DOCTOR WHO — 6.09 : Night Terrors
‘‘Monsters are real’’ – Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 5 septembre 2011
Mark Gatiss est de retour sur « Doctor Who » avec un épisode à l’ancienne, qui se passe en une nuit dans un appartement, et bénéficie d’une ambiance angoissante particulièrement réussie.

Le problème des séries qui mélangent les épisodes indépendants et les épisodes à mythologie, et c’est un problème qui remonte aussi loin que « The X-Files », c’est qu’à chaque épisode mythologique, il faut subir les plaintes des monomaniaques de l’épisode indépendant, et vice-versa. Moi j’aime bien les deux. Et la versatilité de « Doctor Who », tant en terme d’histoire, de ton, que d’environnement est l’une des principales raisons pour lesquelles j’aime autant la série.

Night Terrors

Scénario : Mark Gatiss ; réalisation : Richard Clark.
George est un petit garçon de huit ans qui a peur d’absolument tout. Quand vient le soir et le moment de se coucher, sa chambre plongée dans la pénombre est l’endroit le plus terrifiant de l’Univers. George est si effrayé qu’il parvient à envoyer un message à travers l’espace et le temps jusqu’au papier psychique du Docteur, qui vient lui rendre une visite à domicile. Il découvre que l’armoire de la chambre du jeune garçon, où ses parents enferment tout ce qui lui fait peur pour tenter de le rassurer affole effectivement son tournevis sonique. Les monstres de George sont réels...

Angoisse

On peut certainement discuter du scénario de Mark Gatiss, et on va le faire plus bas. Mais commençons par ce qui devrait mettre tout le monde d’accord. Le réalisateur Richard Clark, déjà à l’œuvre sur le visuellement impressionnant « The Doctor’s Wife », y avait fait la preuve de son talent dans un genre très différent. Le même avait déjà mis en scène « Gridlock » et « The Lazarus Experiment » dans la saison 3. Comparer cette paire d’épisode avec celle réalisée pour la saison 6 met en lumière le saut qualitatif impressionnant qui a été imprimé sur le visuel de la série ces deux dernières années.
Contrairement à « The Doctor’s Wife », « Night Terrors » n’est pas un épisode à gros budget, mais Richard Clark fait le meilleur usage des ressources dont il dispose. L’immeuble dans lequel est tourné l’épisode, tout en étant visiblement une grande barre de piètre qualité façon HLM, est très cinégénique, et le réalisateur tire parti de cet environnement urbain d’une manière qui n’est pas sans rappeler « Misfits » — même si le style, et notamment la photographie, sont très différents. C’est toute la direction artistique de l’épisode qui est très réussie : l’intérieur de l’appartement, ou encore le design horrifique des poupées géantes participent à l’intérêt visuel de l’épisode. Richard Clark parvient également à installer l’atmosphère qu’impose le scénario de Mark Gatiss. Très volontairement, celui-ci repousse le plus loin possible le moment de montrer les monstres qui effraient George. L’angoisse, pour surgir, a besoin que l’on prenne le temps d’installer ambiance et tension.

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Inversion

Tourné il y a tout juste un an, en septembre 2010 — c’était le premier épisode de la saison à avoir été filmé, et cela en fait l’épisode ayant connu le plus long délai entre son tournage et sa diffusion de toute l’histoire de la série — « Night Terrors » devait au départ figurer parmi les sept premiers épisodes diffusés au printemps. Considérant que cette première partie accumulait les épisodes sombres se passant quasi-intégralement dans des décors intérieurs, Steven Moffat décida d’intervertir l’épisode avec « The Curse of the Black Spot », aventure fun à bord d’un vaisseau de pirates. Ce changement a entrainé quelques changements mineurs : la version originale de « Night Terrors » figurait une de ces apparitions de la Femme au Cache-Œil qui parsemaient les premiers épisodes. Surtout, Mark Gatiss, a réécrit la scène finale, en ajoutant la comptine qui rappelle la mort à venir du Docteur : ‘‘Tick tock, goes the clock, even for the Doctor’’.

Vu ce changement en coulisses, on ne s’étonnera pas que l’épisode ne revienne pas sur les conséquences des derniers développements mythologiques. Mais parfois, quand même, certaines coïncidences sont heureuses. Ainsi, après avoir repéré le petit George, le Docteur envoie Amy et Rory continuer à chercher dans l’immeuble, comme s’il voulait leur éviter d’entrer en contact avec un enfant en bas âge.
Certains se plaignent déjà du manque d’impact de la disparition de Melody Pond sur le couple Amy et Rory. Cela peut se comprendre, même si la saison n’est pas finie. Surtout, il ne faut négliger le caractère extraordinaire de cette histoire – Amy et Rory n’ont pas vécu la grossesse d’Amy, qu’ils ont apprise grosso modo au moment de son accouchement. Rory n’a même pas vu ce bébé plus d’une poignée d’heures. Sans compter que cette fille elle-même leur a fait savoir qu’elle ne voulait pas que son passé soit changé : c’est le sens de son refus de participer à la bataille de Demon’s Run, comme c’était déjà celui de son sacrifice dans la Bibliothèque. Melody Pond ne veut pas que le Docteur la retrouve enfant, parce que cela reviendrait à réécrire son histoire et à faire disparaître River Song et sa relation avec le Docteur.

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Intégration

Renouant avec une ambiance proche de nombre d’épisodes de l’ère Russell T Davies de la série, le parallèle avec « Fear Her », de la deuxième saison, a d’ailleurs beaucoup été fait, le script de Mark Gatiss joue donc sur l’angoisse et la montée progressive de la tension.

Il évoque aussi les processus de peur et d’intégration, et l’interaction entre les deux. ‘‘Immigré’’ à l’intérieur de cette famille, George se trouve soudain figé par la peur d’être rejeté. Et plutôt que d’adresser cette peur, mais croyant bien faire, les parents préfèrent balayer la poussière sous le tapis, ou dans l’armoire en l’occurrence. La peur d’être exclu grandit encore, au point que le terrorisé devient terroriste, s’en prenant directement à tout ce qui lui fait peur, de la vieille voisine au gardien qui réclame à ses parents le loyer de façon menaçante, jusqu’à l’ascenseur de l’immeuble et son bruit étrange...

A une époque où les divertissements destinés aux enfants pourraient faire croire qui ne s’en trouve plus un ne souffrant pas de gros troubles de l’attention, le grand mérite du script de Mark Gatiss est de savoir prendre son temps. L’auteur signe sans doute là son meilleur épisode de la série, notamment par le biais du parcours psychologique très subtil imprimé au personnage du père de George, via sa relation avec le Docteur. Sur ce point, il est parfaitement complété par l’interprétation de Daniel Mays dont la prestation dans le rôle d’Alex est très convaincante.
Malgré tout, sans doute manque-t-il un petit quelque au scénario de « Night Terrors » pour que l’épisode puisse tout à fait s’inscrire dans les mémoires. Longtemps servi par son approche contenue et minimaliste, le scénario de Mark Gatiss aurait gagné de pouvoir se reposer sur une ou deux scène vraiment marquante dans sa deuxième moitié.


Un épisode indépendant convaincant et émouvant, remarquable dans son ambition de proposer à un jeune public un épisode reposant sur la lente mise en place d’une atmosphère d’angoisse psychologique. Même s’il la pousse peut-être un peu trop loin, jusqu’à peut-être ne pas être assez mémorable.

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 5 septembre 2011 à 02h28