UN VILLAGE FRANÇAIS — Saison 4, partie 2 (épisodes 31 à 36)
La résistance tente de s’organiser en novembre 1942.
Par Sullivan Le Postec • 1er mai 2012
Dans son deuxième volet, la saison 4 du « Village Français » s’aventure dans des territoires dramaturgiques très différents du premier. Cette fois, la résistance commence à s’organiser tandis qu’un parachuté venu de Londres tente d’accomplir sa mission.

Les six épisodes de la deuxième partie de la saison 4 renouent avec un plus large ensemble de personnages, en ramenant quelques absents de la première moitié, comme Marcel Larcher ou Henrich Muller. Cette fois, c’est l’arrivée de trois parachutistes français, envoyé de Londres pour une mission, qui va secouer la vie des habitants de Villeneuve, au moment du débarquement en Afrique du Nord. Seul l’un d’eux, interprété par l’excellent Jérôme Robart, transmetteur radio, survit. La résistance embryonnaire doit tenter de l’aider dans sa mission.

Dans l’arc scénaristique de l’école, un groupe resserré de personnages devait faire avec une situation impossible, se débattant dans des circonstances qu’ils subissaient. Cette fois, nos personnages sont bien plus actifs. Un changement de pied agréable qui donne de l’équilibre à cette saison dans son ensemble, d’ailleurs bien plus cohérente qu’on ne pourrait le croire de prime abord. On prend beaucoup de plaisir à voir les protagonistes agir plutôt que gérer. On est avec eux quand ils se faufilent, déjouent l’ennemi, arrachent des victoires, même si elles sont un peu dérisoires, surtout comparées à ce que leur coûtent leurs défaites.

Fidèle à elle-même, la série entrecroise le romanesque de l’évolution des personnages avec sa mission historique. C’est le cas tandis qu’on renoue avec la cellule communiste, ses ‘‘triangles’’, ‘‘autocritiques’’, et adaptations aux changements de la Ligne du parti ; tout comme lorsque Vincent explique à Marie — et à nous — le fonctionnement des codes de cryptage des transmetteurs radio de la Résistance.
En arrière-plan, la relation entre Vincent et Marie réussit ce qui avait raté quelques épisodes plus tôt entre Jean et Rita : convaincre de la possibilité d’un amour dans une histoire qui ne couvre qu’une poignée de jours.

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C’est la limite du temps très contracté qui a tant réussi aux intrigues et à la montée de la tension depuis la précédente saison du « Village Français » : elle force à négocier des virages très rapides dans les relations entre les personnages. Dans ces circonstances qui frôlent les limites de la crédibilité, il n’est pas facile de maintenir leur densité émotionnelle.
Quand le Maire Larcher, après des mois avec Sarah, semble prêt à tout recommencer avec Hortense après une simple nuit accidentelle passée ensemble, il a brusquement l’air autant simplet qu’un peu goujat. Heureusement que le travail sur la caractérisation psychologique des personnages, très poussé, compense en large partie ce défaut. Conformément à l’intention de son auteur Frédéric Krivine, la saison est un récit de couples plus ou moins dysfonctionnels qui tantôt se déchirent, tantôt arrivent à s’accorder un instant de vrai bonheur au milieu de la tragédie.
La saison 4 amplifie l’évolution constatée dans la précédente : la vision presque uniquement désespérée du couple, très présente au début de la série, fait la place à des représentations plus diverses et contrastées : maintenant, il y a des brins de réel plaisir à arracher.

La progression de la série a imposé l’existence de deux camps clairs — la résistance ou la collaboration. Cette saison amène beaucoup des personnages à affirmer leur choix, même si quelques personnages, comme Hortense ou Raymond, restent des agents assez imprévisibles.

Marie Germain, révélée comme la chef de la cellule de résistance de Villeneuve, sous le pseudo de Dominique, est l’héroïne de ces six épisodes. Elle fait le choix d’aider Vincent, en tombe un peu amoureuse, et attrape la main tendue des Communistes pour unifier la résistance. Son engagement, elle va le payer le prix fort.
Car ce qui a commencé sous le signe de l’action et de l’espérance se transforme bien vite en implacable souricière. Cette saison, décidément est très sombre. Pour l’heure, la guerre est cruelle et n’offre aucune récompense. L’impact est suffisamment fort pour qu’on oublie le caractère un peu artificiel de la manière dont la mort épargne tous les personnages réguliers pour ne s’abattre que sur les semi-récurrents et les guests.

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Le cliffhanger final, bien plus profond que celui de la saison précédente, déstabilise profondément l’univers du « Village Français ». Après que la série ait maintes fois brandit la possibilité de la démission du Maire Larcher, il est ici éloigné de sa fonction sans tambours ni trompettes. On a déjà hâte de savoir comment les scénaristes feront rebondir les enjeux.
Désormais, « Un Village Français » maîtrise parfaitement sa partition. Les personnages, riches, sont fermement établis. L’écriture, précise, génère tension et addiction. La réalisation sait se montrer élégante autant qu’émouvante. Pour franchir un palier supplémentaire, elle devra réussir à se montrer parfois plus organique, un tout petit peu moins appliquée.

Reste que la série de France 3, avec ses douze épisodes annuels denses et feuilletonnants, s’est totalement imposée dans le paysage français. Elle pose une question à laquelle il devient de plus en plus difficile de ne pas trouver de véritable réponse. Pourquoi est-elle si seule ?


Les épisodes précédents :
UN VILLAGE FRANÇAIS — Saison 4, partie 1 (épisodes 25 à 30)

Post Scriptum

« Un Village Français »
Saison 4, partie 2 (épisodes 31 à 36)
6x52’ – 2012 – Une Production Tetra Media pour France 3.
Créé par Frédéric Krivine, Philippe Triboit, Emmanuel Daucé.
Écrit par Frédéric Krivine, Sylvie Chanteux, Benjamin Dupas, Marine Francou, Fanny Herrero, Emmanuel Salinger, Vincent Solignac, Emmanuelle Sardou.
Réalisé par Patrice Martineau.
Avec : Robin RENUCCI (Daniel Larcher), Audrey FLEUROT (Hortense Larcher), Thierry GODARD (Raymond Schwartz), Emmanuelle BACH (Jeannine Schwartz), François LORIQUET (Jules Bériot), Marie KREMER (Lucienne), Nicolas GOB (Jean Marchetti), Nade DIEU (Marie), Nathalie CERDA (Judith Morhange)...

Dernière mise à jour
le 2 mai 2012 à 05h00