TELECHARGEMENT - 2/ Les raisons • Dossier
Une analyse à froid du phénomène
Par Jeff Gautier • 10 novembre 2007
La VO, la gratuité, la possibilité de voir avant tout le monde, etc... les raisons sont nombreuses.

NOTE IMPORTANTE
Ce qui suit ne tente en aucun cas d’excuser ou de justifier le téléchargement d’oeuvres protégées par le Droit d’Auteur. Il s’agit simplement d’expliquer le plus exhaustivement et le plus honnêtement possible les causes de ce phénomène.

Le Téléchargement existe et nous avons expliqué comment il fonctionne, oui, mais pour quelle(s) raison(s) ? Pourquoi autant de gens s’adonnent-ils à cette « activité » ? Pourquoi maintenant ?

Les raisons varient. Il n’y a pas qu’un seul facteur qui détermine le choix de télécharger, mais une combinaison de plusieurs, qui varie suivant les personnes. Nous allons essayer d’en faire le tour.

Il n’existe pas vraiment d’échelle dans ce qui suit, même si les deux premiers points semblent les plus importants.
Nous essayerons dans la mesure du possible de parler des fictions télé, mais nous nous aventurerons également dans d’autres domaines à l’occasion, afin de brasser le champ le plus vaste possible.

1. Voir quelque chose qu’on ne peut pas voir

L’élément fondamental, car même si on évoque la gratuité (cf. point suivant), il s’agit avant tout de regarder des choses que l’on aime. C’est une évidence mais il convient de le rappeler. Il existe 3 cas de figure :

a. Pas encore diffusé en France
C’est le cas des séries étrangères, principalement anglo-saxonnes. Elles arrivent en France avec au minimum un an de retard. De ce fait, il est difficile d’être dans le mouvement, de suivre l’actualité de la série et surtout de ne rien apprendre concernant la série avant de l’avoir vue (puisqu’il y a un peu partout des gens qui, eux, suivent la diffusion originale).
Et puis c’est toujours agréable de suivre quelque chose quand ça passe.

Ça bien sûr, dans le cas où la série est diffusée une année après sa diffusion originale. Parfois, c’est plus. Et on se retrouve avec un décalage important, pas forcément très agréable.

b. Pas diffusé sur le hertzien
Le câble et le satellite sont très peu répandus en France et les ¾ de la population ne possède que le réseau hertzien et donc les 5 chaînes de base. Le choix est donc de manière générale restreint à des séries américaines grand public (exception faite des séries allemandes diffusées l’après-midi en quotidienne). Pour voir des séries américaines un peu hors normes, des séries britanniques ou quelques œuvres venues d’ailleurs, il faut posséder le câble ou le satellite.
Certains n’ont pas les moyens. D’autres pas l’envie de payer pour avoir des chaînes supplémentaires. Et puisque c’est disponible gratuitement sur Internet, pourquoi se priver.

c. Pas du tout diffusé en France
Les programmes en provenance d’Asie, qu’ils soient séries d’animation ou dramas [1], n’ont aucune exposition dans notre pays. Quelques animes existent en DVD, le nombre de dramas se comptant sur les doigts de la main. De ce fait, le seul moyen de les voir est bien souvent de les récupérer sur Internet où ces séries sont proposées en versions sous-titrées, souvent en Anglais, parfois en Français (voir le paragraphe 3. à ce sujet).
Certains justifient ainsi le téléchargement sous couvert « d’accès à la culture ».

Il convient de noter ici quelque chose d’assez amusant et en même temps d’assez hypocrite encore une fois.
Si vous cherchez un peu, mais pas beaucoup, vous vous apercevrez que ces programmes asiatiques sont généralement disponibles en total libre accès, via des liens permettant de charger les épisodes directement sur les sites par simple clic (pas besoin de logiciel P2P). Ces sites ont carrément pignon sur rue : ils ne se cachent même pas. Il serait donc très aisé de retrouver les auteurs, de s’en servir d’exemples pour tous les « pirates » du monde. Pourtant, ils sont là et poursuivent leur activité sans aucun souci. La raison ? Ces séries n’intéressent qu’une très faible minorité au regard des séries occidentales.
En résumé, si vous êtes peu nombreux et que vous consommez des choses que la plupart des gens ne connaissent pas, vous pouvez vous gaver autant que vous voulez sur la place publique.

Pour ces trois cas, on pourra toujours rétorquer qu’il existe des DVD, notamment pour ceux qui ne souhaitent pas prendre un abonnement pour des chaînes supplémentaires. Ceci ne résout pas complètement le problème.
D’abord, si on trouve aujourd’hui beaucoup de coffrets disponibles, ceux-ci sont surtout l’apanage de séries américaines. Ensuite, il se pose forcément la question d’acheter un coffret lorsqu’on n’est pas adepte du multi-visionnage (c’est-à-dire regarder plusieurs fois une série). Enfin, on achète généralement quelque chose qui plaît, c’est-à-dire que l’on a déjà vu tout ou partie à la télévision, et que l’on souhaite revoir dans de meilleures conditions.
Le DVD n’est pas la solution miracle et a d’autres désagréments que nous verrons plus loin.

2. Gratuité et Disponibilité

Il ne faut pas se voiler la face : on télécharge aussi parce que c’est gratuit. « Pourquoi je payerai pour un truc que je peux avoir gratuitement et parfois de meilleure qualité ? » Ce leitmotiv existe pour tout.

Un facteur important est également la liberté totale qui existe dans le visionnage. Il n’y a pas d’astreinte au bon vouloir des chaînes (je regarde ce que je veux, quand je veux, au rythme que je veux). On télécharge et on peut regarder en suivant la diffusion originale ou bien en stockant sur son disque dur, pour regarder plus tard (et il faut avouer que cela prend moins de place qu’un stock de VHS). Chacun fait comme il veut, et peut choisir de regarder son épisode le midi en déjeunant ou vers 2h du matin avant d’aller dormir.

Il faut aussi noter que les chaînes ne sont pas toujours respectueuses de leurs téléspectateurs : diffusion dans le désordre, à des horaires impossibles, scènes coupées pour X raison, Version Française pas toujours de qualité, séries peu intéressantes (les formula-show [2] type Bruckheimer [3] sont peu téléchargés par rapport aux autres), etc… Et ce grief vise toutes les chaînes, chacune ayant sa « spécialité » si l’on peut dire.
Lassée, une frange du public a déserté la télévision. Ces personnes préfèreront même télécharger une série sur Internet plutôt que de la regarder lors de sa diffusion gratuite sur le hertzien.

Quid des plateformes payantes ? Auraient-elles du succès ? Il convient d’utiliser le conditionnel car la Video On demand (VOD) n’en est pour le moment qu’à ses balbutiements, même si cela semble d’ores et déjà rencontrer un certain succès.
Si elle veut lutter à armes égales avec le P2P, il faut que l’offre s’appuie sur 3 points :
– une offre pléthorique et abondante : Internet est une véritable caverne d’Ali Baba et, sans atteindre ce stade car cela serait commercialement suicidaire, la VOD doit s’en rapprocher. On ne justifierait ainsi plus le Téléchargement par l’absence de programmes.
– des vidéos de qualité : comme évoqué plus haut, les fichiers pirates sont de très bonne qualité. Or, il semble que cela ne soit pour le moment pas toujours le cas de la VOD.
– des prix attractifs : pour lutter contre ce qui est gratuit, il faut soit être gratuit également (et donc fonctionner avec des publicités, sur le site ou pendant les programmes) soit proposer des prix suffisamment bas afin que les personnes se demandent si cela vaut le coup de télécharger illégalement. Cela permettrait de parer en partie au problème du « pourquoi payer ce que je peux avoir gratos ».

Le fait est que sur Internet et les réseaux P2P, tout ou presque est à portée de main et qu’il n’y a qu’à se servir.
Forcément, c’est tentant.
Mais qu’est-ce qui pousse autant de gens à faire sur le web quelque chose qu’ils ne font pas dans la vie réelle ?

On entend parfois citée la métaphore du magasin dans lequel on rentre, où toute la marchandise est étalée devant nous, mais que l’on ne vole pas. Et de l’appliquer au téléchargement. Cette image est tout à fait impropre à décrire la chose.
Si l’on voulait comparer l’internaute téléchargeur, il vaudrait mieux le faire avec une personne qui achète du matériel « tombé du camion » [4]. Dans les deux cas, on récupère quelque chose qu’on a pas volé soi-même ; on reste néanmoins receleur, mais on pourra toujours se défausser en disant (avec force mauvaise foi) qu’on n’était pas au courant de la provenance.

Si le téléchargement s’est autant répandu c’est parce que, s’il existe un sentiment d’impunité (qui est un leurre, rappelons-le), il est doublé d’un autre sentiment tout aussi réel : celui de ne pas être vraiment dans l’illégalité.
En effet, de nombreuses vidéos présentent sur Internet sont enregistrées à la télévision. Or, en plus de l’aspect virtuel, chacun a en tête l’époque (pas encore totalement révolue) où l’on enregistrait un programme sur une cassette VHS que l’on passait ensuite à ses amis. Cette pratique était tout à fait légale à condition de ne pas organiser de projections publiques. Ici, on peut se dire qu’il s’agit de la même chose puisqu’on enregistre sa télé et qu’on passe le programme à d’autre. Et que seule le nombre de personnes à y avoir accès diffère de l’ancienne méthode.
Mais c’est cela qui gène : l’ampleur du phénomène. Auparavant, vous prêtiez votre VHS à 4 ou 5 amis ; ici, des milliers voire des millions de personnes y ont accès. Pourtant, il suffit d’interroger des personnes qui téléchargent pour comprendre que beaucoup pensent de cette manière. Et pour le coup, avec la plus grande sincérité.

3. La VO

La plupart des vidéos de séries actuellement téléchargées sur Internet sont en VO (Version Originale). En effet, en les récupérant peu de temps après leur diffusion dans le pays d’origine, ces séries n’ont pas le temps d’être doublés (souvent même, elles n’ont pas encore été achetées par des chaînes françaises).
Or, c’est ce que recherchent certains. Entre ceux qui haïssent profondément la VF et ceux qui lui préfèrent simplement la VO, il n’y a pas grande différence car ils constituent une communauté restreinte. En effet, toutes les études montrent que le téléspectateur français moyen n’aime pas la VO et on pourra citer l’exemple flagrant d’Arte qui a plus ou moins cessé de diffuser des films sous-titrés dans ses cases de prime time.

A ce titre, il sera intéressant de noter que le spectateur de cinéma et de télévision sont totalement différents. Le cinéphile (ou spectateur) est actif (il se déplace pour aller voir un film, il lit des articles à ce sujet et achète des magazines), il souhaite généralement voir le film dans sa forme la plus originale et dans de bonnes conditions. Comme exemple, on pourra remarquer que de nombreux cinémas parisiens, notamment parmi les plus importants en terme de fréquentations, sont des cinémas en VO quasi-exclusive. Et que s’il s’en construit régulièrement depuis dix ans, c’est pour répondre à une demande [5].
Le téléphile (ou téléspectateur) est passif. Il est à la maison et on amène les programmes à lui. Il regarde ce qu’on lui propose et ne s’intéresse bien souvent pas au-delà. Il peut également être dérangé par son environnement (le téléphone, un membre de la famille qui fait du bruit, etc…).
Nous ne nous étendrons pas trop sur le sujet car le comportement de ces deux catégories de personnes mériterait à lui seul un article complet. Mais les grands fans de séries, ceux qui téléchargent massivement, semblent donc plus proches des premiers cités.

Pour en revenir au sujet, nous avons là une population qui recherche quelque chose qu’il ne trouve pas à la télévision encore une fois, car même sur le satellite, la VO se fait rare.

Mais il serait faux de croire que ces gens constituent une sorte d’élite capable d’ingérer sans aucun souci n’importe quelle fiction grâce à une grande maîtrise de la langue. Car VO ne veut pas dire « en Anglais » comme on peut souvent l’entendre, mais bien « dans la langue du pays d’origine ». Si les fictions américaines et britanniques dominent effectivement le marché et qu’il est relativement aisé de trouver en France des gens parlant l’Anglais (encore que), cela n’a plus cours lorsqu’il s’agit de fictions venant d’autres pays et notamment d’Asie (le nombre de personnes parlant le Mandarin, par exemple, ne devant pas être très élevé).

L’explosion du téléchargement est donc aussi due à l’apparition des sous-titres.
Ces sous-titres, très facilement trouvables sur le réseau, sont l’œuvre de bénévoles, qui utilisent leur temps libre pour les rédiger. Ils peuvent être en hard-sub, c’est-à-dire incrusté directement dans la vidéo, ou en soft-sub, c’est-à-dire placés dans un fichier texte à part et plaqués sur la vidéo via des logiciels spécifiques. Bien entendu, la qualité du travail est très variable allant du professionnel aux limites du lisible. Leur rapidité de sortie varie également : pour des séries très populaires et dont les sous-titres originaux ont pu être enregistrés lors de la diffusion, les sous-titres peuvent sortir dès le lendemain de la diffusion (ex : 24, Heroes, Lost…) ; pour des séries demandant plus de travail, notamment lorsque le transcript [6] est réalisé « à l’oreille », cela peut demander plusieurs semaines. Cependant, les sous-titres existent pour un très grand nombre de séries récentes (moins de 5 ans) et rendent accessibles les fictions à des gens qui ne comprennent pas bien ou pas du tout la langue parlée. Sans cela, le nombre de fichiers téléchargés serait bien plus restreint.

Il faut quand même souligner qu’avec l’apparition de la TNT et la préoccupation des chaînes face à ce problème, la VM (Version Multilingue) commence à débarquer, notamment sur Arte avec Regenesis ou sur TF1 avec Grey’s Anatomy et Heroes. D’autres essais devraient suivre, à n’en pas douter. Mais reste pour le moment le problème de la désertion du petit écran par un frange de la population, problème évoqué plus haut. [7]

4. Je veux voir tout de suite, et avant les autres :

Ce raisonnement peut paraître « gamin », mais il existe. Chez tout un chacun un peu, beaucoup chez certaines personnes.

a. Ne pas attendre la suite de sa série préférée
On l’entend souvent : « ma série vient de se terminer, je veux connaître la suite ». Et pour cela, il faut bien souvent attendre une année complète, qu’elle ait été entièrement diffusée dans son pays d’origine puis doublée. Et ça, ils sont nombreux à ne plus le vouloir. Donc ils téléchargent. Pourquoi ce besoin irrépressible ?

La faute en revient en partie aux chaînes françaises, qui diffusent ces fictions en rafales : 2, 3, voire même 4 épisodes dans une même soirée. Il faut environ deux mois pour écouler une série d’une vingtaine d’épisodes. Forcément, après, l’attente est longue (dix mois) puisqu’il est impossible pour la chaîne de diffuser la suite : elle n’a pas encore été tournée. Si l’on prend le cas des Etats-Unis et d’une série de network (donc d’environ 24 épisodes), elle est diffusée globalement de septembre à mai, à raison d’un épisode par semaine (il existe également des périodes de coupure) ; l’interruption entre deux saisons n’est que trois ou quatre mois. Le décalage est énorme. Ceci est dû à la politique des chaînes, qui veut qu’un prime time dure le plus longtemps possible, pour garder le spectateur ; si on change de programme à 21h45, il y a un risque qu’il zappe sur une autre chaîne (et donc ne regarde plus les pages de pub). Aux Etats-Unis, pour reprendre l’exemple, la politique est de proposer le même programme toutes les semaines à la même heure, afin de fidéliser le téléspectateur, de lui donner rendez-vous. Deux manières de voir les choses.

La faute également à de nombreux téléspectateurs, impatients, qui n’acceptent pas le principe de long terme : une série est faite pour être suivie périodiquement, et non engloutie à la manière d’un long film de cinéma. Mais le téléspectateur français a été mal habitué depuis de nombreuses années (voir ci-dessus) et il râle quand seulement deux épisodes sont diffusés par semaine, il ne comprend pas que voir vite une saison ne fera pas arriver la suivante plus vite. Il lui faut tout, tout de suite. Et les chaînes le lui donnent.

Bref, un vrai cercle vicieux.
Duquel s’extraient certains par le biais du Téléchargement.

b. Un effet de mode
Oui, dire qu’on regarde des séries sur le net, c’est hype comme on dit.
Cela fait toujours bien de dire à ses amis qu’on a déjà vu la suite de telle ou telle série. Limite regarder un programme à la télé deviendrait presque ringard. Sans compter que bon, tout ça n’est pas vraiment légal, mais pas trop dangereux quand même, il y a un petit goût du risque pas déplaisant.
Et puis, j’ai vu avant les autres, je peux en causer sur les forums Internet ; il y a la course à celui qui verra le final de telle série en premier. Tout cela dans une ambiance bon enfant de compétition.

Ne riez pas : tout ceci existe réellement.
D’ailleurs, en toute honnêteté, ne vous reconnaissez-vous pas un peu là-dedans ?

5. Je veux voir avant d’acheter

Les plus gros « pirates » sont aussi souvent ceux qui achètent le plus.

La raison ? Ces gens aiment ce qu’ils regardent, ils s’y intéressent, n’hésitent pas à revoir les épisodes, et de fait, il leur apparaît normal d’acheter les coffrets DVD lorsqu’ils sortent. Pour avoir les boîtes, le packaging, les bonus, bref, l’œuvre elle-même et pas des fichiers vidéo gravés sur un support anonyme. Et puis, lorsque l’on aime quelque chose, on veut qu’il perdure et pour cela il faut acheter les produits.
Tout ceci paraît à la fois évident et saugrenu, pourtant, il s’agit d’une réalité.
Après avoir téléchargé une série, un aficionado va pouvoir se faire un avis dessus, savoir si cela vaut le coup d’acheter. Et comme il sait ce qu’il achète, il achète plus, confiant dans ses choix.

6. La révolte contre un système

Non, les internautes téléchargeurs ne sont pas des anarchistes en rébellion permanente contre la société ni des adolescents qui pensent que la Terre entière leur en veut et cherche à leur nuire. Il s’agit pour la plupart de citoyens lambdas qui estiment simplement qu’il en ont marre qu’on leur indique constamment la conduite à suivre et que cela n’a qu’un but : leur faire cracher leur argent jusqu’au dernier centime.
Or, avec le Peer2peer, il leur est proposé de contourner le système de façon très simple et « apparemment » sans risques.

Il existe donc une volonté (surtout valable pour la musique) de contourner le système établi par de grosses sociétés qui s’engraissent à tous les bouts de la chaîne, suivant l’expression consacrée. L’entreprise la plus souvent citée en exemple est Sony.

Le groupe japonais Sony Corporation c’est :

- Sony Pictures Entertainment :
* la production cinématographique avec Columbia Pictures, TriStar Pictures, MGM ou United Artists
* la production télévisuelle avec Sony Pictures Television (« The Shield », « Les Feux de l’Amour » et un catalogue de plus de 300 séries télévisées), Columbia Pictures Television, TriStar Pictures Television
* la production musicale avec Sony BMG Music Entertainment (50% détenu par Sony et 50% par le groupe Bertlesmann)

- l’informatique avec Sony Computer Entertainment

- l’électronique audiovisuel avec Sony Chemicals Corporation
Sans compter les téléphones portables (Sony Ericsson), les jeux vidéos (Playstation), les batteries au lithium, etc…

En résumé, et en essayant de rendre simple et synthétique quelque chose qui ne l’est pas vraiment en réalité, Sony vend des produits audiovisuels (films, séries, musique), vend les ordinateurs équipés de ses propres graveurs CD ou DVD et vend les supports vierges sur lesquels elle touche en plus la taxe sur la copie privée, au titre de producteur d’œuvres audiovisuelles.
En clair, une société comme Sony est à tous les bouts de la chaîne.

A travers cet exemple, certains s’énervent que de telles sociétés cherchent à leur soutirer leurs derniers sous en les menaçant d’amendes. Ils n’ont donc aucun scrupule à télécharger du matériel copyrighté, le faisant même parfois de bon cœur, en se disant : « De toute façon, ce sont de grosses sociétés, elles sont pleines de frics, je m’en fous et c’est bien fait pour leurs gueules ».

Il existe aussi une incompréhension quant à certaines pratiques tarifaires. Une fois encore, prenons des cas pratiques.
Une série américaine ou britannique peut se trouver sous forme de coffret, regroupant souvent l’intégralité d’une saison de production. Le prix de ce genre de coffret torune généralement autour de 50€
Evoquons maintenant le cas de « City Hunter » (alias « Nicky Larson » en VF) qui ressort actuellement en version non censurée [8]. Chaque DVD contient 5 épisodes de 25’, en son mono (VOSTF et VF), sans aucun bonus, et coûte environ 15€. Ainsi, pour posséder l’intégralité de la série (4 saisons et 140 épisodes), il faudra débourser plus de 400€.
A partir de là, comment expliquer au consommateur qu’il existe des frais de traduction, de doublage, de packaging, et que le peu d’exemplaires vendus fait que le prix est élevé ? Il a l’impression de se faire voler et il est très difficile de revenir sur un tel a priori.

7. Le principe de gratuité du net

Certains voient dans l’Internet le dernier espace où existe encore un tant soit peu de liberté. Et cela va de paire avec l’absence de contraintes commerciales. Une fois acquittés votre droit d’entrée (l’abonnement auprès du FAI), vous êtes un parmi d’autres, tous au même échelon et pouvez faire ce que bon vous semble. Vous naviguez et vous collectez des informations que des bénévoles ont mis à disposition ; à votre tour, vous pouvez vous aussi enrichir le Net en contribuant bénévolement. Chacun prend et donne, bref il y a échange.
Ça, c’est la théorie. En pratique, on sait qu’une infime minorité des internautes contribue à l’enrichissement du Réseau. On se tâte pour offrir de son temps et participer bénévolement à l’existence du Net ; par contre, on est unanimement d’accord pour se servir gratuitement de ce qu’il contient.

D’ailleurs le P2P repose sur ce système « idéal » : tout fichier téléchargé doit être redistribué. En terme technique, vous devez uploader (envoyer des informations) si vous voulez downloader (télécharger sur votre disque dur). Mais aux yeux de la loi, cela fait de vous un dealer : vous recelez du matériel copyrighté sur votre ordinateur et vous le distribuez à d’autres.
De ce fait, certaines personnes ne voulant pas être dealeuses vont télécharger et quitter le réseau juste après l’arrivée du fichier, quasiment sans redistribuer. On pourra toujours invoquer la peur de se faire attraper par la police en étant « plus malin que les autres ». Ce procédé est profondément malhonnête. En effet, pour le coup, on profite au maximum du système mais on ne cherche pas à le faire exister et surtout, surtout, on n’assume absolument pas ses actes, on s’enfuit en courant comme le minable petit voleur que l’on est. Un cas pratique qui s’apparente ni plus ni moins à du parasitisme.
Enfin, il est bon de rappeler que, comme le veut l’adage, « si tout le monde faisait pareil… » (Plus aucun fichier ne circulerait sur Internet et le problème se règlerait de lui-même).

Cependant, tout cela se fait gratuitement. En effet, hormis quelques petits malins s’amusant à vendre les fichiers téléchargés, personne ne tire un quelconque bénéfice pécuniaire du P2P (car chacun en tire le bénéfice d’obtenir quelque chose sans le payer). Il n’y a pas d’échange de devises comme cela existe dans tout trafic. Et c’est sur ce point, non négligeable, que le Téléchargement se distingue.

A ce sujet, une affaire très importante a curieusement fait peu de bruit.
Le 9 janvier 2007, la cour de cassation italienne a rendu un arrêt indiquant que télécharger des contenus sur Internet n’était pas un délit en l’absence de but lucratif, faisant ainsi écho à une décision espagnole similaire.
Cet arrêt casse la condamnation en appel de deux étudiants de l’Institut Polytechnique de Turin à trois mois d’emprisonnement ; ils avaient mis au point un logiciel de P2P en 1999, et étaient poursuivis pour reproduction illicite d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Selon Carlo Alberto Carnevale Maffe, le président de l’association Assodigitale, la cour de cassation affirme à travers son arrêt que la création d’un logiciel de P2P n’est pas illicite en soi, et que "Ce qui est et reste illicite est la violation de droit d’auteur en cassant un fichier protégé, et en le distribuant à des fins commerciales". L’industrie italienne du disque a bien entendu vivement réagi. [9]


Dans la troisième et dernière partie de ce dossier, nous reviendrons sur l’impact du phénomène.

Dernière mise à jour
le 24 décembre 2009 à 22h35

Notes

[1Drama : dans ce contexte, série avec des acteurs réels (par opposition avec les séries animées). A ne pas confondre avec le fait qu’une série soit dramatique (il s’agit ici du genre). Le terme est souvent précédé d’une lettre indiquant sa provenance : J-Drama (Japon), K-Drama (Corée), CH-Drama (Chine), HK-Drama (Hong-kong), TW-Drama (Taiwan), SG-Drama (Singapour).

[2Ce terme désigne une « série à formule », c’est-à-dire que chaque épisode raconte une histoire différente (mais avec les mêmes personnages) et que cette histoire est conclue à la fin de l’épisode. Ce type de série, qui s’oppose aux séries dites « feuilletonnantes », rencontre un vif succès auprès du grand public de part leur facilité d’accès ; il est en effet possible de prendre la série en cours de route ou de sauter des épisodes sans jamais perdre le fil.

[3Jerry Bruckheimer est un célèbre producteur américain de cinéma et de télévision. On lui doit entre autres « Les Experts », « Cold Case » et « FBI Portés Disparus », toutes connaissant un grand succès.

[4Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’expression, on l’emploie pour désigner de la marchandise qui a été volée dans des camions ou des hangars, la personne l’ayant « récupérée » arguant qu’elle passait juste par là et, la voyant traîner, l’a prise. Cela fait très longtemps que plus personne n’est dupe et que l’expression est utilisée comme une blague.

[5Les deux plus importants de France sont les UGC Ciné Cité des Halles (75001) et de Bercy (1998, 75012). On trouve aussi pour cet exemple des établissements récents comme l’UGC de La Défense (2006) ou le MK2 Bibliothèque (2003). A compléter.

[6Le transcript est le document dans lequel sont reportés, par écrit et dans la langue originale, les dialogues d’un document vidéo. Celui-ci peut être fait à la main par une personne qui regarde la vidéo, soit enregistré en même temps que la vidéo lorsqu’elle passe à la télévision (cela est notamment possible aux Etats-Unis où les programmes sont sous-titrées pour les sourds).

[7Voir le point 2.c.

[8l’article sur la série sur le site Metropolis.

[9Source et article complet : Futura-sciences.