UN VILLAGE FRANÇAIS — Saison 4, partie 1 (épisodes 25 à 30)
Juillet 1942 à Villeneuve.
Par Sullivan Le Postec • 12 avril 2012
Cette première partie de saison 4, centrée autour d’un huis-clos dans l’école de Villeneuve, était une proposition originale et ambitieuse. Plutôt réussie dans l’ensemble, elle a produit un épisode parmi les tous meilleurs de la série.

Frédéric Krivine et son atelier de scénariste — Sylvie Chanteux, Benjamin Dupas, Marine Francou et Fanny Herrero sur cette partie de saison — ont fait un choix original avec ces six épisodes. Celui d’une quasi mini-série à l’intérieur de l’univers du « Village Français », recentrée sur un huis-clos dans l’école et une poignée des personnages parmi les réguliers habituels de la série.

Sombre. Mais pas trop

Cette orientation de départ était audacieuse, son traitement l’est aussi. Le virage amorcé la saison dernière, celui que la réalité de l’Histoire impose à la série, se poursuit. En juillet 1942, époque où se situe cette intrigue, la vie est est de plus en plus dure. L’oppression Nazie, son horreur déshumanisée qui lui confère aussi un caractère absurde, est de plus en plus intense. Des rafles de Juifs viennent d’avoir lieu. Près d’une centaine de Juifs raflés en transit se retrouvent bloqués à Villeneuve suite à un incident technique sur leur train, sans que personne n’ait été averti. Pendant plusieurs jours, il faut les loger et les nourrir, en pleine période de rationnement, tout en s’assurant qu’aucun ne s’échappe.
Néanmoins, il faut noter que la série laisse entrevoir un soupçon d’hésitation quand il s’agit de se plonger dans le caractère sombre de l’Histoire. Aucun de la grosse douzaine de personnages principaux n’a été tué depuis le départ. En fait, au lieu d’une véritable évolution continue, « Un Village Français » donne l’impression d’une valse : trois pas en avant, deux pas en arrière. Il en est ainsi du personnage de Sarah, la jeune juive incarcérée en fin de saison 3, libérée un peu inexplicablement en début de saison 4, puis ré-arrêtée avant qu’elle ne s’évade. Bien entendu, tout cela raconte l’arbitraire, le mépris de l’individu qui subit démunie des décisions qui le nie. Mais l’impact du très beau son discours final de Sarah au Maire Larcher à la fin de la saison 3 s’en trouve un peu amoindri. Mais il faut aussi ajouter qu’on y gagne un triangle amoureux délicieusement pervers chez les Larcher.

La relation entre Daniel et Hortense continue d’ailleurs de se renouveler et de constituer un axe très intéressant de la série. Avec sa tentative de suicide de la fin de la saison 3, Hortense a « acheté » sa place dans la maison familiale, même si le couple est devenu un duo de colocataires. L’intérêt est aussi que cette relation perverse montre la face sombre de Daniel Larcher, son côté un peu cruel d’homme blessé.
Le couple entre Jules Bériot et Lucienne connaît aussi une jolie évolution. Depuis la saison 2, j’aime beaucoup le personnage de Lucienne, égocentrique au dernier degré, mais aussi naïve et attachante. Je suis à peu près le seul. Une certaine haine du public envers le personnage s’est installée au fil du temps. Cette saison traite le problème de manière intéressante, sans trahir le personnage. D’abord en lui faisant bénéficier de la très grosse aura de sympathie dégagée par Bériot ; ensuite en la montrant capable d’altruisme lorsqu’elle apprend les activités de résistance de son mari, et qu’elle simule l’accouchement pour éloigner les SS de la petite Hélène Crémieux, cachée chez eux.
Reste le couple entre Jean Marchetti et Rita, qui semble prendre beaucoup trop de temps d’antenne, simplement parce que dès le départ on ne croit pas du tout à ce coup de foudre.

JPEG - 67.2 ko

Une grande intensité dramatique

Malgré les réserves que j’ai évoquées, ces six épisodes sont émotionnellement très durs. L’épisode 3, l’un des meilleurs épisodes de la série, marquera probablement longtemps nombre de ses spectateurs. Déchirant, il montre la mise en œuvre d’une nouvelle cruauté arbitraire des Nazis, qui exigent que les enfants Juifs raflés et détenus à l’école soient séparés de leurs parents. Ces familles, déjà soumis aux stress de la captivité, des privations et de l’incertitude totale sur leur sort, doivent subir cette nouvelle épreuve.
Dans ces moments d’émotion d’une terrible intensité, la réalisation de Philippe Triboit, qui a toujours été pudique, est parfaite d’élégance. « Un Village Français » a toujours été une série visuellement très belle, elle l’est plus que jamais.

Au fil des quatre premiers épisodes, le personnage de Madame Morhange, incarnée par Nathalie Cerda, un personnage secondaire présent depuis le début de la série (c’était l’ancienne directrice de l’école où elle est aujourd’hui détenue !), se révèle. Essayant d’améliorer le quotidien des détenus, elle devient une Juive prise à son corps défendant dans l’engrenage de la collaboration, miroir du personnage de Larcher lui-même.
La conclusion, lorsque le sous-préfet Servier la remercie dans le sixième épisode et qu’elle reste interdite, est une scène formidable quoiqu’un peu trop discrète : on regrette un peu de perdre un peu de vue Madame Morhange dans les deux derniers épisodes.

D’une manière générale, ces deux derniers épisodes ne sont pas à la hauteur de ce qui a précédé.

De toute évidence, le point culminant de la saison est atteint avec cette séparation d’avec les enfants, à l’épisode 3. Un climax qui arrive donc beaucoup, beaucoup trop tôt. J’avais déjà eu ce sentiment lors de la saison 3, celui que les deux derniers épisodes ne traitaient que de queues d’intrigues plutôt que d’être un véritable et intense final. Ce qui m’a gêné sur douze épisodes est évidemment encore plus déstabilisant avec cette histoire qui n’en compte que six.
Pour tenter de compenser, les deux derniers épisodes multiplient les chassés croisés et les petites tricheries peu convaincantes. Marie Germain doit déployer beaucoup d’énergie pour rentrer dans le camp des Juifs au 5ème épisode, Hortense y entre comme dans un moulin dans le 6ème. La réalisation abuse du plan serré pour nous faire croire que Marie ou Hélène parvienne à semer leurs poursuivants dans une école à la géographie confuse. Hortense et Sarah parviennent à se cacher fort longtemps dans le petit enclos, et Hortense parvient on-ne-sait-comment à ne pas croiser Servier... Rien de tout cela n’est très grave. C’est, évidemment, l’accumulation d’artifices similaires qui trahit une certaine approximation. On a le sentiment qu’il y a beaucoup de frottements qui empêche l’intrigue de couler avec fluidité. Cela passe, mais on ressent qu’il a fallu y aller au burin. Un sentiment renforcé par une narration soudain un peu trop elliptique.

Des petits défauts qui n’entachent pas vraiment l’impression générale excellente laissé par un arc audacieux, qui montre à quel point « Un Village Français » peu se montrer innovante et moderne, sans perdre de vue son ambition d’être aussi une série historique et une grande série de personnage. La quatrième saison se poursuite mardi prochain, les trois prochaines semaines raconteront une nouvelle intrigue en six épisodes située en novembre 1942, quatre mois après le huis-clos à l’école.


Critique :
UN VILLAGE FRANÇAIS — Saison 4, partie 2 (épisodes 31 à 36)

Post Scriptum

« Un Village Français »
Saison 4, partie 1 (épisodes 25 à 30)
6x52’ – 2012 – Une Production Tetra Media pour France 3.
Créé par Frédéric Krivine, Philippe Triboit, Emmanuel Daucé.
Ecrit par Frédéric Krivine, Sylvie Chanteux, Benjamin Dupas, Marine Francou et Fanny Herrero.
Réalisé par Philippe Triboit.
Avec : Robin RENUCCI (Daniel Larcher), Audrey FLEUROT (Hortense Larcher), Thierry GODARD (Raymond Schwartz), Emmanuelle BACH (Jeannine Schwartz), François LORIQUET (Jules Bériot), Marie KREMER (Lucienne), Nicolas GOB (Jean Marchetti), Nade DIEU (Marie), Nathalie CERDA (Judith Morhange)...

Dernière mise à jour
le 2 mai 2012 à 05h00