« Pourquoi une fille qui cherche le Grand Amour couche avec les deux seules personnes qui ont le moins de chance d’être l’homme de sa vie que le premier inconnu croisé dans la rue ? »
Cette critique fut initialement écrite pour le mini-site aujourd’hui fermé "La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaire". Elle a été revue pour cette republication sur Le Village.
Ce matin là, Clara Sheller se réveille avec une intuition toute féminine. Ce jour, c’est LE jour. Celui où elle va rencontrer l’homme de sa vie. Celui où, enfin, son rêve de partager après l’amour un plat de spaghettis à la bolognaise fumant deviendra réalité.
En attendant, il faut quand même gérer les affaires courantes. C’est que la semaine dernière, Clara a couché avec son meilleur ami et colocataire homo JP, aussi en manque d’amour qu’elle. Du coup, elle lui a demandé de bien vouloir mettre un peu de distance entre eux, qu’ils essaient d’être un peu moins l’un sur l’autre. Et puis le rédacteur en chef de l’hebdo, Bertrand, l’a choisie pour diriger la rédaction du numéro « 100 » spécial. Clara s’est peut-être faite pistonnée par JP, mais elle est depuis devenue la coqueluche du journal. Surtout elle a eu une idée d’enfer : baser ce numéro sur des courriers de lecteurs. Comme dit Bertrand, c’est génial et ça coûte rien. Bertrand est peut-être soixante-huitard mais, comme tous les autres, il a pris trente ans.
Le seul petit problème serait que, maintenant, toute la rédaction du journal est persuadée que Bertrand et elle couchent ensemble (et accessoirement que JP est donc cocu). Enfin le problème serait surtout que, du coup, Clara se demande s’ils n’auraient pas raison. Vous en pensez quoi des hommes d’âge mûr, vous ?
Correction : le problème c’est papa. Comprenez, le papa de Clara qui vient de revenir en ville. Dernières nouvelles : une carte postale de la Sierra Leone il y a six mois. Et maintenant, il veut se rapprocher d’elle. Et puis quoi encore ? Et voilà que sa mère se met en tête de les réconcilier. Pour qui elle la prend ? Clara, c’est pas une fille qui se couche, elle tient tête ! Par contre, finalement elle coucherait bien avec son patron. Mais elle aurait pas du : c’était nul.
Comme pour s’en amuser, le nouveau voisin du dessous, beau comme un Dieu, évidemment, ne trouve rien de mieux à faire de ses journées que de baiser avec une blondasse vulgaire qui hurle à réveiller les morts à chaque déhanché. Y’a des gens qu’ont aucune classe ! Ta gueule la blonde !
Et puis ce salaud de JP qui fait sa vie, sans elle. Qui l’abandonne à regarder seule les culs des mecs à la terrasse d’un café. C’est bizarre, ça n’est plus drôle maintenant. Quel culot de se décoincer comme ça, là, maintenant qu’elle a besoin de lui. Comment ça, c’est Clara qui lui a demandé de prendre ses distances. Oui, et alors ?
Voilà que monsieur a rencontré quelqu’un. Une espèce de pseudo artiste bizarre, sans le sou, avec un bonnet, un sourire charmant et qui casse tout sur son passage en utilisant le téléphone de Clara. L’homme idéal, quoi. Et il habite chez elle. Enfin chez eux.
Elle est désolée, Clara, mais elle est pas d’humeur à gérer les problèmes de Jeanne, sa meilleure amie. Elle est stérile, sa copine. Pendant ce temps là, la femme de son idiot de frère est prête à mettre bas à tout moment.
Le temps a passé, et Clara a eu beau entretenir l’intuition, elle n’en reste pas moins seule. Tant pis, au moins elle a déjà les pâtes.
Pfff, elle est fatiguée, Clara. Elle a faim, Clara. Elle a des vertiges, Clara. Serait-ce Ben, le jongleur heureux installé symboliquement et très, très concrètement à la maison depuis trois semaines ? Le contre-coup de la relation heureusement revenue à la normale avec Bertrand ?
Le médecin n’est pas de cet avis. Il est même très clair : elle est enceinte, Clara. Bertrand est stérile. Parfait ! Comment on fait pour annoncer à son meilleur ami homo qu’on est enceinte de lui ??
On retrouve avec ce second épisode de « Clara Sheller » l’assemblage de bons et de mauvais cotés du premier. La principale différence, négative, fonctionne sur la relation centrale de la semaine de Clara avec Bertrand, le directeur du journal. Une story-line plus basique tu meurs, qui plus est au deuxième épisode, qui repose en plus beaucoup sur un Malavoy un peu absent dans un personnage pourtant un peu mieux brossé que la moyenne de la série. L’ensemble fait plaqué, ne fonctionne pas, est rarement drôle et quelque fois, limite vulgaire ce que la série avait bien évité dans son premier épisode.
Heureusement que la série est parallèlement illuminée par l’apparition du personnage de Ben, Homme Idéal idéal qui communique, et c’est bienvenu, de sa fraîcheur à un Diefenthal parfois un poil terne à vouloir être sobre (mais à choisir, on préfère ça).
La grossesse de Clara se voit venir à 10 kilomètres, et là, la série souffre encore une fois de sa courte durée et/ou d’un manque de subtilité de l’écriture. Car en faisant passer en l’espace d’un seul épisode un mois avec la nuit passée avec JP vue l’épisode précédent, la série pointe évidemment le spectateur dans la direction et amplifie son manque de subtilité certain. Difficile donc de s’étonner d’une ‘‘surprise’’ vue venir une bonne demi-heure à l’avance.
J’ai trouvé paradoxal mon rapport aux scènes entre Clara et son père biologique. Elles n’étaient pas en soit mauvaises, mais là encore j’ai un sentiment de trop tôt. On a à peine commencé à cerner Clara que nous voilà déjà à étudier les causes plus ou moins psychanalitiques de son comportement. On aurait aimer commencer à connaître et apprécier Clara avant de chercher à la comprendre. Placée là, cette intrigue sonne comme une excuse, un moyen de faire passer au public la pillule d’un personne pas immédiatement sympathique.
Pourtant, ces scènes recèlent quelques bons moments, dont la voix-off de Clara, qui parsème la série, et dont je n’ai pas encore parlée. Celle-ci me semble très réussie : plutôt bien écrite, très bien jouée par l’actrice, très présente et pourtant pas lourde. Je conclus d’ailleurs sur une citation :
« Comme tous les hommes qui m’ont prise dans leurs bras, mon père m’a déçu. »
Une intrigue principale ratée rend encore plus prégnants les défauts de la série. La sensation de vacuité, présente au premier épisode, est ici assez gênante. De bons moments de plaisir, malgré tout. (5/10)
Dernière mise à jour
le 18 novembre 2008 à 00h57