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Rhoda - Critique de la troisième saison de la série

Bilan de la Saison 3: If it ain’t broke, don’t fix it

Par Jéjé, le 7 janvier 2014
Par Jéjé
Publié le
7 janvier 2014
Saison 3
Episode 24
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Pour sa troisième saison, Rhoda fait face à un adversaire bien plus dangereux que la censure de la Family Hour : l’ennui de ses créateurs. Le spin-off à succès de Mary Tyler Moore va subir des transformations drastiques de son format et de sa distribution, qui vont avoir raison de son identité et de son intérêt.

Les commentateurs récents de la série (de Todd VanDerWerff du A.V. Club à Jennifer Keishin Armstrong [1]) s’accordent à dire qu’en voulant améliorer leur série, les scénaristes de Rhoda ont pris des décisions créatives tellement innovantes qu’ils ont complètement déstabilisé son public, trop conservateur.
Cette vision romantique de l’échec commercial cuisant de cette saison (la série passe de la 7ème place des audiences annuelles en 1976 à la 32ème en 1977) est séduisante mais m’apparait complètement erronée (et un brin condescendante).

Un divorce à problèmes

Venons en aux faits.
Dans le season premiere (3.01 - The Separation), Joe explique à Rhoda qu’il n’est pas "aussi heureux qu’il aimerait l’être" et quitte temporairement le foyer, avec l’espoir qu’une séparation sera bénéfique sur le long terme pour leur mariage. La saison adopte à nouveau une trame feuilletonnante (structure qui avait si bien fonctionné pour la première), alterne épisodes consacrés aux conséquences de la séparation et épisodes centrés sur la vie de "célibataire forcée" de Rhoda, jusqu’à ce que la réconciliation entre les deux époux se révèle impossible (3.18 - The Ultimatum) et que la séparation devienne définitive.

Sur le papier, que Rhoda se transforme en comédie légèrement dramatique sur le divorce s’annonçait très excitant.
3.01 - The Separation est un épisode de transition formidable, qui met en place avec naturel un ton nouveau assez mélancolique et offre à ses acteurs l’occasion de briller en les faisant passer de la blague au désespoir en un instant.

Malheureusement, aucun des épisodes suivants n’approfondit les origines du malaise évoqué par Joe. Plusieurs fois, celui-ci évoque les "problèmes auxquels leur couple" fait face mais sans jamais les expliciter. C’est particulièrement frustant dans 3.06 - Two Little Words où Rhoda et lui passent l’épisode entier en thérapie de couple sans qu’il n’en ressorte rien de nouveau.
Tout ce que l’on comprend, c’est que Joe se satisfait parfaitement de la nouvelle situation et qu’il se verrait bien continuer à vivre seul en fréquentant Rhoda quelques soirs de temps en temps. Le personnage n’en sort pas grandi, mais au moins, on peut y voir un comportement cohérent.
Ce qui est loin d’être le cas de Rhoda, qui après deux jolis épisodes (3.02 - Together Again for the First Time et 3.03 - No Big Deal) où on la voit prendre acte de la séparation et agir en conséquence, va vivre pendant les deux tiers de la saison dans l’attente du retour de Joe.
Alors que pendant les deux saisons où elle a été heureuse en couple, elle n’a jamais été seulement définie par son rapport à son mari, séparée, elle n’existe plus qu’à travers lui, son absence et l’espoir de son éventuel retour.
C’est par ce point de vue unique de la femme esseulée que va être abordé le thème du divorce dans toute cette saison.

Un seul être vous manque...

On comprend bien que l’absence de Nancy Walker (engagée sur une autre série dont elle était l’actrice principale) n’a pas facilité la tâche à Charlotte Brown (première femme show-runner de l’histoire de la télévision américaine) et son équipe de scénaristes et les a, par exemple, empêchés de suivre et de commenter cette séparation sous l’angle générationnel.

Le personnage de Sally Gallagher (jouée par Anne Meara, la mère de... Ben Stiller), une femme divorcée de dix ans l’aînée de Rhoda, introduit en début de saison (3.04 - I Won’t Dance) aurait pu apporter un contraste de point de vue sur la situation .
Mais, malheureuse et résignée, Sally conforte Rhoda dans son statut de victime de la volonté des hommes, entretient sa passivité face à Joe et nourrit même parfois des discours pas franchement progressiste sur le couple ("A man marries you, he’s supposed to take care of you, you do all your wife stuff, and suddenly you’re divorced." - Brenda - 3.12 - A Touch Of Class).
Nous n’aurons pas le point de vue non plus de l’entourage de Rhoda méticuleusement assemblé dans les deux premières saisons, nous ne verrons pas comment elle aurait pu gérer l’annonce de son nouveau statut à ses amis ou bien comment ils auraient pu réagir. Aucun d’entre eux ne réapparait (si ce n’est Susan, l’amie perpétuellement enceinte, une seule fois, en toute fin de saison - 3.23 - Pajama Party Bingo), Myrna, amie et collègue de travail importante en saison 2, n’est même pas mentionnée.

Etrangement, alors que les scénaristes ont choisi de faire de la séparation un élément central de la saison, ils ne semblent pas du tout intéressés par son processus [2], ni par ses conséquences à long terme sur son personnage central (après 3.18 - The Ultimatum, la série ne fera quasiment plus allusion au mariage raté de Rhoda).

On sent bien que la série se contorsionne pour maintenir un semblant de continuité avec ses deux premières saisons et pour que dans le même temps Rhoda redevienne ce qu’elle était dans le Mary Tyler Moore Show, une outsider maladroite et sarcastique.
Ne pas faire partir Joe hors écran entre deux saisons était un parti pris honorable, mais l’écriture n’est pas à la hauteur de cette ambition et donne parfois l’impression que les nombreux problèmes provoqués par le changement de direction n’ont même pas été anticipés.
La ré-définition de Rhoda rend, par exemple, redondant le personnage de Brenda, qui avait assumé pleinement "son" rôle aux débuts de la série.
Le duo ne fonctionne plus, les situations similaires auxquelles elles sont confrontées donne l’impression d’une répétition poussive d’intrigues plutôt que celle d’un effet de miroir inspiré.

I (don’t) Love Rhoda

Et c’est là que vient le plus grave.
La série n’est plus drôle.
On pourrait lui pardonner ses errements, ses approximations, ses essais, si au bout du compte, la série parvenait encore à faire rire.
Une seule fois au cours de la saison (3.22 - The Second Time Around), Rhoda parviendra à reproduire la réussite de son season premiere et à retrouver cet équilibre juste entre mélancolie et drôlerie dans un épisode à la hauteur des enjeux de la situation.
Le reste du temps, la mélancolie fait place à de la lourdeur. Le rire quant à lui se fait non plus sur la base des relations de personnages bien définis, mais sur un comique ponctuel associés à des situations extragavantes, à la I Love Lucy.
C’est d’autant plus frappant que cet humour un peu pataud se développe en fin de saison alors que les scénaristes sont pourtant arrivés à leur destination, Joe n’est plus là, la séparation est définitive, Rhoda est à nouveau la célibataire un peu complexée et bourrée d’auto-dérision. On a ainsi droit à Rhoda est prise pour une prostituée (3.17 - Somebody Has to Say They’re Sorry), Rhoda à de gros boutons sur le visage (3.20 - Nick Lobo, Superstar), Rhoda fait des blagues au téléphone et lance des bombes à eau (3.23 - Pajama Party Bingo), Rhoda est une chorus-girl à Las Vegas (3.24 - To Vegas With Love)…
La série parvient seulement à faire sourire quand elle met en avant ses personnages masculins, deux nouveaux, Gary Levy, un voisin, touchant dans les relations d’amitié qu’il lie avec les deux soeurs, et Johnny Venture, le nouveau prétendant de Rhoda, et évidemment, Carlton, le doorman alcoolique invisible.

Malgré cette dernière note positive, j’ai bien peur que les problèmes d’audience de Rhoda soient imputables bien plus à une baisse drastique de la qualité générale de la série qu’à un rejet idéologique des spectateurs à la séparation des deux personnages.

Les scénaristes, en se focalisant uniquement sur l’écriture de Rhoda, le personnage, ont tout bonnement oublié d’écrire Rhoda, la série.

Une Rhoda qui voulait être Rhoda à la place de Rhoda, écrite par Charlotte Brown (la première femme Showrunner de la télé US [3]), des femmes et des hommes

D’après certains commentaires sur Amazon.com et des coupures un peu brutales dans quelques scènes, la saison 3 disponible en DVD est une version dont certains épisodes seraient amputés d’une minute de matériel environ. A confirmer.

— 3.01 - The Separation (Charlotte Brown)
Joe ne sent plus heureux avec Rhoda et quitte le foyer.

Formidable épisode.
Dommage que David Groh ne soit pas du niveau de Valerie Harper et de Nancy Walker, toutes deux exceptionnelles dans l’art de passer de la blague au désespoir.
Une fin terrible avec une Ida qui suppose qu’elle ne peut pas conseiller à sa fille de tout faire pour garder Joe.

— 3.02 - Together Again for the First Time (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Rhoda et Joe tentent de passer une soirée ensemble.

Toujours beaucoup de mélancolie pour un épisode assez réussi.
Rhoda, après bien des hésitations, finit par coucher avec Joe, mais rentre seule.
Scène très drôle avec Carlton et Joe en bas.

— 3.03 - No Big Deal (Pat Nardo and Gloria Banta)
Rhoda et Joe discutent des implications financières de leur séparation.

Un épisode formidable, très émouvant, avec peu de rires enregistrés. 
Rhoda déménage mais refuse de co-habiter avec Brenda, ce qui aurait été la solution sitcomesque parfaite. 
Scène touchante avec Joe qui raconte à Rhoda ce qui s’est passé quand il a récupéré sa boîte de chaussures lors de son premier divorce.
Première apparition de Gary (Ron Silver).

— 3.04 - I Won’t Dance (Charlotte Brown)
Rhoda et Brenda partent en week-end de célibataire.

Introduction du personnage de Sally et retour du dénigrement de soi chez Rhoda.

Un échange peut-être méta, en contradiction avec mon avis sur les deux premières saisons.

Rhoda : "Brenda, was I ever any fun ?"
Brenda : "Yeah, you used to be great fun, Rhoda."
Rhoda : "I can’t remember."
Brenda : "What’s happening to you ?"

— 3.05 - H-e-e-e-r-e’s Johnny (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Le retour de Nick Lobo marque l’arrivée de Johnny Venture.

Des guest stars un peu lourdes pour un épisode assez plat.
Une allusion sexuelle assez fine, qui montre que les scénaristes savent encore contourner élégamment les contraintes de la Family Hour  :

Nick : "Why do you brush your hair like that ?"
Brenda : "Because I don’t smoke."

— 3.06 - Two Little Words - Marriage Counselor (Charlotte Brown)
Rhoda et Joe tente une thérapie de couple.

Episode frustrant où même si Joe révèle qu’il n’avait pas envie de se marier en se référant à des répliques prononcées en première saison, il ne clarifie en rien ses raisons de Joe et les problèmes de couple qu’il évoque restent très vagues...

— 3.07 - An Elephant Never Forgets (Michael Leeson)
Brenda a du mal à se rendre compte qu’elle a perdu du poids.

Très joli épisode sur de l’image de soi, qui rappelle le 3.06 - Rhoda The Beautiful de Mary Tyler Moore. Celui-ci est peut-être plus percutant parce que le physique de Julie Kavner correspond plus à la situation que celui de Valerie Harper (bien plus hollywoodien) à l’époque.
Gary devient un chouette personnage secondaire en ami excentrique.
Pas de Joe dans l’épisode.
Jolie fin où Brenda refuse de fréquenter un garçon qui l’avait ignoré six mois auparavant.

— 3.08 - Rhoda Questions Her Life and Flies to Paris (Michael Leeson)
Rhoda, vexée d’entendre Joe dire que leur mariage était trop confortable, décide sur un coup de tête de partir à Paris pour le week-end.

Un joli épisode dans lequel Rhoda essaye de se réinventer, même si elle est poussée à le faire en simple réaction aux opinions de son mari.

— 3.09 - Meet the Levys (Charlotte Brown)
Rhoda se fait passer pour la petite amie de Gary auprès de ses parents.

Un épisode vaudevilesque hilarant (qui ressemble cependant plus à back-door pilote qu’un épisode de Rhoda). Sûrement le plus drôle de la saison.

Gary : "Rhoda, this is not going well. I will have been better off telling them I was gay."

 

— 3.10 - Man of the Year (Pat Nardo and Gloria Banta)
Rhoda et Wendy se disputent au sujet de Charlie, le meilleur ami de Joe.

Sympathique grâce au talent des actrices mais un peu poussif sur le fond.
Un peu pénible de voir des femmes intelligentes abandonner toute dignité pour se jeter aux pieds de ce gros naze de Charlie.

— 3.11 - You Deserve a Break Today (Pat Nardo and Gloria Banta)
Brenda se fiancie.

Un épisode plat.

— 3.12 - A Touch of Class (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Sally et son ex mari discutent de son futur mariage.

Un épisode poussif qui se consacre à des femmes esseulées qui ne font qu’attendre, attendre que leurs maris reviennent et envisager d’accepter une baisse de sa pension alimentaire pour que son ex-mari garde une bonne image d’elle.
On est loin de l’esprit féministe es deux premières saisons...

— 3.13 - Guess Who I Saw Today (Burt Prelutsky)
Rhoda rencontre à une soirée Joe accompagné d’une jeune femme.

Episode un peu bancal dans lequel une nouvelle fois Brenda n’a pas d’utilité et Sally n’est pas vraiment drôle.

— 3.14 - What Are You Doing New Year’s Eve ? (Pat Nardo and Gloria Banta)
La soirée de Nouvel An qu’organise Rhoda vire à l’ennui le plus profond.

Pas grand chose à sauver de cet épisode convenu, et sûrement pas l’arrivée de Joe à la dernière minute avec une Rhoda prête à tout lui pardonner.

— 3.15 - Love for Sale (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
La relation de Brenda et Gary prend un nouveau tournant.

Un épisode qui ne tient que grâce aux acteurs.

— 3.16 - A Night in the Emergency Room (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Nick Lobo essaye de se rapprocher de Rhoda.

Un épisode correct qui parvient à humaniser Nick.

— 3.17 - Somebody Has to Say They’re Sorry (Martin Rips and Joseph Staretski)
Rhoda est arrêtée par erreur pour racolage.

Un épisode amusant.
Le quiproquo est sympathique, la conclusion réussie, mais les personnages tendent dans cet épisode (et d’autres) à s’effacer au profit des situations et des malentendus.

— 3.18 - The Ultimatum (Charlotte Brown)
Rhoda ne se satisfait plus de son arrangement avec Joe.

Rhoda devient enfin active dans cette séparation pour un épisode pas suffisamment déchirant.
L’appel à Mary arrive trop tard dans l’épisode, mais il est implacable et sonne assez juste.

— 3.19 - Rhoda’s Mystery Man (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Rhoda reçoit de nombreux cadeaux d’un anonyme.

Un épisode très drôle avec un duo Brenda/Gary formidable d’auto-dérision.
Johnny Venture se révèle un prétendant pour Rhoda assez touchant.
Une référence à Sally qu’on n’a pas vue ni mentionnée depuis le 3.14 et qui ne réapparaîtra jamais.

— 3.20 - Nick Lobo, Superstar (Charlotte Brown)
La perspective de devoir travailler avec son père rend Nick Lobo dépressif.

Avec les boutons de Rhoda, qui finit par se recouvrir la tête d’une écharpe et de lunettes de soleil, on est loin de comique de personnages à la Mary Tyler Moore.
Un peu déstabilistant que la meilleure scène de l’épisode mette en scène Rhoda et Brenda en train de faire le ménage, de raser et d’habiller un homme.

— 3.21 - Nose Job (Charlotte Brown)
Brenda envisage de se faire refaire le nez.

Un joli épisode sur les insécurités physiques de Brenda, avec une scène formidable où Rhoda n’a jamais été proche du comportement de Ida.
Mais trois épisodes après l’ultimatum, Rhoda semble n’avoir jamais été mariée, ce qui donne l’impression de visionner une série alternative de l’existante.

— 3.22 - The Second Time Around (Pat Nardo and Gloria Banta)
Rhoda est partagée à l’idée de fréquenter un homme qui l’attire.

Brenda saoûle est hilarante, Rhoda, drôle et attachante dans ses atermoiments.
Enfin un épisode à la hauteur des enjeux de la saison.

— 3.23 - Pajama Party Bingo (Ian Praiser & Valrey Smith)
Brenda reproche à Rhoda son attitude condescendante.

Une bonne idée mais exécutée de façon trop attendue avec des comportements un peu trop puérils (les gags concernant les blagues au téléphone font extrêmement datées).
On retrouve enfin quelqu’un de l’entourage de Rhoda pré-saison 3 (Susan), mais c’est bien tard dans la saison et sans rapport avec le divorce.

— 3.24 - To Vegas With Love (Coleman Mitchell and Geoffrey Neigher)
Rhoda et Brenda partent voir Johnny Venture à Las Vegas.

Episode étrange qui ressemble plus à de la variété qu’à une série.
Le personnage de Johnny Venture fait l’épisode.

Jéjé
P.S. Espérons que le retour de Ida en saison 4 relance la série dans une meilleure voie...
Notes

[1Mary & Lou & Rhoda & Ted - Chapitre 13 - Girl, This Time You’re On Your Own)

[2Dans un article de TV Guide de l’époque consacrés aux origines de l’évolutionradicale de Rhoda, Charlotte Brown confie que la Rhoda vulnérable de Mary Tyler Moore, leur manquait et qu’ils prenaient peu de plaisir à écrire la Rhoda épanouie du spin-off.

[3Un petit rappel au cas où vous ayez raté la première mention de ce fait historique dans le texte