« Je suis bavarde mais je ne peux parler à personne de ce qui m’arrive. Je suis gourmande mais manger me donne envie de vomir. Quel petit plaisir il me reste dans la vie ? »

Cette critique fut initialement écrite pour le mini-site aujourd’hui fermé "La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaire". Elle a été revue pour cette republication sur Le Village.

Une chose est sûre : s’il y avait sur le marché un ancien numéro de Femme Actuelle avec pour dossier « révéler à votre meilleur ami homo que vous êtes enceinte de lui », Clara serait sur le coup. Oui, mais voilà : le sujet a sûrement été jugé un peu trop segmentant parce que ça n’existe pas. Du coup, là voilà toute seule avec son problème. Si au moins, JP était vraiment là pour elle, il serait plus facile de trouver le moment d’en parler. Mais Ben est toujours à la maison, et ça lui semble toujours très, très concret, à Clara. Il est beau, drôle, gentil, même sa propension en tout casser sur son passage est mignonne. Pourquoi alors est-ce qu’elle le déteste ?
Il y en a un autre qui se pose cette même question, mais il est nettement moins cool sur le sujet. JP commence à trouver franchement désagréable l’attitude de Clara envers Ben. Pour se défendre, celle-ci minimise leur relation. Mais JP est amoureux, vraiment. D’ailleurs il a décidé qu’il était temps de dire la vérité à ses parents.
Tout cela n’avance pas Clara dans la gestion de son secret. Même à Jeanne, elle ne peut pas en parler : comment réagirait sa meilleure amie alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle ne pourrait sûrement jamais avoir d’enfants ?

Dans ces moments-là, il reste la famille. Clara en profite pour passer ses après-midi à s’occuper de nièce nouvellement née. Elle la promène au parc. Elle peut réfléchir tranquille et commencer à s’imaginer ce que ça fait, d’être maman. D’ailleurs, elle est bien décidée à s’intégrer au groupe des mères de famille du parc. Elle leur raconte ainsi qu’elle est la mère du bébé. Mais aussi que le père du bébé est homo, qu’il fait tout à la maison et que c’est lui qui se lève la nuit pour les biberons. S’intégrer, oui. Cesser d’être le centre de l’attention, faut pas rêver non plus.
Clara a en tout cas vite fait de se prendre au jeu. ‘‘Les enfants, c’est comme les chiens : tu les sors un peu, tu ramasse les crottes, tu les caresse et puis voilà !’’.
Juste un point : penser à éviter d’oublier le bébé et son landau au parc quand on va boire un verre à une terrasse. Heureusement que ses copines maman étaient là pour l’aider à régler la situation.

C’est marrant comme les problèmes s’attirent. C’est comme si on ne pouvait jamais en avoir un seul à la fois. JP est sur un petit nuage. Il est fou de Ben. Mais lui, il doit gérer son boulot en plus de la relation, et forcément, puisque Ben ne pense qu’à sortir, faire la fête, s’amuser, vivre dans l’insouciance et baiser, JP a quelques difficultés à gérer.
Surtout, Clara en rentrant à la maison à l’improviste est tombé sur Ben occupé à sucer un autre mec...
Ca fait deux trucs à dire à JP, et c’est pas forcément les meilleures nouvelles. ‘’J’hésite : soit je le torpille maintenant, soit j’attends qu’il soit brisé par terre en mille morceaux’’.
Mais les extras extra-conjugaux de Ben, au moins, Clara n’aura pas à les révéler. Ben lui-même s’en charge assez vite. Il explique à JP qu’il était avec quelqu’un et que Clara l’a vu. Qu’il lui taillait « juste une pipe » et que c’est pas grave. C’est sûrement pas très tendance, mais JP est plus exclusif que ça. Il demande à Ben de quitter l’appart’... Avant de changer d’avis quand vient le moment de se séparer.
Clara doit aussi gérer la situation de son coté, puisque Ben l’a tout de même impliquée en avouant qu’elle l’avait vu. JP est énervé après elle. Et Clara n’arrive pas à lâcher son autre secret.
Du moins pas à JP. Quant à Jeanne, elle le prend encore plus mal que prévu. C’est vrai qu’il y a souvent de quoi se demander jusqu’où pourrait aller Clara pour emmerder son monde, mais là...

Clara va retrouver son frère et sa femme au parc avec le bébé. Mais les autres mamans ont reconnu le bébé et appris la vérité. La mère l’a assez mal pris et Clara est priée par son frère de rentrer. Seule.

Retenir Ben, c’était reculer pour mieux sauter. Aussi vrai qu’il avait des sentiments pour lui et qu’il aurait aimé pouvoir envisager quelque chose, JP sait qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’onde, qu’ils ne recherchent pas la même chose et que, tôt ou tard, il faudra l’admettre. Alors autant le faire tout de suite, le temps ne rendra les choses que plus difficiles.

JP dîne chez ses parents. Drôle d’idée pour soigner sa déprime, une ambiance de mort règne autour de la table. Mais JP décide qu’il est temps de franchir le pas et de garder le cap qu’il s’était fixé : il leur annonce qu’il est homo.
Quelques minutes plus tard, Clara sonne chez les parents. Sous le choc de la nouvelle, la mère de JP est en plein pétage de plombs caractérisé. Parfois, le moment le plus absurde semble aussi être le meilleur. Elle annonce à JP qu’elle est enceinte de lui.
Promis, il gèrera la nouvelle dès que maman sera réanimée...

Essai transformé ! Voilà l’épisode que la série recherchait, et celui que les spectateurs (enfin... moi !) attendaient. L’écriture est très bien menée et balance à merveille différents tons, entre le contemplatif, la comédie et le drame. La série atteint enfin un point d’équilibre.
Etat secret bénéficie de n’être alourdit par aucune histoire inutile ou qui ne fonctionne pas. Plusieurs sont en fait d’assez haute tenue en terme d’écriture et de jeu des acteurs.

Un point amusant, tout de même. Sur internet, j’ai vu plusieurs réactions sur le vif critiquer la relation entre Ben et JP, la trouvant irréaliste et peu crédible. De mon coté, et je ne suis pas de seul, c’est sans aucun doute ce qui m’a semblé le plus finement écrit, le plus juste et le plus proche de la réalité. J’y retrouvai parfaitement bien ce que j’ai pu vivre, alternativement du coté de Ben et de JP, d’ailleurs (un bon point de l’épisode est, il faut le noter, de ne pas diaboliser le personnage de Ben sous prétexte que son choix et son attitude ne soit pas celui de JP). Je m’interroge donc : est-ce que cette histoire est essentiellement un « truc de pédés » ou bien est-ce qu’il y a quelque part un défaut d’écriture, de « pédagogie » qui aurait permis à ceux qui y sont étrangers de comprendre la situation, sa psychologie et ses enjeux ? Je n’ai pas de réponse.

Il y a une autre chose qui concourt à faire réellement fonctionner cet épisode, bien mieux que les autres, c’est que tout y est structuré autour d’un thème fort et facile à dégager : celui du secret. Le secret de la grossesse de Clara, celui de l’homosexualité de JP, celui des ‘‘tromperies’’ de Ben. Du coup, l’épisode ne donne jamais l’impression d’éparpillement, de déstructuration, qui entache souvent les autres. Si bien qu’il passe aussi beaucoup plus vite, sans qu’on trouve jamais le temps long.
Par ailleurs, les parties comiques sont elles-même reliées à ce thème et à la grossesse de Clara, avec les passages du personnage au parc. On reprochera à la séquence de l’oubli du bébé d’être clichée. Je ne crois pas qu’on puisse demander à un gag d’inventer le fil à couper le beurre. Le seul critère de réussite d’une sortie comique, de ces scènes au parc, à mon sens, c’est d’être drôle et éventuellement de dire quelque chose ou de caractériser les personnages. Si elles sont un poil trop fréquentes et répétitives dans l’épisode (j’aurais volontiers rapproché des scènes) il me semble que ces objectifs sont tous les trois atteints. Le rapport de Clara au mensonge et à la réalité fantasmée, sa solitude intérieure sont ici mieux exprimées que nulle par ailleurs dans la série.