18 mars 2015
Episode Chronique
Pour ceux qui n’ont pas entendu parler du documentaire en six parties de HBO, The Jinx commence par l’enquête autour du tronc d’un homme retrouvé dans une rivière et de l’excentrique millionnaire qui l’a tué, Robert Durst.
En elle-même, cette histoire est pleine de rebondissements où, entre autres, Durst se déguise en femme muette. Cette affaire se porte à être le sujet d’un documentaire. Mais ce fait divers sordide n’est que la face visible de l’iceberg. En effet, le premier épisode s’achève sur un enregistrement audio d’une discussion entre Andrew Jarecki, le réalisateur de The Jinx, et Bob Durst qui accepte d’être interviewé.
Les épisodes suivants retraceront la vie de Durst, la disparition mystérieuse de sa première femme, et le meurtre d’une de ses meilleures amies. Ils retraceront aussi la manière dont Durst a réussi à échapper à la prison après avoir avoué le meurtre de son voisin (l’homme retrouvé mort dans la rivière). Des « Pardon ? Quoi ?!? HEIN ?!?!? », on en sort une poignée de fois par épisode de The Jinx, mais ce n’est rien comparé aux dernières minutes de l’ultime épisode : un enregistrement audio d’un Robert Durst seul aux toilettes ne se rendant pas compte que son micro est coupé.
Toute la vie de Durst est perturbante, mais regarder ce dernier épisode était une expérience singulière. Jusque-là, les témoignages des proches des victimes cadraient le documentaire sur les faits et sur les zones d’ombre autour des disparitions. Toutes les révélations ont été faites dans les cinq premiers épisodes. La sixième partie n’apporte rien de nouveau. Elle déstabilise même car elle est totalement centrée sur Durst et sa relation avec Jarecki.
Tout amène à la confrontation entre le documentariste et le millionnaire. Si les évènements dépeints dans le documentaire ont amené à l’arrestation de Durst, [1], il n’est pas le seul à nous déstabiliser dans cet opus. Jarecki perturbe aussi énormément dans ce dernier épisode. [2]
Le premier épisode était solide, sans être remarquable .Même si on aurait pu se passer des reconstitutions, il se suit sans trop de problème jusqu’aux dernières minutes. La fin de l’épisode diffuse une discussion téléphonique entre Durst et Jarecki sur une interview. C’est la première fois que The Jinx met mal à l’aise.
S’il avère être coupable, Jarecki devient complice des machinations d’un esprit dérangé digne d’un thriller hollywoodien. S’il est innocent, son entreprise en devient plus noble. La comparaison avec Serial s’invite alors.
Adnan, l’homme accusé du meurtre au cœur de la première saison du podcast, met plus à l’aise que Durst. Il s’exprime clairement, il est charismatique et donne l’impression d’être au cœur d’une erreur judiciaire. Durst est tout le contraire. Pourtant, les derniers segments de Serial et The Jinx utilise la même formule pour décrire leur suspect : l’homme le moins chanceux de la planète.
Pour Serial, c’est une associé de Sarah Koening, la journaliste qui mène l’enquête, qui doute de l’innocence d’Adnan en expliquant qu’il y une conjoncture d’évènements qui pousse à croire qu’il est soit coupable ou soit l’homme le moins chanceux de la planète. Dans The Jinx, cette formule est utilisée par un des jurés qui a déclaré Durst non coupable.
Il est difficile d’accorder le même doute à Adnan et à Durst. Mais la principale différence entre Serial et The Jinx est qu’Adnan n’est qu’un élement de Serial. Serial est un podcast où on voit une journaliste nous présenter les faits, et s’achève sur son opinion quant à l’affaire. The Jinx est totalement centré sur Durst.
Et ce dernier épisode, fascinant par les faits et sa terrible conclusion, donne l’impression d’être manipulé, non pas par Durst mais par Jarecki.

Au premier visionnage, je n’avais pas saisi les incohérences de l’enchainement des évènements décrits dans cet épisode. Mais surtout, ce dernier épisode nous montre l’orchestration autour de la confrontation entre Jarecki et Durst. Nous avons déjà vu le documentariste dans les épisodes précédents mais jamais autant que dans cette conclusion. Ce qui aurait pu aisément être une scène rapide et toute aussi efficace où Durst doit s’expliquer sur un élément particulier de l’enquête s’étale en longueur. Il s’agit aussi d’une excuse pour nous montrer les états d’âme de Jarecki, ce qui n’a jamais été mis en avant jusque-là, et pourtant il y avait matière à aborder le sujet avant.
Entre le premier et dernier épisode, le contraste entre les entrevues avec Durst et les témoignages des proches de l’affaire suffisait à faire de The Jinx un documentaire réussi. Les incohérences du dossier et les mensonges potentiels de Durst étaient alors mis en avant par la vision des proches des victimes ou de la justice américaine. L’arrivée tardive sur le devant de la scène de Jarecki déstabilise car ce n’était jusque-là pas l’intérêt du documentaire.
Tout cet aspect où Jarecki explique sa relation avec Durst, qu’il n’avait pas peur de lui jusque-là, est contreproductif. Non seulement cela ralentit la narration mais surtout ce n’est pas amené de manière organique ou naturelle. Et le pire dans tout cela est que, la raison pour laquelle nous parlons de cette fin, n’est même pas la tiède confrontation entre les deux hommes, mais d’un Durst qui parle tout seul aux toilettes.
Malgré les réserves qu’on peut avoir, The Jinx reste un documentaire passionnant, je me dis juste que ça aurait été tellement mieux de découvrir cette histoire par Sarah Koening lors de la seconde saison de Serial…