1.04 : 14 Juillet • CLARA SHELLER
Le garder ? Ou pas ?
Par Sullivan Le Postec • 26 mai 2005
France 2 - Scarlett Production
Première diffusion : Mai 2005
Scénario : Nicolas Mercier
Réalisation : Renaud Bertrand

Une fois qu’on a couché avec son meilleur ami homo, qu’on est tombée enceinte, et qu’on le lui a révélé... tout reste encore à régler.

Cette critique fut initialement écrite pour le mini-site aujourd’hui fermé "La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaire". Elle a été revue pour cette republication sur Le Village.

C’est enfin fait. JP est au courant que Clara attend un enfant de lui. Mais maintenant que Clara a passé l’épreuve qui consistait à le lui dire, le plus dur reste encore à faire : prendre une décision.
Elle veut qu’ils fassent ça ensemble, que ce soit « leur » décision. Dès qu’il est remis du choc, JP ne voit pas très bien comment ils pourraient avoir cet enfant. Il n’y en a pas un qui soit plus mature que l’autre, ils ne sont pas suffisamment responsables pour s’occuper d’un enfant. Dans ces moments, JP découvre que Gilles, le voisin du dessous, peut être une oreille attentive.
Clara, elle, se sent seule. Jeanne est toujours fâchée et refuse de lui parler. Elle passe du temps en famille et rencontre un ami de son frère, Antoine. Type BCBG, à la fois vaguement charmant et relativement insupportable... En fait, Clara ne sait pas très bien pourquoi, finalement, elle accepte son invitation.
Le 14 juillet sans Jeanne, ce n’est plus vraiment la même chose. Y aller ensemble, c’était devenu une agréable tradition entre meilleures copines. Sa nouvelle copine ne vient même pas l’y rejoindre d’ailleurs. Mais Antoine, lui, est là.
Au début, Clara s’amusait de ce que JP soit délibérément insupportable avec Antoine, et de lui faire subir la soirée la plus pénible qu’il a jamais du vivre, le bougre. Mais maintenant, elle n’est plus sûre de trouver ça vraiment drôle. En plus, il s’est tiré comme un Dieu de l’épreuve du karaoké dont, normalement, on ne se remet pas.

Pendant ce temps, JP fait son chemin et réalise que la grossesse de Clara est probablement la seule opportunité qu’il aura jamais d’avoir un enfant. Alors... Et si ? Mais c’est à ce moment précis que Clara choisit de lui dire que c’est dans son ventre que ce trouve le bébé et qu’elle prendra elle-même sa décision... seule.


Menant la question du bébé en parallèle chez Clara et JP, la nouvelle relation de Clara avec Antoine, sa dispute avec Jeanne, sa nouvelle copine, le 14 juillet et le rapprochement entre JP et Gilles, « 14 Juillet », après l’excellent « Etat Secret », renoue avec le coté un peu excessivement touffu et donc par trop déstructuré des deux premiers épisodes.
Pour autant, il réserve quelques jolis moments à la fois dans le drame et la comédie pure (la séquence du bar karaoké). On ne peut pas s’empêcher de penser que la série fonctionne tout de même beaucoup mieux depuis que la question centrale du bébé est apparu à la fin du deuxième épisode. Comme si elle ne racontait que ça, au fond. Comme si « Clara Sheller » était finalement plus un long téléfilm qu’une véritable série. Non pas que ne soient pas présents de très nets éléments structurels de sérialité... mais ils passent d’autant plus innaperçus qu’ils sont souvent assez mal gérés.

Quelqu’un me faisait récemment remarquer que si « Clara Sheller » est à l’évidence différente des autres séries françaises, elle ne dénote pas pour autant tant que cela dans le PAF, au fond, parce qu’elle constitue à certains égards une adaptation fictionnelle des thèmes récurrents des débats et reportages “de société” de Delarue et consorts. C’est assez vrai. Cela met aussi en exergue une spécificité bien française, et, au bout du compte, cela permet de pointer une limite de la série.
En effet, à l’étranger et particulièrement à la télévision US, ces sujets de société, ces ‘‘débats civils’’ sont illustrés au travers de la fiction, qui cherche de manière constante à parler de ce qui est neuf et nouveau, et à susciter réflexions et débats (je parle bien évidemment là de la bonne fiction).
En France, au fur et à mesure qu’on expurgeait les œuvres de création de tout ce qui aura pu apparaître aux yeux des directeurs de fiction comme trop contemporain, actuel, controversé ou sujet à débats, pour qu’il n’y reste plus rien qu’un vide alarmant, ces sujets étaient investis par des émissions de témoignage qui y trouvaient autant d’occasions de déballages voyeuristes à propos, tour à tour, de la sexualité, des drames quotidiens de la vie, des maladies. Bref, d’un coté on a une illustration des sujets par l’œuvre artistique, qui provoque des questionnements chez le téléspectateurs. De l’autre, une approche par le cas particulier mis en scène de manière larmoyante. Bref, l’empathie contre le voyeurisme.
Là où j’en vient à trouver des limites à « Clara Sheller » sur ces notions, c’est qu’elle me semble au moins autant influencée par l’approche misérabiliste des émissions de confession locale que par la fiction étrangère ; le scénario cherchant souvent plus à susciter l’apitoiement du spectateur pour les personnages qu’à réellement engager là réflexion chez lui sur les sujets qu’il aborde. Au final ressort-on de la vision de la série en en emportant quelque chose avec soi, comme c’est, à mon sens tout du moins, l’objectif de la fiction ? Ou bien est-ce là un programme de flux, aussi vite vu qu’oublié, qui disparaît à tout jamais à la fin de sa diffusion comme l’avalanche de talk-shows hebdomadaires ?...

Post Scriptum

La série a maintenant trouvé son rythme de croisière et il devient plus facile de faire la part des choses entre ce qui y fonctionne vraiment et ce qui y reste à améliorer. En tout état de cause, les ‘basics’ - dialogues enlevés, réalisation vive, moments comiques et interprétation très bonne - assurent au minima un divertissement sympathique. (7/10)