons d’ambiances sont réduits à leur plus simple expression, étouffés, presque inaudible. Durant toute la série, on a l’impression d’être au centre de toutes les conversations. A l’inverse des effets utilisés au cinéma, qui prônent un 7.1 ou 9.1 ou 15.1 qui divise tous les sons et qui semblent les faire venir de tous les côtés de l’écran, Blick se sert à merveille du format télévisuel et ramène l’attention du téléspectateur sur ce qu’il doit suivre en priorité : ce que disent les personnages.
Pour la saison 6 de « Doctor Who ».
Extrait de la critique de The Wedding of River Song :
Après une saison 5 dans laquelle il a pris des marques avec un peu trop de timidité, échouant à retrouver le niveau d’un premier épisode étourdissant, et à fournir des arcs clairs aux personnages principaux, et au Docteur en particulier, Steven Moffat a définitivement posé son empreinte sur « Doctor Who ». Les débats qui font rage en attestent et sont un très bon signe que son run ne s’apparente pas au filet d’eau tiède qu’on pouvait craindre, la succession de Davies n’étant pas facile à prendre. Cette saison 6 comporte un nombre impressionnant de très grandes réussites : « A Christmas Charol », « The Impossible Astronaut », « Day of the Moon », « The Doctor’s Wife », « A Good Man Goes to War », « The Girl Who Waited » et « The God Complex » — et « Let’s Kill Hitler » et « The Wedding of River Song » ne sont pas si loin derrière. Seuls « The Rebel Flesh » et « The Almost People » se sont révélés vraiment mauvais. On peut y voir la meilleure saison depuis le retour de la série en 2005, surtout si on tient compte de la réalisation esthétique, inventive et inspirée qui caractérise la série depuis deux ans. Steven Moffat organise aussi le renouvellement de la série en modifiant sa formule. De quoi attendre sereinement l’échéance du cinquantième anniversaire.
Notre dossier consacré à la saison 6 de « Doctor Who ».
Franchement, on ne voit pas très bien à qui d’autre on aurait pu donner ce prix. Il y a eu une poignée d’autres bonnes séries cette année (et encore, vraiment une poignée), mais aucune autre pour faire concurrence aux « Beaux Mecs » au niveau des séries excellentes.
Extrait de notre première réaction à la découverte des premiers épisodes de la série au Fipa 2011 :
Un dynamisme rafraîchissant conjugué à une limpidité épatante (malgré des allers-retours dans le temps). Des personnages aux caractères riches et formidablement définis. Une interprétation sans le moindre début de commencement de fausse note, avec un casting à tomber par terre — des “gueules” souvent, la moitié des seconds rôles qu’on apprécie de voir régulièrement, l’autre moitié d’inconnus dont un Soufiane Guerrab ahurissant de justesse qui constitue un partenaire idéal pour un Simon Abkarian au meilleur de sa forme. Et puis il y a ce ton, si changeant, et pourtant maîtrisé à la perfection. Ce n’est jamais ni trop, ni trop peu. L’épisode 2 m’a, à quelques minutes d’écart, ému aux larmes, avant de me faire rire aux éclats au fil d’une scène de braquage d’anthologie.
Notre dossier spécial consacré à la série « Les Beaux Mecs » avec le web-documentaire en cinq parties « Les Visages des Beaux Mecs ».
C’est un petit peu une surprise. Notre série de l’année n’est pas la plus connue. Elle n’est pas un blockbuster télévisuel. Mais The Shadow Line, à la fois baroque et terriblement intime est un coup de poing fascinant qui vous happe (ou, sans doute, vous exclue) dès ses premières minutes. Nous avons été happés, et on ne l’a pas regretté.
Extrait de la critique de The Shadow Line :
Des flics, des dealers. Deux faces d’une même pièce, deux côtés d’une même ligne. L’une dans la lumière, l’autre dans l’ombre. Mais du dealer et du flic, lequel marche dans l’ombre ? C’est la thématique de la meilleure œuvre télévisuelle européenne de l’année, « The Shadow Line ». La grande sœur créée par David Simon possède beaucoup d’éléments thématiques en commun avec la série d’Hugo Blick. Flics perdus, chefs magouilleurs, dealers humains, politique omniprésente à tous les niveaux… malgré tout, là où « The Wire » est proche d’une œuvre naturaliste, « The Shadow Line » est purement théâtrale. Sûrement une conséquence du statut de comédien de Blick.
Mais Blick ne se contente pas de filmer deux personnages qui parlent. Il y a chez lui un sens de la mise en scène, du rythme (les scènes sont très rarement trop longues, et dans un style très anglo-saxon, vont souvent à l’essentiel), et comme nous l’avons dit plus tôt, de l’ambiance. Une œuvre remarquable, poétique, sans concession, qui laisse une trace indélébile dans les esprits. Et elle nous vient du service public britannique.
Comme souvent.
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Dernière mise à jour
le 16 janvier 2012 à 15h45