C’était la série qui traitait avec affection des oubliés.
Ceux qui étaient incapables de complètement se sentir liés aux autres humains, et qui se réfugiaient dans leur propre monde, un monde riche constitué de personnages de fiction qui n’en comptaient pas moins pour autant.
Ceux qui s’étaient un peu perdus dans leur jeunesse mais qui voulaient changer et trouver leur voie dans une vie d’adulte.
Ceux qui s’étaient consacrés des années durant à leur famille et qui s’en étaient négligés, et qui tentaient de rectifier ça.
Ceux qui après avoir été un stéréotype des années durant étaient paumés quant à ce que leur avenir leur réservait.
Ceux dont l’enfance difficile les avaient transformés en quelqu’un de cynique, incapable d’avoir la faiblesse de compter sur autrui.
Ceux qui devenaient adultes, avec tous les égarements que ça implique.
Des gens avec leurs fêlures, que si peu reliait, de premier abord, et qui pourtant pouvaient compter les uns sur les autres.
Community, plus que les révolutions qu’elle apportait au format sitcom, plus que son discours méta, était une série bourrée de toute l’humanité et de toutes les fêlures de son créateur, pour laquelle il était possible de ressentir un vrai attachement émotionnel.
Cette année, avec le départ de Dan Harmon, c’est quelque chose qui a disparu. Abed est devenu une caricature qu’il n’avait jamais été auparavant, et l’affection avec laquelle Dan permettait qu’on traite son excentricité a été éclipsée par des myriades de blagues faciles.
L’évolution de Britta a atteint une forme de stagnation, et ils n’ont gardé d’elle qu’un élément évoqué une ou deux fois dans la série, son intérêt pour la psychologie ; et encore une fois, on sombre dans la caricature de l’étudiant en psychologie qui se sent soudainement obligé d’exercer ses nouveaux talents sur tous les gens qui l’entourent.
Troy n’est plus qu’un grand enfant naïf face aux choses de la vie, et Annie une vulgaire amoureuse transie, prête à tout pour que Jeff lui accorde son attention.
La confrontation de Jeff avec son père pendant l’épisode de Thanksgiving est quelque part l’un des seuls moments de cette quatrième saison qui m’a semblé sonner juste. Mais c’est si peu de choses, face à un océan de raccourcis et de traits grossis.

Community était la première série qui a su me toucher sans que ce soit au travers de scènes tristes. C’était la série dont j’attendais chaque semaine de retrouver les personnages ; des personnages riches, malgré ce que beaucoup en disent. Une richesse qui venait sûrement en partie de la volonté d’Harmon d’exhiber ses névroses, mais qui n’en était pas moins admirable pour autant. Et aujourd’hui, je l’ai perdue. Et chaque semaine, c’est avec colère que je découvre ce que les nouveaux boss ont décidé d’en faire.
Des boss sûrement bien plus à l’aise dans leurs baskets que ne l’était Dan Harmon, et qui du coup ne comprennent ni la série, ni une partie de son public. Ils oublient tous ceux pour qui elle comptait plus qu’une simple sitcom. Ils ont gardé les gimmicks, les épisodes parodiques, mais n’en font rien de plus que des blagues. Ils sont allés jusqu’à réutiliser la pire idée qui soit, celle d’un Chang au centre d’une grosse intrigue.
Là où Harmon se mettait à nu continuellement et truffait sa série de messages, ils préfèrent se concentrer sur ce qui plait sûrement à une grosse majorité du public : le jeu avec le format, les blagues référencées, et Ken Jeong. Un choix prévisible, tape-à-l’oeil, facile à assimiler.
Mais un choix qui redonne aux oubliés la place qui leur était due. A savoir, aucune.