La salle de projection de France Télévisions est pleine, gavée de journalistes et de fans, réunis par France 4 à l’occasion du lancement prochain de la saison 2 de « Sherlock » qui, tandis que les trois premiers épisodes sont actuellement rediffusés, arrivera sur France 4 le mercredi 21 mars. Et, cette fois, en VM ! Tous dans cette salle sont raides dingues de « Sherlock », série qui rallie presque tout le monde à sa cause. Tout commence par la projection du premier épisode "A Scandal in Belgravia", épisode vertigineux, que tout le monde a vu entre une et vingt fois dans la salle. Peu importe, ça rit, ça glousse, ça profite... même lorsque la projo est interrompue pour un problème technique indépendant de leur volonté.
Enfin, il arrive sur scène, détendu mais assez fatigué : Steven Moffat. Qu’on le déteste ou qu’on l’adore, force est de constater qu’il a un grand sens de l’humour, une belle répartie, et qu’à plusieurs reprises il fit rire la salle à gorge déployée.
Le modérateur, Alain Carrazé, situe le débat, axant Moffat sur les choix qui ont été les siens et ceux de Mark Gatiss concernant la direction de la deuxième saison. “Elle poussera Sherlock a faire face à ses plus grands ennemis : l’amour dans « A Scandal in Belgravia / Un Scandale à Buckingham », la peur dans « The Hound of Baskerville / Le Chien des Baskerville », enfin la mort et le doute dans « The Reichenbach Fall / La Chute du Reichenbach ». Et Moriarty”.
Comme pour la première saison, la série s’articule “autour de l’amitié entre Sherlock et Watson. Si l’an dernier nous avons mis l’accent sur la rédemption et la réhabilitation de Watson, ancien soldat, la seconde traitera plus de la chute de Sherlock”.
Le public prend le relai, et avec un brio certain. Des questions de spécialistes, pointues, intéressantes. [1] Moffat, depuis 2006, ne traite que de personnages emblématiques : « Jekyll », « Doctor Who », « Sherlock », « Tintin »... “Je ne veux pas spécialement adapter (ou ruiner) tous les grands noms de la fiction. « Jekyll » était une opportunité, j’ai toujours été un fan de « Doctor Who », et Mark et moi avons toujours voulu adapter « Sherlock ». Je n’ai pas comme but d’exhumer tous les plus grands noms de la fiction britannique. Ou belge…”
“Le Moriarty orignal est devenu le patron pour tous les super-vilains depuis 100 ans. Vous lisez « The final problem », c’est « Goldfinger ». On ne peut le faire comme ça sans risquer de le tourner en cliché, même si c’est l’original. Ça serait comme reprocher à « Hamlet » d’être plein de citations connues. Nous avons opté pour lui qu’il soit psychotique, terrifiant”.
Dans la version originale du scénario, “Moriarty n’était pas dans « The Great Game », à part dans le labo, quand il se fait passer pour un autre”. La révélation de son identité devait être repoussée à la deuxième saison. Mais ces plans ont été changés par le casting. “Nous voulions un acteur capable de jouer les deux Moriarty. On lui a écrit une scène à jouer pour les essais. Il était tellement bon qu’on a intégré la scène à la fin de « The Great Game ».”
Sherlock joue avec les insertions de texte depuis le début, idée géniale qui illustre à la perfection les éléments modernes de Sherlock, mais aussi le mode de déduction du détective. Un procédé suggéré par le réalisateur Paul McGuigan, et auquel Moffat ne croyait pas au départ : “Et puis j’ai vu le résultat au montage sur « The Great Game » et j’ai trouvé ça brillant. A l’époque, j’écrivais encore « A Study in Pink », et j’ai décidé d’intégrer ce procédé directement dans mon scénario”.
La façon de fonctionner de Holmes est, elle aussi, un motif de questionnement “On ne peut pas rentrer dans la tête de Sherlock Holmes parce que c’est une invention ! Si on sait ce qui se passe dans sa tête, le personnage perd de sa magie. On le sait pour tous, surtout Watson, mais Sherlock reste une énigme. Est-il amoureux d’Irène Adler ? On ne sait pas... Surement, à sa façon. Dans les nouvelles, toutes les histoires sont racontées du point de vue de Watson, sauf deux qui prennent celui de Sherlock... et elles ne sont pas bonnes !”
Moffatt nous parle de sa façon de travailler avec Gatiss, collaborative dans la préparation, mais solitaire dans l’écriture. Il nous confirme aussi son respect des œuvres originales, souhaitant, à l’instar des nouvelles, intégrer une notion d’évolution dans le personnage de Sherlock, du génial et arrogant autiste à un être "presque" humain, figure quasi héroïque.
Moffat se fait interpeler par le responsable de la VF de la série. Un homme passionné mais qui grince des dents face à la vitesse avec laquelle Benedict dit son texte. Moffatt : “Désolé pour vos comédiens, mais dites-vous que Benedict doit le faire sans le script devant lui... et de toute façon, vous êtes français, vous parlez à 300 à l’heure !”
L’initiative "Believe in Sherlock" est évidemment bien vue par Moffat, qui le définit avec humour comme “du marketing viral qu’on n’a pas eu besoin de payer”. S’il est heureux d’un tel impact, il reste assez surpris.
Enfin, les questions qui fâchent : La version de Guy Ritchie ? “Je pensais que j’allais détester les films de Richie, trop éloignés du concept d’origine. Mais au final j’ai aimé. Sur le principe de l’adapter en film d’action hollywoodien, ils sont dans le vrai. Vous devez être radical quand vous adaptez. Les versions respectueuses ont été faites. Je n’ai pas vu le second pour éviter d’être dans la salle, bras croisés et dire « c’est pas comme ça qu’on a fait »”.
Le pas-remake de CBS ? “No Comment. Sue (Vertue, sa femme et productrice, présente en fond de salle) ? On dit quoi pour la version de CBS ? Quoi ? Ah, no comment, vraiment ? Ok, no comment”.
Après les questions du public, nous avons eu le droit à des panels-minute avec un Moffat un peu lassé, mais toujours captivant. Et en vidéo, en collaboration avec Delphine Rivet du site Reviewer.
Attention : Si vous n’avez pas vu la deuxième saison de « Sherlock », la dernière question est spoiler, ce sera indiqué à l’écran avant qu’elle n’apparaisse.
« Sherlock », saison 2, arrive le mercredi 21 mars sur France 4, à raison d’un épisode par semaine.
Ces trois nouveaux épisodes de 90 minutes seront édités ensuite en DVD et Blu Ray dans un coffret exclusivité Fnac avec en bonus un making-of : « Sherlock à découvert » (19’).
Dernière mise à jour
le 13 mars 2012 à 13h37
[1] La preuve, la première question faisait partie, au Village, de notre short-list. Je soupçonne un espionnage industriel.